Chapitre 43

4 minutes de lecture

Avril 2016

Le lendemain, on avait prévu une petite randonnée d’une journée, histoire de se remettre en condition. Paul avait annulé sa participation, et je n’avais certainement pas insisté pour qu’il vienne… Bien sûr, son absence n’est pas passée inaperçue, et c’est Gauthier qui a mis les pieds dans le plat quand il est arrivé au point de rendez-vous :

« Tiens, Paul n’est pas là ?

_ Non, Paul n’est pas là. » ai-je répondu calmement. Après une profonde inspiration, j’ai ajouté : « Et tu veux que je te dise ? On aurait dû s’en tenir à la bonne vieille règle ‘pas de conjoints en randonnée’.

_ En fait, à la base c’était ‘pas de nanas’. Mais on est contents que tu sois là, Moustique. » m’a taquinée Alexandre.

« Macho.

_ Mais non ! Il y a… quoi ? Dix ans ? douze ? Certains d’entre nous sortaient avec des filles qui auraient été ravies de nous accompagner, pourvu qu’elles aient accès à des toilettes, des douches, et une prise pour leur sèche-cheveux…

_ Tiens, on dirait Julia… » remarquai-je en jetant un coup d’œil à Virgile, lequel m’a fait un grand sourire : « C’était Julia. »

J’avais emmené mon appareil photo, et j’ai pris de nombreux clichés des garçons et du paysage ; des détails ou des plans larges… A la pause-déjeuner, j’ai insisté pour faire une photo de groupe. Avec le retardateur de mon appareil, rien de plus facile… On a dévoré notre repas, discuté et plaisanté, puis refermé nos sacs à dos.

J’ai relacé mes chaussures que j’avais desserrées le temps de manger, et me suis levée en appelant : « Attila ! » et au moment où la deuxième syllabe franchissait mes lèvres, la réalité m’est retombée dessus, les larmes me sont montées aux yeux, et j’ai baissé la tête pour éviter le regard de mes frères qui m’entouraient dans le but de me réconforter. Il y a eu quelques murmures, puis je les ai sentis s’écarter, entendus s’éloigner. J’ai essuyé mes yeux et mes joues, et inspiré profondément. J’ai soufflé lentement en ouvrant les yeux, et crispé un peu la mâchoire : en fait, je n’étais pas seule.

« T’inquiète pas, Clément. Ça va aller.

_ Je sais.

_ Alors qu’est-ce que tu fous là ?

_ Je sais que tu vas tenir le coup. Mais toi, tu n’as pas l’air d’en être convaincue…

_ Mais qu’est-ce que tu racontes ? » ai-je marmonné en levant les yeux au ciel.
J’ai piétiné un peu sur place, puis relevé la tête en avançant sur le chemin pour suivre le groupe qui s’éloignait, mais je me suis trouvée nez à nez avec son torse.

« Qu’est-ce que tu veux, Clément ? » ai-je demandé d’une voix lasse.

« Je sais qu’il te manque. Et c’est normal.

_ Merci, mais tu ne m’apprends rien.

_ Je suis passé par là moi aussi, souviens-toi. Et si tu as réussi à oublier pendant assez longtemps pour l’appeler… C’est que ton cœur commence à cicatriser. C’est bien.

_ Je ne veux pas guérir, je ne veux pas l’oublier. » murmurai-je.

« Tu ne l’oublieras jamais, Louise. C’est la douleur, que tu vas oublier. Petit à petit, il te restera juste les souvenirs. Et un jour, peut-être, tu auras envie d’avoir un autre chien…

_ Jamais ! J’aurai jamais d’autre chien ! C’est Attila que je veux ! Lui, et personne d’autre.

_ Excuse-moi, c’était maladroit. C’est ce que je ressens. Je commence à me dire qu’un jour, peut-être que je prendrai un autre chien… »

Et bien pas moi. Non, pas moi, certainement pas.

Il a jeté un coup d’œil par-dessus son épaule :

« On y va ? Ils vont nous attendre.

_ Ouep. » murmurai-je.

On s’est mis en marche, côte à côte, et il a repris, quelques mètres plus loin : « Tu es forte, et je sais que ça va aller mieux, même si pour le moment ça te parait insurmontable. N’oublie pas ça, princesse : tu es forte, et il y a plein de gens qui croient en toi. »

On a fini par rattraper les autres, mais on n’a pas beaucoup parlé. Juste marché. Et c’était bien.

Au moment de monter dans les voitures, Clément m’a glissé en me disant au revoir : « Appelle, si tu as envie qu’on passe un moment ensemble, un de ces jours… »

Un peu après, une fois en route, Virgile m’a regardée dans le rétroviseur en me faisant un clin d’œil.

« Alors Bouchon, toi et Clément… ?

_ Dans tes rêves. Les mecs, plus ça va et pire c’est. J’ai pas l’intention de m’en remettre un dans les pattes de sitôt. »

Ensuite, j’ai détourné le regard, posé mon front contre la vitre, et fermé les yeux, signifiant à mes frères que je n’avais pas envie de parler. Une fois à Clermont, ils ont insisté pour que je reste manger avec eux et Julia, puis j’ai embrassé mon neveu, et je suis rentrée chez moi.

« Tu es sure, Lou ? Tu ne veux pas rester dormir ?

_ Ça va, Nico. Promis. »

Le bilan de la journée était un peu mitigé. J’avais pris plaisir à ces heures passées dehors, il y avait eu de bons moments, mais la sérénité n’était pas au rendez-vous, entre ma rupture avec Paul et le souvenir d’Attila…

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