Chapitre 3

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Juillet 2016

Les semaines et les mois qui ont suivi, je me suis rapprochée de Clément, on est devenus complices au point de se comprendre parfois sans avoir besoin de parler, ce qui faisait jaser les autres. Il haussait les épaules quand on nous taquinait, ça coulait sur lui comme de l’eau sur le dos d’un canard. Moi, ça avait tendance à m’énerver.

« Te fâche pas, Louloute. » me dit un jour Gauthier. « Qui aime bien châtie bien, tu sais. C’est pas méchant.

_ Je sais mais ça m’agace, on dirait que vous essayez de me pousser dans son lit ! »

On était assis entre les tentes après le repas et on discutait tous ensemble, Gauthier et moi à voix basse, discrètement. Il plissa les yeux :

« Pourquoi tu réagis comme ça ? Tu me fais penser à cette vieille chanson, c’est Dutronc je crois : Dans mon lit j’ai mis des cactus, dans mon slip j’ai mis des cactus.

_ Ça doit faire mal…

_ Je suis sérieux, Louloute. Il t’a fait tant de mal que ça, Paul ? Pourquoi tu es toujours sur la défensive, comme ça ?

_ Je ne suis pas sur la défensive ! J’ai pas envie de m’emmerder avec un mec dans ma vie, c’est tout. J’ai encore le droit, non ? » J’avais élevé la voix sans m’en rendre compte, et les autres me regardaient curieusement. « C’est bon, vous êtes contents ? » ai-je ajouté en ronchonnant.

« Tu essaies les filles, alors ? » demanda innocemment mon ex, qui expérimentait lui-même cette voie-là.

« Gauthier, fous-lui la paix… » soupira Clément. Je n’entendis pas la suite : je m’éloignais déjà avec mon nécessaire de toilette. A mon retour, un bon moment après, ils étaient tous occupés à ranger, et à se préparer pour la nuit. Clément enlevait ses chaussures, assis sur son sac de couchage. Je le remerciai d’un sourire pour son intervention, un peu plus tôt, et il me le rendit.

« Tu ne veux pas dormir avec un de tes frères, t’es sure ? Je ne le prendrais pas mal, tu sais.

_ Mais non, pas de problème. Ils sont collés l’un à l’autre en ce moment, de vrais siamois. Je préfère les laisser seuls quand ils sont comme ça. »

Depuis quelques semaines, Virgile et Nicolas faisaient des mystères et changeaient manifestement de sujet quand j’étais dans les parages. J’ignorais ce qu’ils mijotaient, ils n’avaient visiblement pas l’intention de me mettre dans la confidence.

Je me suis glissée dans mon duvet, et j’ai écouté Clément en faire autant, dans le noir.

Le temps a changé dans la nuit, la température a chuté, et je me suis réveillée au petit matin en claquant des dents, frigorifiée.

« Ça va ? » a chuchoté Clément dans le noir.

« Je suis gelée… »

_ Ouais, pareil. Viens près de moi, on va se réchauffer. » proposa-t-il. Je n’ai pas hésité longtemps avant d’accepter, je lui ai tourné le dos et on s’est rapprochés pour essayer de mutualiser la chaleur. Ça a un peu fonctionné, à moins que ce ne soit l’effet des vêtements que j’avais enfilés, et j’ai réussi à me rendormir quelques heures.

On a marché toute la matinée dans une brume froide et désagréable, qui empêchait de profiter du paysage, puis le temps a commencé à se lever, et à 15 heures on crevait de chaud.

Clément a passé la main dans ses cheveux longs : « Il va falloir que je coupe tout ça, j’en ai marre, là…
_ Bah, non, quelle horreur ! Hein les gars, il est moche avec la boule à zéro ? »

Clément avait une façon toute personnelle de gérer sa coiffure : tous les trois ou quatre ans, il se passait le crâne à la tondeuse, puis laissait repousser ses cheveux sans plus s’en préoccuper. Je l’avais vu faire une fois, et le résultat n’était pas extraordinaire…

Je lui prêtai un élastique et le regardai attacher maladroitement ses cheveux ; je fis de mon mieux pour ne pas rire en voyant le résultat.

« Ne me dis pas que je vais devoir t’apprendre à te coiffer ? » pouffai-je.

Et pourtant… le lendemain matin, je me retrouvai, peigne en main, à lui lisser les cheveux pour les rassembler en une queue haute que je repliai dans l’élastique, un peu à la façon des chignons des samouraïs.

« Tiens, Louise est en train de jouer à la poupée !

_ C’est une grande première, alors ! » nota Virgile. « Elle ne les a jamais usées, ses poupées ! »

Je les laissai se moquer gentiment, et rendis son peigne à Clément avant de rassembler mes propres nattes en une queue de cheval qui balayait mes épaules quand je tournais la tête. Puis on a fini de ranger nos affaires, bouclé les sacs, et attaqué notre journée de marche.

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