Chapitre 31

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Début juin 2017

Les jours suivants, je fis en sorte que Meaza sorte davantage. Elle accepta même d’aller seule jusqu’à la boulangerie, pas très à l’aise au moment de partir, déjà plus sure d’elle en rentrant. Je comprenais son besoin d’une présence amicale à ses côtés, sa peur de se perdre ou d’avoir des ennuis avec les forces de l’ordre – des années à craindre la police et les contrôles d’identité avaient forcément laissé des traces…

Mais je savais aussi que la couver ne lui rendrait pas service. En revanche, je ne tentai pas de lui faire rencontrer notre groupe d’amis. Pour ça, je préférais attendre le retour de Nico. Mais j’étais grave en manque, et Clément n’eut pas trop de mal à me convaincre de passer une soirée avec lui. Meaza est restée seule à mon appartement, elle avait pour projet d’appeler mon frère, et de lire. Après quelques heures ensemble, Clément m’a raccompagnée en voiture.

Le lendemain, en fin d’après-midi, l’interphone a sonné alors que je dessinais. Meaza a relevé la tête de son ordinateur, le cœur battant, elle m’a fait penser à un lapin dans la ligne de mire du chasseur. J’ai souri pour la rassurer, et je suis allée répondre. Elle n’aimait pas les visites surprises, elle m’avait confié que pour elle, c’était annonciateur de problèmes…

J’ai décroché l’interphone, et ouvert à Nico qui s’impatientait en bas, avant de regarder Meaza. Elle avait toujours son air de lapin face au fusil, j’ai souri :

« Tout va bien, ne t’inquiète pas.

_ Qui est-ce ? » a-t-elle demandé de sa voix douce, un peu tremblante.

« Viens ouvrir… » ai-je répondu, mystérieuse.

Elle a jeté un regard dans l’œilleton avant de déverrouiller la porte en hâte et de se jeter dans les bras de mon frère qui a lâché toutes ses affaires sur le palier pour l’enlacer.

Attendrie, j’ai regardé cette étreinte qui n’en finissait plus, sur le pas de ma porte. Meaza avait enfoui son visage dans le cou de Nico, les bras passés autour de sa nuque. Il la tenait contre lui et caressait son dos. Je crus même voir ses yeux déborder. Je n’avais jamais vu mon frère pleurer de bonheur…

Enfin, après ce qui me sembla une éternité, il avança à petits pas dans mon appartement, la faisant reculer doucement et me permettant de rentrer les deux valises qu’il avait laissées dans le couloir. Je fermai la porte, et alors seulement Nicolas s’écarta de Meaza, avant de se tourner vers moi.

« Viens là, Moustique… Tu m’as manqué toi aussi… » dit-il en me prenant à mon tour dans ses bras. Le meilleur endroit du monde… juste après les bras de Clément. A égalité avec ceux de Virgile…

Puis, pour couper court aux effusions, et court-circuiter la gêne que je sentais poindre chez Meaza, j’ai organisé les choses :

« Enlève tes chaussures, Nico, et donne-moi ta veste que je la suspende. » Il avait quitté son boulot à midi et n’avait pas pris le temps de se changer, il avait sauté dans le premier TGV pour Clermont-Ferrand. Il était classe, en costume, mais je le préférais tout de même dans ses vêtements habituels.

« Et puis tu mettras ton linge à laver dans la salle de bain, aussi. »

Il a trié ses chemises et ses chaussettes, pendu quelques affaires propres dans le placard. Pendant ce temps, Meaza m’a aidée à changer les draps du lit que j’allais leur laisser. Moi, je camperais dans le bureau. Ou chez Clément. Être occupée lui fit du bien, elle retrouva le sourire avant de me confier dans un murmure qu’elle angoissait un peu à l’idée de se retrouver seule avec Nico. Ça n’était jamais vraiment arrivé, finalement… Je lui fis promettre de lui en parler, et à ce moment-là il sortit de la salle d’eau, trainant une valise à moitié ouverte derrière lui.

« Me dire quoi ? »

Meaza me regarda, un peu paniquée, et je m’enfermai courageusement dans mon bureau pour les laisser discuter en toute intimité. Ce n’était pas prémédité, mais au moins ils ne pourraient pas se défiler… et ça leur ferait du bien. Faites ce que je dis, pas ce que je fais… je sais…

Je travaillai un long moment, et ne m’arrêtai que lorsque mon frère toqua doucement à la porte : « Lou ?

_ Ouais, entre. » dis-je en posant mon stylet, enregistrant mon travail avant de mettre la tablette en veille.

« Je veux présenter Meaza à Virgile. Il est OK, il nous attend. Et… si Clément veut venir… »

Je troquai le short en jean et le vieux T-shirt que j’avais portés toute la journée, contre une robe de saison. En voyant arriver Clément et ses cheveux longs, sa dégaine de sportif cool, Meaza parut un peu décontenancée, intimidée, puis se reprit rapidement. Pourtant, je lui avais montré des photos de tout le monde, histoire qu’elle ne soit pas trop perdue. Histoire aussi de tâter le terrain pour le couple Hugothier, savoir ce qu’elle pensait de l’homosexualité…

Bref, après les présentations, la glace dégelée grâce à Lenka et ses manifestations de joie envers tout le monde, même Meaza, on est partis à pied. Je vis Nico lever les yeux au ciel en me voyant récupérer mon sac à dos, qui jurait un peu avec ma petite robe, certes, mais c’était tellement plus pratique qu’un sac à main…

On a passé la soirée chez Virgile et Julia, une soirée improvisée autour d’une salade composée. Rien d’extraordinaire, le plus important étant de nous retrouver tous ensemble. La fratrie enfin réunie, chacun avec sa moitié, et les deux petits. Corentin n’avait pas mis longtemps pour adopter Meaza, la rebaptisant au passage Zaza… Il passait de bras en bras, excité comme une puce, et Virgile dut se fâcher un peu au moment de le coucher.

Lorsqu’on est partis, tard dans la soirée, Clément m’a retenue par la main alors que je m’apprêtais à suivre mon frère et Meaza :

« Tu vas où, comme ça ? Je t’enlève pour la nuit, ma belle… »

Mon frère m’a assuré que je pouvais, et Meaza a acquiescé également, alors j’ai suivi Clément après les avoir embrassés tous les deux. On a regagné son studio, profitant de chaque feu rouge pour s’embrasser, et à peine arrivés il m’a ôté ma robe tout en se délestant de son T-shirt, j’ai enlevé ma culotte pendant qu’il virait le reste de ses habits, et on a basculé sur le lit. L’envie était là, pressante, impérieuse, irrésistible.

Fiché en moi, au plus profond, immobile, Clément me regardait : « Tu m’as manqué.

_ On s’est vus hier !

_ Et alors ? Ce matin, aujourd’hui, tu m’as manqué… »

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