Chapitre 42

6 minutes de lecture

Eté 2017

« Tu me fais confiance ? »

La question résonnait en moi, les mots m’entouraient et m’emplissaient à la fois. Clément venait de me bander les yeux avec un de mes foulards, le blanc je crois. On s’embrassait, on se caressait, il m’avait demandé de fermer les yeux, et une seconde après je sentais la caresse du tissu sur mon visage, le nœud derrière ma tête. Les mains de Clément qui s’assuraient que le bandeau reste en place, mais qu’il ne serre pas trop non plus.

« Ça va, ma belle ?

_ Ou-oui. » Un oui un peu hésitant. C’était étrange…

« Tu as confiance en moi ?

_ Oui, mais…

_ Y’a pas de mais, princesse. » murmura-t-il, sa bouche toute proche de la mienne. « Est-ce que tu me fais confiance ? »

Les mots résonnaient en moi, et je resserrai ma prise sur ses bras, qu’il ne s’en aille pas. J’inspirai profondément, et hochai la tête en murmurant oui.

J’avais confiance en lui ; c’est plutôt en moi que je n’avais pas confiance, en mes réactions souvent instinctives, à fleur de peau. D’autant plus à cet instant, ainsi privée de la vue.

« Laisse-toi aller, Trésor… » a murmuré la voix caressante de Clément, près de mon oreille.

Le lâcher-prise… il remettait ça…

Je souriais, sans doute bêtement. Nerveusement, en fait. Toujours à l’aguet du moindre de ses mouvements, de ses gestes. Il était doux, et ferme. Comme toujours, en réalité. J’en étais seulement beaucoup plus consciente aujourd’hui, à cause de mes yeux bandés.

« Tout doux, ma belle… Allonge-toi, voilà… » Et comme un petit sursaut m’agitait, la surprise du baiser qu’il posait sur ma poitrine sans prévenir, Clément soupira et se coucha contre moi.

« Tu veux que je détache le…

_ Non, non, ça va. Laisse-moi juste le temps de m’habituer, d’accord ? »

Il m’a câlinée tendrement, attendant patiemment que je me détende, que j’oublie le foulard sur mes yeux. Et rapidement, bien plus que je ne l’aurais cru possible, je parvins à faire abstraction du bandeau. La voix basse de Clément qui me chuchotait des mots d’amour me berçait aussi, et je m’enfonçais lentement dans une sorte de bien-être sensuel, mélange de plaisir, de désir, de confiance et d’amour. C’était comme plonger dans une baignoire remplie d’eau chaude et parfumée, avec de la musique en fond sonore : la béatitude des cinq sens…

La caresse des mains chaudes de Clément sur ma peau, l’odeur de nos corps qui avaient pris le soleil toute la journée, celle de notre chambre, le bois chaud du chalet. La voix de Clément qui résonnait à mes oreilles, à mon cerveau, comme hypnotique. Et le goût de ses lèvres, de sa langue, de sa peau salée. Sa peau était douce sous mes doigts, et son sexe dressé, dur, brulant contre ma cuisse. Il m’empêcha de le saisir, remonta mes mains au-dessus de ma tête sans cesser de m’embrasser.

« Fais-moi confiance, ma belle… Laisse-moi faire… » souffla-t-il avant de reprendre possession de ma bouche pour un baiser long et profond qui me liquéfia littéralement.

J’étais fébrile, excitée, impatiente, et en même temps fermement décidée à jouer le jeu que me proposait Clément.

Puisqu’il tenait toujours mes poignets, je me frottais à lui comme je pouvais, ondulant du bassin pour tenter d’orienter ses caresses, pour me rapprocher de lui. Et lui, très sérieux, imperturbable du moins en apparence, continuait à faire monter la pression.

« Clément, j’en peux plus… prends-moi, je t’en prie, viens ! »

Je n’eus pas à le supplier longtemps, il lâcha mes mains et se glissa entre mes cuisses pour me pénétrer.

« Mmmmmh… » Mon gémissement de bonheur le fit rire un peu.

« Oh, ouais, tout ça ? »

Comme j’allais caresser son dos, ses fesses - j’aimais bien poser les mains sur ses reins pour le sentir aller et venir en moi - Clément attrapa mes poignets tout en immobilisant son bassin.

« Hon, hon ! Ne bouge pas. »

Je sentis quelque chose entourer mes poignets, une corde ? Et Clément referma mes doigts dessus, je la sentais, tendue, il avait attaché mes mains à la poutre qui faisait le coin de notre lit. Je m’agitai, tirai sur mes liens, me tordant le cou pour renverser la tête, comme si je pouvais voir quelque chose avec le bandeau !

« Clément…

_ Cchhht, Trésor… » Il posa la main sur les miennes pour les immobiliser. « Louise, ma belle… »

Je respirai lentement, profondément, en tentant de me raisonner : c’était Clément, pas un psychopathe pervers et sadique. C’était Clément, et j’avais confiance en lui.

« Tu veux que j’enlève le foulard ? » proposa-t-il.

« Oui, s’il te plait. »

Un instant aveuglée par la lumière, je battis des paupières en plissant les yeux, puis tombai sur ses prunelles noires qui me fixaient avec inquiétude et surtout avec beaucoup d’amour.

« Qu’est-ce qu’il y a, Trésor ?

_ Je…

_ C’est pas bon ?

_ Siiii… » ai-je gémi alors qu’il reprenait de petits mouvements en moi. « C’est… Clément, c’est d’être attachée… »

A ma grande surprise, il sourit au lieu de se dépêcher de dénouer mes liens.

« Tu n’es pas attachée, Louise. »

Il se fichait de moi ! Je la sentais, cette corde autour de mes poignets…

« Ouvre les doigts, ma belle. »

Je fis ce qu’il disait, et la pression de la corde s’allégea. Me tordant le cou, je parvins à voir mes poignets. La corde passait autour, mais n’était pas nouée. C’était une simple boucle, et Clément m’avait fait serrer les doigts autour pour la tenir, c’est tout.

« C’est dans ta tête, princesse… » me dit-il, très sérieusement.

Il était toujours en moi, immobile, son pubis collé au mien, ses doigts mêlés à la corde autour de mes poignets, au-dessus de ma tête.

Je fermai les yeux, serrai mes jambes autour de ses hanches, et l’incitai à poursuivre. Il prit le temps de faire naitre le plaisir, lentement, longuement, et jouit un peu après moi.

Au lieu de se laisser aller dans un demi-sommeil post-orgasmique, comme d’habitude, il s’installa sur le flanc, face à moi, et posa sa main sur ma joue.

« Trésor… Tu sais ce qui compte le plus dans notre relation ?

_ … notre amour ?

_ Oui, mais encore plus que ça… Ta confiance, ma belle. Parce que tu as toujours eu confiance en moi, dès le premier jour, bien avant de m’aimer.

_ Tu as voulu tester ma confiance ?

_ Non ! » Je ne savais pas trop ce que je pensais de cette idée, mais il l’a repoussée aussitôt, très fort. « Non, princesse. Je voulais te prouver à toi que tu me fais confiance. Que tu as suffisamment confiance en moi, et en toi, pour me laisser te maitriser. Je suis fier de toi, Trésor : tu es allée jusqu’au bout, et tu es restée calme.

_ Et si j’avais paniqué ?

_ Je ne t’aurais pas laissée paniquer, Louise.

_ Et si j’avais dit non ?

_ Alors j’aurais tout arrêté, je te le promets.

_ Je te crois. »

Il laissa quelques instants de silence, avant de reprendre : « Tu as eu envie de dire stop ?

_ Oui, quand… quand tu m’as attachée, quand j’ai senti la corde.

_ Pas avant ? Quand je tenais tes mains ?

_ Non…

_ Alors que… tu en as conscience, Lou : j’avais plus de prise sur toi en te tenant les poignets, qu’après lorsque tu tenais toi-même la corde.

_ C’est bizarre… c’est ce que tu disais : c’est dans la tête ?

_ Oui… Je ne sais pas si tu t’en es rendu compte, mais tu mouillais comme jamais. Tu étais un peu sur la défensive, mais ton corps lui, il aimait ça… »

Je méditai un peu là-dessus, et admis : « C’est vrai que c’était bon. C’était fort.

_ Tu voudras qu’on recommence ? » m’a-t-il demandé, un peu hésitant. J’ai juste souri en hochant la tête.

« Mais alors » a-t-il répondu « Il faudra que tu réfléchisses à un code. Un truc qui veut dire ‘stop, on arrête tout, ça ne va pas’, pas juste ‘non c’est trop bon’. »

Je ne réfléchis qu’une fraction de seconde avant de murmurer : « Attila.

_ Le code ? Attila ? » Manifestement il s’attendait à tout sauf à ça… Je m’expliquai même si c’était évident : « Attila ne m’aurait jamais fait de mal, et il n’aurait jamais laissé quiconque m’en faire.

_ Je sais. Va pour Attila. » murmura Clément en embrassant mon front.

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