Chapitre 49

4 minutes de lecture

Fin août 2017

On a passé cinq jours à découvrir la nature islandaise, à pied le plus souvent, parfois en bus voire en stop. Les Islandais étaient sympa, les touristes aussi quand ils avaient de la place dans leur voiture… Plusieurs fois, on nous a ainsi déposés à quelques dizaines de kilomètres de notre point de départ, nous faisant gagner un temps précieux.

Après l’incontournable Cercle d’Or – le site géologique et historique de Thingvellir, faille entre les plaques tectoniques et lieu où se tenait autrefois le parlement ; la chute d’eau Gullfoss, et le site de Geysir, avec le magnifique Strokkur qui jaillissait toutes les six ou sept minutes, me donnant l’occasion de faire de magnifiques photos – nous avons fait route vers le Landmannalaugar, une région montagneuse, magnifique. Là, on a rencontré beaucoup moins de touristes, mais pas mal de randonneurs. Je me suis régalée avec mon appareil photos et mes crayons, j’ai regretté de ne pas avoir ma boite de peinture, tellement les couleurs et leurs nuances semblaient irréelles. J’avais sous les yeux, à longueur de journées, une peinture. Une peinture en 3D. Je souffrais d’un mal jusqu’alors inconnu : le décrochement de mâchoire chronique. Clément était touché lui aussi par la beauté des paysages, souvent nous nous arrêtions simplement au bord du chemin de randonnée, pour admirer la nature autour de nous. Je n’avais pas de mots pour décrire ce que je ressentais. Il ne faisait pas très chaud, une petite vingtaine de degrés. Et nous avons régulièrement essuyé des averses de pluie. Un temps normal en Islande…

Nous qui avions l’habitude de bivouaquer seuls au milieu de la montagne, là on ne pouvait pas : pour éviter d’abimer la végétation, très fragile, on était priés de ne pas s’écarter des chemins, et de planter nos tentes aux emplacements réservés, près des refuges. Les campings islandais étaient à la fois sommaires et bien équipés : un endroit clos ou au moins clairement délimité, avec des sanitaires (eau chaude, papier toilette, et même chauffage !). Il n’en fallait pas plus, pour nous c’était même grand luxe ! Je regrettais seulement qu’on soit entourés d’autant de gens. La solitude me manquait un peu.

Notre premier soir de camping, le portable captait un réseau génial, bien mieux que dans nos montagnes auvergnates. La 4G au milieu du désert ! J’avais coupé le réseau toute la journée pour éviter les appels en itinérance et le hors-forfait, mais je l’ai remis un moment le soir. Nicolas avait tenté de me joindre.

« Salut Moustique, j’aimerais que tu me rappelles quand tu auras ce message, s’il te plait, c’est la chienne, elle a l’air malade et je ne sais pas trop quoi faire. »

Paniquée, je composai aussitôt son numéro. La dernière fois que j’avais vu un chien malade, ça ne s’était pas bien fini… Qu’avait bien pu inventer Lenka ? Clément avait les sourcils froncés et se penchait près de moi pour coller l’oreille au téléphone et entendre ce que disait mon frère.

« Je sais pas, elle ne mange rien, c’est pas bon signe, non ? Il faut que je l’emmène chez le vétérinaire, ou pas ?

_ Elle ne mange rien ?

_ Rien de rien ! Sa gamelle est pleine, j’ai essayé de lui donner de la viande ce midi, elle l’a boudée aussi. Elle passe son temps couchée devant la porte de votre chambre, elle est amorphe depuis qu’on est rentrés de l’aéroport.

_ OK, je vois... » intervint Clément. « Elle déprime. Passe-la-moi.

_ Hein ? » J’imaginais très bien la tête de mon frère en entendant ça : je faisais la même.

« Fous le téléphone près de son oreille, ou mets le haut-parleur, qu’elle puisse m’entendre !

_ Euh… OK, c’est bon, elle t’entend, là.

_ Ben alors Lenka ? Ça va pas mon bébé ? » Clément a parlé à sa chienne, bêtifié dans le téléphone, lui a roucoulé des mots d’amour et des promesses. Je l’ai écouté sans rien dire. Nico, à l’autre bout de la ligne, se taisait aussi. Au bout d’un moment, Clément lui a demandé d’aller chercher une friandise pour Lenka, un bonbon spécial chiens qu’on gardait pour les occasions spéciales et les récompenses. Elle adorait ça. Mon frère nous a donné quelques nouvelles tout en allant dans la cuisine et en cherchant la boite dans le placard, puis on l’a entendu appeler la chienne.

« Lenka ! C’est pour qui le bonbon ? - Elle m’a suivi. - Tiens. - Elle le mange.

_ Ouf… Caresse-la, s’il te plait. »

On a entendu Nico féliciter la chienne qui mangeait sa friandise. C’était un peu le monde à l’envers ! Ensuite, il a vidé la gamelle encore pleine de croquettes de la veille ou de l’avant-veille, sans doute un peu rassies et éventées, et lui en a servi des fraiches. Quand Lenka a commencé à les manger, Clément s’est remis à respirer, et moi aussi je dois dire.

« Allez Moustique, ça va aller, je vais en prendre soin de ta chienne. Désolé d’avoir paniqué, mais j’avais peur qu’elle soit malade…

_ Nan, t’as bien fait d’appeler. Hé ! c’est pas MA chienne, d’abord, c’est celle de Clément. »

Ils ont ri tous les deux, et on a raccroché.

J’ai coupé à nouveau le réseau GSM, et rangé le téléphone. On s’est regardés, avant d’éclater de rire. La situation était tout de même cocasse ! Un chien déprimé qui fait grève de la faim et à qui il faut téléphoner pour le rassurer…

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