Chapitre 1

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Heath se redresse dans son fauteuil sous les yeux brillants d’attention d’Aaron. L’heure est arrivée, il le sait. Il a observé ce jeune homme des jours durant, et son instinct lui dit que c’est le bon.

“C’était il y a bien longtemps. J’avais vingt ans et j’étais en études. Comme toi, elles ne me passionnaient pas. Mais à l’époque, quand tu avais la chance de faire des études tu n'abandonnes pas.”

Il voit Aaron sourire doucement. Il s’était fait à son caractère. Seul depuis des années, il avait changé. Autrefois abordable et souriant, il est aujourd’hui “ronchon” et “amateur de silence”, pour reprendre les mots d’Aaron. Ceci n’empêche pas Heath de le regarder comme un père regarde son enfant sur le point de faire une bêtise avant de continuer.

“Il faut dire les choses : je m’ennuyais. Comme un homme mort. L'université où j’étais disposait d’une petite salle de danse et de chant dans laquelle je me rendais souvent. À l’époque, j’étais plein de rêves. La musique était mon tremplin. Je pouvais passer des heures à mixer sur mes platines et danser. C’est dans cette salle que je l’ai rencontrée. Ce jour-là, je m’y suis rendu deux heures plus tôt qu’à mon habitude, je ne sais plus trop pourquoi, mais j’y étais. Une fille dansait. Je ne pouvais pas décrocher mes yeux d’elle et suis resté sur le pas de la porte, ébahi. Elle était assez petite, avec une peau blanche comme la lune, des yeux bleus brillants et de très longs cheveux bruns ondulés qui lui arrivaient sous les hanches. À la fin de sa chorégraphie, je me souviens comme si c'était hier : elle s’est tournée vers moi et m’a dit :

“Je t’ai déjà vu, toi ! Je m’appelle Rhoda, je suis fan de tes mixs !”

À ce moment-là... comment te décrire mon état ? J’étais, c’est sûr, écarlate et incapable de prononcer un mot cohérent. La seule chose que j’ai su dire a été : “Tu es magnifique.”

Elle a ri d’un rire si beau, si cristallin que je l’entends encore. Et elle m’a proposé de faire un duo. Dans un état second, j’ai accepté. Je peux te dire aujourd’hui que ça a été la meilleure, mais aussi la pire décision de ma vie.

Après cet instant, nous nous sommes donnés rendez-vous et, régulièrement, nous dansions et peaufinions notre musique ensemble. Un jour, elle est venue me voir avec une brochure à la main : notre université organisait un concours de talents. Chant, danse, ventriloquie… tous les étudiants possédant un talent étaient invités à y participer. Le prix était une place pour un concours de renommée internationale. Motivés comme jamais, nous avons écrit une chanson, un mix, une chorégraphie et durant les quatres semaines précédant le concours, nous nous entraînions chaque soir. La chanson portait sur un voyage dans l’espace et la découverte de cultures plus étranges les unes que les autres.”

Assis en face de Heath, Aaron boit ses paroles. Secrètement, il rêve d’une telle passion. Il se sent vide, et il a le pressentiment que la vie de cet homme sera un électrochoc. Cependant, pour le moment, ce vieil homme le regarde avec ses yeux brillants, partageant le récit d’une vie qui est aujourd’hui révolue. Il prend une inspiration, ferme les yeux et continue son récit.

“Le jour du concours arriva enfin. Rhoda et moi étions si nerveux qu’elle manqua de faire un malaise plusieurs fois. Pour l’occasion, nous avions imaginé une prestation originale : moi, au devant de la scène avec ma platine de mix, et Rhoda juste derrière, montée sur une réplique de vaisseau spatial. Nos tenues étaient accordées au thème. Je portais un genre de costume argenté tandis que Rhoda portait une robe argentée à bretelle épaisse lui arrivant au genou, des grandes bottes à talons argentées et des mitaines, elles aussi argentées. Dans ses cheveux, elle avait épinglé une décoration faite de feuilles argentées qui se mêlait parfaitement avec ses longs cheveux bruns clairs ondulés. Pour l’occasion, l’université avait réussi à louer une des scènes d’un théâtre voisin, rendant le tout encore plus impressionnant.

Puis, notre tour est arrivé. Je tremblais. Elle aussi. Notre réflexe fût de nous prendre par la main et de nous regarder dans les yeux. J’ai posé ma tête sur son front et chuchoté : “Tout va bien se passer”. J’ai reculé, et, d’un hochement de tête, nous sommes partis. La scène, plongée dans le noir, s’éclaira soudain. Nous étions à nos places. Au signal, j’ai lancé la musique à très haut volume. Les lumières jaillirent, Rhoda commença à chanter. C’était parti. La nervosité s'est envolée dès que le show à commencer. Je me souviens encore des regards émerveillés des spectateurs, de la joie qui m’a parcouru alors que les notes s’envolaient… Je vivais l’un des meilleurs instants de ma vie.

Lorsque nous sommes sortis de scène, sous les applaudissements du public, mon cœur battait aussi fort que si je venais d’affronter un ours. Rhoda arborait un tel sourire de joie que je savais que toute angoisse avait disparu. Il ne nous restait plus qu'à attendre les résultats."

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