Données cryptées : les zones rouges

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Les zones rouges apparurent avec les premiers frémissements du Net. Elles ont été la réponse à une question que personne n’avait pris la peine de se poser : que se passe-t-il lorsqu’une personne, qui a stocké tous ses rêves, ses aspirations et ses souvenirs sur la Toile, meurt ? Que deviennent ces données ?

À l’apogée du Moyen-âge technologique, juste avant l’établissement du terminal persocom et de la fusion gouvernementale de toutes les plateformes, chaque individu sur Terre enregistrait ses données sur l’un des milliards de serveurs qui encombraient la planète. Bientôt, ceux-ci devinrent si envahissants qu’on décida de les enterrer. Le Cloud fusionna pour devenir cette infosphère qu’on appela l’Ethereum : c’étaient les premiers pas du Crypterium. Toutes les données mondiales y figuraient. On trouva bien quelques dissidents qui ne possédaient ni terminal de connexion ni la moindre trace d’eux sur le Net. Mais ces derniers dinosaures tombèrent vite dans l’oubli : il ne resta rien d’eux.

Les données se multipliaient d’une telle façon qu’il fallut bien les stocker quelque part. Tout comme la question des tombes s’était posée dans les cités surpeuplées avant la mise en place de la combustion obligatoire, celle de la conservation des données après la mort de leur détenteur se posa. C’est ainsi qu’on mit en place l’Elyseum : le cimetière des données oubliées. Elles y étaient compressées et empilées, comme autant de pierres tombales à la mémoire de personnes dont il ne restait plus rien d’autre. La rumeur prête aux Japonais l’invention de la tombe virtuelle, dans les années 90 du vieux calendrier en vigueur avant la Seconde Conquête de l’Espace, mais il semble plus probable que ce fut la mesure pan-gouvernementale de fusion des données mondiales qui y mena. On dit que ce fut le début de l’identité résiduelle… la porte vers l’immortalité. En attendant l’incarnation dans un nouveau corps, sur le Réseau se côtoyaient vivants et morts.

Mais certaines données passaient à travers les mailles du filet des collecteurs. C’était surtout le cas des pages personnelles abandonnées du vivant de leur utilisateur, puis oubliées. Après leur disparition, elles restaient actives, dormantes, comme autant de parcelles d’identités par ailleurs contrôlées. Certaines, comme en réaction aux nouvelles directives gouvernementales, se réveillèrent… et le leak des personnalités des morts sur le monde des vivants commença. Celles d’usagers disparus avant la mise en place du stockage résiduel dans l’Elyseum se révélèrent les plus dangereuses. Elles étaient jalouses, avides, en désarroi total devant les changements du monde. Les contre-mesures mises en place pour les contrôler et sceller ces pages fantômes donnèrent naissance au SVGARD. Les squelettes de sites internet délabrés et obsolètes qu’ils hantaient, on les appela zones rouges.

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