Elle inspire profondément. Son souffle n’est pas heurté, pas limité. Elle a l’impression qu’elle pourrait emplir ses poumons de l’atmosphère tout entière. Elle retient son souffle, un instant, avant de céder à la pression et de le libérer brutalement, comme un dragon cracherait du feu.

Elle se sent profondément vivante, ses sens décuplés. Loin de l’engourdissement qui la recroquevillait ces derniers jours, des tremblements qui la jetaient échouée sur des rivages inconnus. Malgré la grisaille ambiante, les couleurs du rouge-gorge vibrent, depuis la branche nue d’un platane tout proche. Telle une apparition, un chat noir aux yeux vert scintillants sort de sous une berline garée devant la ruelle. Il s’approche et elle sourit à sa démarche sublime, ondoyante, mêlant nonchalance et puissance. Gare aux souris, pense-t-elle.

Elle, ne craint plus rien.

Elle bascule la tête en arrière et son regard file, vertical, le long des murs de béton. La ruelle ne l’écrase pas, ne l'agrippe pas. Elle atteint l’azur, s’en gorge avidement, s’y disperse en bulles éphémères. Plus rien ne la retient. Plus rien ne la retiendra jamais.

Lentement, sa main se relâche. La seringue tinte sur l’asphalte.