Maman tortue
Il était une fois une tortue, une tortue géante qui vivait à Dead Land (la fin de la terre). Chaque année elle venait sur cette grande et magnifique plage de sable chaud. Elle venait pour pondre ses œufs. Maman tortue était très vieille, elle devait avoir deux cents ans. Elle était très fatiguée, elle avait beaucoup de mal à se déplacer ce qui la faisait gémir. Dans ses tout petits yeux, des larmes perlaient. Elle aimait humer l’air, les douces odeurs qui l’enveloppaient.
Le soleil était haut et brillait de mille feux. Mais comme chaque année maman tortue contemplait les rayons de l’astre brûlant et pleurait. Pleure maman tortue, pleure. Sa tristesse était grande, très grande. Elle aurait bien aimé sentir le soleil sur sa peau, mais hélas, elle portait une grosse carapace épaisse empêchant la chaleur de la réchauffer. Une grosse, trop grosse carapace… trop lourde. Elle levait sa petite tête et regardait les dunes de sable infini, cet horizon qu’elle chérissait tant. Là bas, au loin des poneys sauvages galopaient, crinières au vent. Elle les écoutait hennir de joie. Leurs silhouettes se dessinaient comme dans un rêve. Elle aimait les écouter et les regardait courir. Elle soupirait profondément et, comme chaque année, elle s’en retournait dans les profondeurs de l’océan. Cet océan froid où la lumière du soleil ne pénètre jamais.
Elle nageait vite pour s’éloigner vite de la rive. Elle voulait oublier qu’elle était allée sur le sable chaud. Pleure maman tortue, pleure. On pouvait entendre ses lamentations jusqu’au fin fond de cet océan gigantesque. Maman tortue se sentait seule, elle avait froid dans son petit cœur.
Mais un jour, l’esprit de l’océan entendit ses pleurs. Il vint au chevet de notre pauvre maman tortue et lui demanda :
- Mais, que t’arrive-t-il ?
- O esprit de l’océan, je voudrais tellement être comme ces poneys sauvages ! répondit maman tortue en sanglotant.
- Pourquoi veux-tu être comme ces poneys sauvages ? Tu n’es pas bien dans ton royaume ?
- Mon royaume ? Cet océan froid et silencieux ? Je voudrais courir, sentir le soleil sur ma peau, je voudrais être libre !
- Mais tu es libre, maman tortue ! Tu es la plus respectée de toute notre communauté !
- O esprit de l’océan ! Tu ne sais pas combien je m’ennuie dans ces eaux ! J’ai froid, si froid ! Je t’en prie, accorde-moi mes prières !
- Je t’ai entendue, maman tortue ! Tes prières seront exaucées, mais avant, je dois te mettre en garde !
A ces mots, maman tortue écarquilla ses petits yeux, elle ne pouvait pas y croire. Ses prières seront exaucées ! Elle poussa un cri de joie tout en tourbillonnant sur elle-même. Heureuse, si heureuse de savoir qu’elle allait enfin devenir un poney sauvage qu’elle n’écouta plus ce que lui disait l’esprit de l’océan. Elle se retourna et nagea le plus rapidement possible vers la rive. Mais l’esprit de l’océan essaya de nouveau de la mettre en garde :
- Gare, maman tortue, gare ! Arrête-toi et écoute-moi ! Ton rêve sera exaucé, mais tu devras y laisser ta vie ! Maman tortue, gare, écoute-moi, juste une dernière fois ! Maman tortue, tu devras dire adieu à ta vie, et à tout l’océan !
Mais maman tortue n’écoutait pas, trop pressée pour rejoindre le sable chaud. Vite, à la liberté qu’elle désirait tant.
Mais voici qu’au loin, un ouragan devenait plus violent et s’approchait dangereusement de notre maman tortue. Elle l’avait vu, mais le sourire aux lèvres elle se dit :
- Ha ! Tu verras, ouragan, tu ne me rattraperas pas !
Mais celui-ci était d’une violence effrayante. Maman tortue nageait le plus vite qu’elle pouvait, mais elle était vieille et trop lourde pour échapper aux vents. Les éclairs frappaient les vagues et les rafales soulevaient les eaux. Maman tortue se débattait, encore et encore, elle tentait de nager encore plus vite… plus vite encore. Elle luttait de toutes ses forces contre les éléments. Elle pouvait voir, là-bas, cette rive qu’elle voulait à tout prix atteindre. Mais hélas, une immense vague la propulsa contre les rochers et brisa d’un coup sec la carapace épaisse. Maman tortue perdit connaissance quelques instants, puis ouvrit de nouveau les yeux. Sa carapace était brisée. Maman tortue reprit un peu de force, se redressa en regardant la rive et recommença à nager, mais avec beaucoup de mal. Fatiguée, blessée, maman tortue se hissa sur le sable chaud. Elle rampa un peu, puis souffla. Elle posa sa tête sur le sol, leva ses yeux vers le soleil, puis pleura. Pleure maman tortue, pleure. Ses yeux se fermèrent à tout jamais.
Mais soudain, comme dans un rêve, elle ouvrit de nouveau ses petits yeux. Elle se redressa en regardant tout autour d’elle. Elle s’extirpa de sa grosse et lourde carapace. Ses pattes s'allongèrent, son cou s'étira, et comme par miracle des poils poussèrent sur sa peau. Ses nageoires devinrent sabots et une crinière enveloppa ses longues oreilles.
Elle leva les yeux vers le soleil et ria de toutes ses forces. Elle secoua sa longue crinière et s’en alla au galop sur le sable chaud. Elle était devenue esprit.
On l’appela, alors, maman tortue poney sauvage.
On raconte que, parfois, lorsque le soleil est haut dans le ciel, on entend, MAMAN-TORTUE-PONEY-SAUVAGE rire et que même le vent stoppe sa course pour l’écouter.
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