Le sans abri

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L’homme, création du divin dit-on, pourtant moi, un homme qui n’a rien fait de mal au bon Dieu, je me retrouve sans rien. Mon nom est sans importance, personne ne se soucie de moi, sauf quelques-uns qui acceptent de me donner un peu d’argent, parfois, on me parle. Ce qui me fait oublier ma douleur.

Dans Paris, ville lumière, je me sens en sécurité. On me regarde avec indifférence la plupart du temps. Étant sans-abri, je n’ai nul endroit où me réfugier, aucun ami, ni de famille et les pauvres frères et sœurs damnés de la rue n’ont aucun moyen de m’aider. Chose ignoble, certains ont disparu, personne cependant n'enquête, qui s’occuperait de pauvres gens comme nous ?

Deux de mes meilleurs amis sont morts, la solitude est si pesante, leurs présences et surtout leurs rires me mettaient du baume au cœur. Mais tout ça, c'est du passé. Le présent est beaucoup plus dur avec moi, car il annonce mon futur, il est nuageux. Alors en ce jour de pluie, je me mets à boire un peu d’alcool, on avait acheté quelques bouteilles ensemble en prévision d’un anniversaire. La table et les chaises sont prêtes, mais il n’aura pas lieu.

Deux chaises resteront vides.

Les jours et les nuits passent et se ressemblent. Le beau temps a disparu, l’été commence à faire place à l’automne. La nuit, viens, j’ai trop bu et reste sous un pont.

J’entends des rires, quatre hommes viennent à moi.

- Papy, alors on titube ?

Il se moque de moi ?! Le malheur va encore me frapper ?! Ça suffit !

- Ne te moque pas de moi avortons !

- Regarde-moi ça.

On cogne ma jambe, je suis à terre à cause de la douleur.

- Lamentable.

J’appelle à l’aide, personne ne m’entend, ils rient et me battent à terre. Résister. Résister. Résister.

Ce que j’ai toujours fait, résister, résister, résister.

On m’avait expulsé de mon travail pour manque de professionnalisme, un mensonge sur ma personne qui venait sûrement d'un collègue qui enviait mon poste. Résister.

J’ai perdu mes deux enfants fauchés par une voiture, résisté. Ma femme qui se suicide, résister. Des dettes sur le dos, résister. Plus de toit, résister. Plus d’ami, résister. Résister, c’est tout ce qu’il me reste, résister.

Je ne sens presque plus la douleur tellement j’ai résisté tout au long de cette chienne de vie.

Peut-être vais-je enfin voir cette foutue lumière dont on me parle, comme celle que l’on voit dans le tunnel de métro.

Soudain, un vent passe et emporte l’un de mes agresseurs.

Ils s’arrêtent enfin, quand je redresse la tête, je vois une ombre, grande, imposante, qui les enveloppe de ténèbres et de lumière bleue.

J’entends des chocs et leurs cris. Le silence tombe, puis je vois, moi, un pauvre homme, la plus belle créature qu'il me soit donné de voir, une femme gracieuse, parcourue de lumière bleutée, plus belle que n’importe quel ciel nocturne. Il fait sombre autour de nous, mais je vois dans son regard bleu, la compassion.

Sa main tient un objet dont émane une lumière blanche. Elle s'avance vers et me la tend vers moi, je fais de même. Elle le pose, la chose juste devant moi puis doucement, elle se redresse. Je veux lui montrer ma gratitude ; J'en pleure presque. Alors j'essaie de saisir sa main si proche et délicate pour embrasser le dos.

Mais elle est insaisissable comme le vent et glisse dans les ténèbres pour y disparaître sans faire un seul bruit, sans même attendre un merci.

Je suis frustré un peu de ne pas avoir peu m’exprimer.

Puis j'entends une voix amicale.

- Bonsoir, ici la police.

La lumière blanche est un téléphone, alors je réponds.

- Oui, allô ! J'ai besoin d'aide !

Quand je raconte ce qui s'est passé ce soir-là aux policiers, ils me rient au nez, disant que j’ai trop bu. Maudit soit Dieu pour avoir donné un odorat à ces imbéciles. Je maudis aussi mes quatre agresseurs décérébrés qui ne veulent pas admettre s’être fait battre par une femme, préfèrent dire que c’était un homme vêtu de noir, il n'y en à aucun qui a ce genre de forme !

Grâce aux procès et à un avocat scandalisé de ce comportement de brute, j’ai eu des dédommagements, on m'a aidé et j’ai retrouvé un toit, un petit travail et un effacement de mes dettes.

Et mon nom, Garfield Bonnet, fut prononcé à nouveau.

J’ai vu aux informations que cette ombre a sauvée une femme d’un agresseur qui, après n’a pas été vraiment crue à cause de son haleine parfumée à l'alcool.

Je rêve de la revoir, cette ombre bleutée, parfois quand je marche dans la rue la nuit, j’entrevois une silhouette tapie dans les ténèbres, j’ai secrètement l'espoir qu’elle veille sur moi, mais soyons réaliste.

Il reste tant de gens dans la misère, ma question est la suivante ; combien de mains tendues pourrait-elle extraire de cette situation ?

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