La folie d’une nuit.

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Dans Ma Citroën Xsara je fais des courses illégales la nuit. Ce soir je roule contre la BMW noire de Samuel. La Haute-Loire est notre circuit ; évidemment, il y a d’autres personnes qui viennent nous voir, sportifs comme nous et amateurs qui viennent sur la ligne de départ assister au spectacle, même si ce n’est que pour voir nos pneus fumer.

Le trajet à faire est simple, on passe là où il n’y a pas de gendarmerie et des villages presque sans vie, il y’en a beaucoup à cette période de l’année, la fin d’hiver. La route est relativement sèche avec adhérence maximum et surtout entièrement refaite.

J’ai un ami, Simon sur le siège passager, lui aussi fait des courses, mais sa voiture a eu un souci technique, il a trop bidouillé son moteur.

Sur la ligne de départ, un de nos amis faits le décompte. Commençant par cinq je m’assure que mon frein à main est levé.

À quatre, nos moteurs grondent, à trois, je fais craquer mes os, à deux rugissements plus forts, à un je passe la première, pieds sur l’embrayage prêt à lever et celui de l’accélérateur aussi, au moment où il cri partez, nos bolides démarrent. Pneus grinçants s’agrippant sur le goudron, frénésie battante de nos moteurs et le bang du turbo, une douce mélodie de compétition mécanique.

La BMW est certes récente, mais ma Citroën bleue modifiée a beaucoup de puissance. Je le devance sur la ligne droite.

Le Premier virage, je l’attaque de l’intérieur le plus serré possible, je fais de même pour les suivants, pourtant la BMW n’en démord pas, elle n’est normalement pas faite pour les circuits type rallye. Samuel est tout simplement un pilote doué et ce soir il le prouve en me talonnant. Fabuleux, voilà ce que j'aime dans tout ceci, ma liberté d’affronter qui je veux, d’être repoussé dans mes limites. Une sensation grisante envahit chacune des cellules de mon être.

Soudain dans l’une des sorties de virage je vois un phare ; je n’ai pas le temps ! Je freine et esquive en mettant un coup sec de volant.

Ma voiture fait un tête à queue, c’est un motard tout en noir à l’arrêt, la BMW freine et oh non…

Quelle violence ! Le motard est percuté ; son corps propulsé contre le pare-chocs de ma voiture. Non de dieu, sa tête ! Bang ! Comment elle a rebondit !

Nous sortons de nos véhicules, il y a carrément une trace d’impact là où la tête a tapé ! Le corps allongé.

- Il est mort !

Hurle Samuel qui panique et rentre dans sa BMW.

- Nous devons l'aider ! il....

Simon me coupe d'un geste vif et à son tour s’exclame.

- Non ! Il faut que l'on dégage ou sinon c’est la prison à vie !

Il a raison, je regarde une dernière fois la motarde qui semble être une femme, son buste ne bouge pas. Oui, elle est morte. Nous repartons et j’indique à Samuel de me suivre. Il faut vite s’éloigner.

Après quelques courbes, Simon me fait une remarque.

- Il y a une étrange lueur derrière nous.

Rétroviseur central, je vois derrière la BMW, cette lumière bleue semble nous suivre.. Le virage suivant, j’entends klaxonner, c’est la BMW. Il accélère ? Choc ?!

- Oh putain il nous rentre dedans !

Il nous pousse, je suis obligé à cause de ça de faire un drift maladroit sur un virage.

Bang ?! C’est quoi ce raffut ?! Une fraction de seconde, j’ai vu la voiture de derrière faire des tonneaux ?!

- Simon, je n’ai pas rêvé ?

- Oh putain Roger accélère !

- Quoi ?! Qu’est-ce qui se passe ?!

- Le motard nous colle au train !

- Quoi ? Comment ça le…

Sur une moto noire, le visage de la mort nous poursuit, elle a des cheveux enflammés d’un bleu éclatant.

J’accélère et sème cette chose, je traverse un village en ligne droite, j’accélère de plus en plus, je sors du village. J’attaque plusieurs courbes à une vitesse que je ne devrais pas. Mon cœur bat et mes mains tremblent, tout doit être précis. Vient la partie la plus dangereuse de toutes, une descente avec deux virages de 180°, dont deux autres à 90° au milieu, si par malheur quelqu’un vient en face, c’est l'accident mortel assuré.

Le Premier, je le prends de l’intérieur à droite, l’inertie est forte, mais je parviens à contrôler mon véhicule ; une demi-seconde je regarde d’où je viens pour voir si elle est toujours à notre poursuite. Non et c’est tant mieux. Côté gauche, j’attaque, j’ai cru voir la lumière bleue, derrière nous. Cotée droit encore, cette fois je l’entends. Ne regarde pas, ne regarde pas, pourquoi je regarde !?

La vitesse est élevée, mais mon temps ralenti, la mort sur sa monture noire, incliner à 68° ! Son bras et son genou touchent le sol ! Inhumaine ! Elle se redresse sur les deux roues, accélère et refait la même chose ! Je me concentre sur mon drift. Côté intérieur, la voie de gauche.

J’attaque avec toute ma dextérité et l’inertie a ma disposions ! vitesse ! Plus de vitesse dans ce satané virage ! Je ne dois pas perdre inutilement mon élan ! Pneus qui hurlent et de la fumée qui s’en dégage, j’ai perdu beaucoup de gomme ! On s’en fout ! Plus vite !

Je sors de ce virage et la chose apparait de mon côté !

- Oh putain, oh putain…

répète Simon en tremblant de partout. Elle éclate la vitre avec son poing !

-Descendez de la voiture où…

J’essaie de la percuter, elle freine à ce moment-là. Un virage après elle réapparait aussitôt de l’autre cotée. Bang ?

- Oh merde ! Mon pneu !

Je freine, mais ma voiture est incontrôlable à cette vitesse ! Bam, le choc est brutal, airbag sorti.

Nous sortons le plus vite possible, la chose est apparemment partie. Oh ma pauvre voiture, enfoncée dans le monticule de terre cotée droit et heureusement pas la gauche où c’est une pente avec une forêt.

Mes mains tremblent encore, nous marchons un temps vers le village le plus proche

- oh non !!!

- Simon ?!

- Elle arrive, elle arrive !

Revoilà ce phare.

- La chose fait demi-tour !

Elle hurle ! Hurle ! Hurle !

Ce bruit aigu désincarné sans aucune variation ! Pas de piston, pas d’explosion, comme si cette moto n’avait aucun moteur ! Sur la ligne droite devant nous qui mène au village …

Pas une seule lumière dans les environs à part la sienne, il n’y a que l’obscurité.

Elle m’aveugle avec son feu, j’essaie de voir en levant ma main pour cacher la source et… le silence ? Il n'y a plus que les ténèbres, un rire machiavélique et un long soupir.

Simon hurle, je me retourne, la moto d'obsidienne est sur lui, je la vois enfin en détail. Elle est bien trop longue et lourde pour être un modèle ordinaire, comme si elle était renforcée contre les chocs.

Crac…

- Putain, mais qui êtes-vous !? Que faites-vous à Simon !?

Elle écrase sa jambe cette bâtarde avec sa bécane !

Deux yeux d’azur s’illuminent, un mauvais présage qui se confirme par sa chevelure toujours embrasé, lévitant librement, chargé de sa fureur. Un spectre souriant face à la douleur. Je le sens, c'est l'enfer qui est venu pour nous, c'est notre heure !

- Vous devriez d’abord vous soucier de votre main.

Elle me pointe avec une lame noire ensanglantée. Ma main… Elle est où ?!

- Aaaaah !

- C’est ce qui s’appelle perdre la main au sens littéral. Dommage, vous ne pourrez plus conduire.

- Salope ! Salope !

Je suis à genou et je perds mon sang ! Elle s'en délecte et avance sans pitié sur Simon qui hurle comme un diable, ainsi elle me prend à la gorge.

- Vous avez mal ? Vous auriez dû mourir, les macchabées ne ressentent pas la douleur.

- Pourquoi ?! Pourquoi ?!

- Mais c’est ce que je me suis exactement posé comme question. Pourquoi ? Vous m’aviez laissée pour morte.

- Alors c’est bien vous ?!

- Pas de chance, de toutes les motardes du coin il a fallu que vous percutiez la seule à être dangereusement armée.

Elle lâche prise

- Que cela vous serve de leçon.

- Attendez ! Vous allez nous laisser pour morts ?! On saigne abondamment !

- Parce que vous auriez fait quoi à ma place ? Oh ! Je sais, ne me dites rien, j’ai déjà la réponse.

Simon supplie à voix basse.

-Je vous en prie …

Elle répond

- Dormez et rêvez.

Elle repart à toute vitesse, la moto qui crie de victoire comme un étalon.

Une semaine c’est écoulé, mon adversaire est dans le coma. Pour ce qui est de ma main, elle était greffée et je dois la rééduquer. Je suis obligé d’utiliser ma main gauche et c'est très pénible pour un droitier. Mais tout ceci est le moins grave, Simon est mort des suites de ces blessures.

Pourquoi lui ?! Pourquoi pas moi ou même Samuel !? C’est nous qui conduisions, pas Simon ! Pourquoi ?! Je n’aurai sans doute jamais cette réponse.

Je fais depuis cette nuit des cauchemars, je la vois, la mort sur sa monture crachant un feu bleu, l’épée lever prête à me couper. Chaque nuit j’essaie de la semer, chaque nuit elle me rattrape et me rappelle la douleur.

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