La Tueuse.

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Être lieutenant de police à Paris n’est pas une partie de plaisir. Mais bon, je suis une femme solide, je peux surmonter les épreuves qui m’attendent. J’ai quand même quelques appréhensions pour le futur, notamment à cause d’étrange évènement qui se passe dans toute la région Seine-et-Marne. Elles ont empiré par l’arrivée d’une clé USB dans un sac à dos grand ouvert avec écrit dessus « Attention bombe. » Découvert dans une gare de métro sur mon secteur. Tout ce que je vois c’est des problèmes en perspective et une surcharge de travail.

Dans le seul et unique fichier se trouve une vidéo. Elle nous montre une scène surréaliste, filmée depuis le plafond d’une église de la région. Un prêtre qui essaie d’abuser d’un enfant de chœur dans une pièce sombre.

Au moment où on craint que le pire aille se produire, il se fait attaquer par une personne qui le soulève d’une seule main.

L’image se coupe et après, le prêtre est là, crucifié avec un symbole satanique sur le front, gravé avec l'aide d'une lame funeste tenue par une main tout aussi ténébreuse et crochue. L'assassin est précis comme un chirurgien et fait preuve d'un calme similaire. La vidéo se termine par une carte qui indique le lieu du meurtre.

« Dormez et rêvez. » Quand nous sommes allés sur place, voilà ce qui était écrit sur le sol. Fort heureusement nous sommes arrivées avant l’ouverture de cette dernière.

La semaine suivante, c’est le tour d’un imam qui est lui aussi dénoncé par une vidéo, même profil, il abusait d’un enfant dans la mosquée, on l’a retrouvé étalé sur le sol de cette dernière, l'un de nos agents remarque que la tête de la victime est dirigée à l’opposé de la direction d'où se trouve la Mecque. Son Qamit blanc pour une inscription en noir « Dormez et rêvez. » Et de graver sur sol des lettres comblait de sang « ici gît un imam tué par une femme. »

Encore la semaine suivante un autre religieux fut tué. Cette fois si c'est un rabbin, mort dans une synagogue.

Ce dernier semble avoir lui aussi subi des atrocités, nu avec une croix gammée inversée taillée sur son front à peine ensanglanté. Elle a pris le temps de le nettoyer cette fois.

Une chose est sûre, la tueuse aime le blasphème, nous décidons de surveiller les lieux de cultes.

La semaine suivante on s’attend à ce qu’un moine bouddhiste y passe, dans le mille, sauf que cette fois, ce n’est pas dans un temple qu’on le retrouve, mais en face de notre commissariat. Une statue morbide de chair brûlée et de goudron bloqué dans la posture du lotus avec une pancarte autour du cou.

« Voilà qui le marquera dans l’âme. Dormez et rêvez. »

Nous craignons le pire, quel acte barbare va-t-elle commettre encore ?

Cette fois, elle ne l'a pas annoncé, un professeur d’université mort retrouvé par des élèves dans son amphithéâtre empalé avec un pieu en plein cœur sur le tableau entouré de ses diplômes ensanglantés, déchiré, mais toujours dans leurs cadres.

« L’œuvre de toute une vie. Dormez et rêvez. »

Dans la clé USB trouvée autour de son cou, on apprend qu’il appartient à une secte dont il était le gourou. Il violait lui aussi des enfants.

Le même schéma se répète la semaine suivante. C’est encore un professeur, mais cette fois si de sports dans un lycée. Empalé par une lance comme le ferait le comte Dracula, avec pour seul témoin Marianne qui pleure du sang.

J’ai expliqué aux médias mainte fois que notre suspecte est une femme, mais ce qu’ils ne comprennent pas, c’est comment cela se fait que nous ne l’ayons pas arrêté.

Mais comment voulez-vous attraper une personne qui ne laisse absolument aucune trace ? Pas d’empreinte, pas de salive, de cheveux, de germe. Même les caméras qui auraient pu la filmer sont défaillantes, les traces numériques de ses actes de piratages écrasés à un point qu’elles sont inexistantes.

Beaucoup la comparent à une tueuse en série classique, minutieuse, impitoyable avec une mise en scène digne d’une psychopathe et des cibles précises.

Ils n’ont pas tort, sauf que le profil de ses cibles est celui d’homme pédophile ayant une influence sur les mineurs. Qui peut bien connaître des personnes de ce genre dans son entourage ? À moins que cette personne soit en prison ou qu’ils en soient la victime, ils ne savent pas qu’il a ce penchant ou alors, c'est quelqu’un ayant accès à nos bases de données de pédopornographie.

En plus des gens qui ont potentiellement ce profil sont très nombreux. Nous ne savons pas en plus à quoi elle ressemble vraiment, juste une silhouette noire aux longs cheveux tout aussi foncée, cela pourrait être un vieux costume d’Halloween. Jusqu’à cette nuit.

Un homme entre dans notre commissariat et hurle au loup. J’arrive à l’accueil pour le calmer. Il regarde derrière lui nerveusement toute en sueur et crie.

- elle est là !

Je regarde vers les portes vitrées, il n’y a rien

- c’est parce qu’il fait sombre que vous avez peur comme ça ?

Il me regarde avec des tics nerveux et les yeux qui se révulsent, c’est pire que de la peur c’est de la folie mêlée à l’angoisse.

- C’est son élément !

Les lumières s’éteignent toutes.

La porte s’ouvre, un long soupir

- non pit…

Slash ?

-Dormez et rêvez.

La tueuse ?! Les lumières se rallument, l’homme est coupé net en deux ! Je pointe mon arme, ses yeux m’éclairent d’un bleu qui m’éblouit.

La porte s’ouvre, je la poursuis. Les lampadaires s’éteignent à son passage et se rallument quand j’arrive à leurs niveaux ; mes yeux ne peuvent donc pas s’adapter à l’obscurité. Impossible de la viser, mais la suivre est d’autant plus facile ; je dois mettre un terme à cette course poursuite rapidement, j’appelle des renforts, mais à la place j’entends.

- Vous êtes seul lieutenante Sylvine Lefèvre, attrapez-moi si vous le pouvez. Suivez l’ombre, suivez-moi.

Je cours aussi vite que je peux à travers tout Paris, Arc de Triomphe, place du Trocadéro et même la tour Eiffel ! Cette garce évite les patrouilles de police, normalement j’aurai dû en croiser à ces endroits. Au final je m’arrête au bassin du Champ de Mars, je n’en peux plus.

Je reprends mon souffle et remarque que les lumières autour de moi sont éteintes ; sauf dans un bassin d'où s'émane une lueur bleue.

Je m’approche, l’eau se teinte de rouge, c’est du sang. La tueuse émerge, avec tous ses scintillements bleutés sur elle. Katana noir à la main qu’elle rengaine.

- je n’imaginais pas que vous alliez me suivre jusqu’au champ de Mars. Lieutenante Sylvine Lefèvre.

Je la mets en joue avec mon arme de poing

- je vous arrête pour meurtre !

- Si je refuse, j’imagine que vous ouvrirez le feu. Laissez-moi vous dire cependant que votre balle risque fort de se perdre dans un civil au lieu de me toucher, et toutes les deux nous ne voulons pas que cela arrive.

- Il vous suffit de ne pas bouger et de vous rendre.

-Oui et non.

Elle va reprendre son arme, j'ouvre le feu. Quoi ?!

- Touchée.

Dit-elle son poing fermé, elle le tourne, la paume tournée vers le haut, à l’intérieur, la balle que j’ai tirée.

- Impossible.

- C’est ce que se disent toutes les personnes que j’ai tuées. Impossible.

Je ne peux donc la neutraliser. Bon et bien, puisqu’elle semble disposée, je la fais parler.

- Quel est votre but ?

- Mon but ? Faut-il une raison pour tuer des monstres aussi abjects ?

- Vous vous prenez pour une justicière ?

- Justicière ? Oh non, mais c’est peut-être ce qui me définit le mieux.

- Dans tous les cas, vous devez vous rendre.

- Jamais. Tant que je n’aurai pas purgé la Terre entière de ces monstres.

- Vous pensez pouvoir réellement tuer tous les pédophiles ?

Elle rit, d’une manière sarcastique et très, très sombre.

- Et tous les autres, obscurantistes religieux, meurtriers, terroristes, dictateurs, bourreaux. Un par un je les tuerai de mes propres mains s'il le faut ; un par un j’extirperai à tout détenteur de vérité pour ensuite les punir en conséquence, d’ailleurs savez-vous quel était mon plan de ce soir ?

- De poursuivre un homme et de l’abattre dans notre commissariat ?

- C’est bien plus malin que ça. Vous faire tous sortir à ma recherche et enfin atteindre ma vraie cible. Votre commissaire de police.

Elle grogne , le genre que ferait une bête devant sa proie.

- Cet homme n’est pas ce que vous croyez, il a caché ses vices ; sauf à mon regard. Je vais le tuer.

- Non !

Je dois lui faire une prise et la menotter !

- Dormez et rêvez Sylvine Lefèvre.

Elle fait un saut de cinq mètres de haut avec la grâce d’une ballerine. Un sifflement qui s’approche vite, elle est interceptée par un véhicule volant plus gros qu’une moto. Ainsi elle part au commissariat. Satanée ombre, elle sort d’un comics celle-là.

À mon retour nous cherchons le commissaire, on le retrouve mort assis sur la chaise derrière son bureau, derrière lui un drapeau français accroché aux murs et écrits avec ce qu’il semble être son sang.

« Une victoire pour la justice. Dormez et rêvez. »

Il y un disque dur, il appartenait au commissaire, les photos pornographiques et pédophiles sont nombreuses, je suis confuse, choquée, comment il a pu se cacher aussi longtemps? Comment cela se fait-il que personne n’ait rien vu?!

Nous avons des services spécialement dédiés qui traquent exactement ce type de contenu, malgré tout il a réussi à passer outre ou alors, il a téléchargé ces images depuis nos ordinateurs. Oui c'est fort probable.

Il avait échangé des mails avec d’autres gens comme lui, le réseau n'est constitué que de morts. Il n’y a même pas ceux qu’elle a tués. À moins qu’ils aient un lien qui a été détruit.

C’est un monstre pire que cette tueuse, non, je ne dois pas penser ça, pourtant.

Je me sens trahie, les autres ressentent le même sentiment. Et dire que je l’ai invité une fois à manger avec ma famille, ma fille et mon fils. Qu’aurait-il fait si j’avais confié mes enfants ou détourné le regard cinq minutes ? Je préfère ne pas y penser.

Je n’arrive pas à y croire malgré les preuves, mais je dois me faire une raison, c’est ce qu’il est, un pédophile.

Ainsi sa légende se complète, la terrible tueuse et justicière Ombre Bleutée qui n’a aucune peur et remord ; ses plans nous sont inconnus. Présente là où on ne l’attend pas.

Nous sommes un soir d’orage lors de mon service quand je remplis mon rapport sur cette sordide affaire, les lumières s’éteignent puis se rallument. Sûrement une saute de tension, mon onduleur a évité que mon ordinateur n'ait plus de courant, je vais enregistrer mon travail.

Voilà, terminé. J’entends un bruit familier, un ronflement de moteur, je me retourne, devant ma fenêtre, l’ombre bleutée. La pluie battante et le vent fort ne semblent pas l’importuner, calmement elle toque à ma vitre.

Que dois-je faire ?

- Ouvrez-là

-cela vient de mon ordinateur ?!

- Ouvrez la fenêtre, j’ai à vous parler lieutenante.

Oui c’est bien de mon ordinateur que vient là voix.

Je l'ignore, elle insiste avec sa voix qui feint l'apitoiement

- Lieutenante, soyez gentille, ouvrez-moi. Il tombe des cordes, vous n'allez quand même pas laisser une pauvre citoyenne sous cette pluie?

Une minute après, elle toque à nouveau.

-Lieutenante...

Oh ce qu'elle est agaçante ! Elle est comme ces chats qui miaulent toute la nuit à votre porte pour rien !

-Lieutenante...

Et, mais, elle griffe en plus la vitre ! Le bruit atroce de grincement, mes pauvres oreilles, insupportables !

- Lieutenante, je peux aussi rentrer par la force.

Je vois que je n’ai pas le choix. J’ouvre, elle rentre comme une voleuse qui ne craint pas d’être prise sur le fait.

Elle referme et me dit avec enthousiasme débordant.

- Lieutenante !

J’ai tellement envie de la pousser par la fenêtre.

- Je passai vous dire bonsoir.

Je ne suis pas dupe de son petit jeu.

- Je ne vous aime pas, alors ne faites pas comme si c'était le cas.

- Mais moi je vous aime bien. Je suis sûre qu’au moins vous appréciez ce que je fais.

Elle ne semble pas surprise, elle ne croise pas les bras et ne détourne le regard.

- Venez-en au fait.

- Vous savez, au départ j’ai eu une idée. Je me suis dit que comme un certain chevalier noir, il me faut mon commissaire et donc peut-être que cet homme fera l’affaire. Quand j’ai enquêté et que j’ai réalisé qui il était vraiment, imaginez ma déception.

Mais cela veut dire alors…

-Tous ces morts c’était pour le tuer lui ?

- Exactement.

L’orage se fait plus fort, illuminant dans son éclat blanc l’horreur et le mal incarné.

Vous êtes la réincarnation de Machiavel ou quoi ?

- Je ne vous dissuaderai pas du contraire. Il faut avoir un esprit assez tordu pour fait ce que j’ai fait ou bien très déterminé, avec un but.

- Et ce but c’était de tuer le commissaire.

- Oui et de le justifier aux yeux de tous par une série de meurtres. J’ai cru que ça serait ardu de débusquer des pédophilies, cela s'est révélé plus facile que je ne le pensais. Mais passons.

- Non, ne passons pas, comment avez-vous faits pour les trouver ? Via la messagerie du commissaire ?

- Même pas, j’ai fouillé via son site préféré, retracé les IP et ciblé précisément tous ceux qui n’étaient pas de son réseau, juste pour qu’il se croie à l’ abri.

Elle me prend pour une idiote

-ils sont tous morts.

- De simples accidents.

Cela sent le mensonge et la satisfaction

- vraiment ?

Elle acquiesce

- Oui vraiment. Cela arrive, vous savez ; une petite hausse dans les statistiques nationales ne serait guère surprenante.

Elle se tient devant moi et avoue plus ou moins ses crimes, fait-elle les choses par simple orgueil ? Non, je doute que ce soit ce qui la motive, cela ne fait pas partie de sa nature et même si cela y ressemble, tout comme ce masque qui sourit, ce n’est qu’une façade.

- alors, dites-moi votre véritable but.

- Mon but ce mois-ci je vous l’ai dit, c’était d’avoir mon commissaire, malheureusement je n’ai pas le temps de chercher une autre personne au sein de la police. Je saurais me contenter d’une collaboration avec une lieutenante déterminée, talentueuse et qui sait ce qui est juste.

- Moi ? Vous n’êtes pas sérieuse ?

- Ai-je l’air de rire ?

Avec ce sourire en permanence oui, il n’y a que sa voix qui donne le ton de la conversation et il est justement dans les graves.

- je n’ai pas envie de collaborer avec une meurtrière.

- Je comprends, mais vous verrez que je suis un mal nécessaire. Un mal qui dans le fond veut faire du bien. Je suis libre, je fais ce que je veux et j’ai accès à tout ce qui existe sur Terre contrairement à vous. Même si mes méthodes vous paraîtront répugnantes, quand je vous apporterai une clé, vous vous sentirez obligée de l’ouvrir, et à chaque fois vous verrez des preuves incriminant des gens. Autrement dit il vous est tout bonnement impossible de m’ignorer.

- Ce que moi je comprends , c’est que vous vous êtes octroyé le droit de vie et de mort, ce que vous voulez c’est d'éradiquer le mal par la terreur et la brutalité, en effet je ne peux pas vous ignorer. La seule raison qui m’empêche de vous arrêter c’est mon impuissance à cause de ce que vous portez, mais croyez-le ou non, dès que je saurai qui vous êtes derrière cet ignoble sourire, je vous tomberai dessus au moment où vous penserez être en sécurité.

- Ce que vous dites me conforte dans mon choix, lieutenante. Cette persévérance est votre meilleure arme et j’espère que grâce à moi vous l’aiguiserez.

- Pour ça vous pouvez avoir confiance en moi.

Elle ouvre la fenêtre, ses cheveux de jais bleutés si longs me touchent presque

- Dans ce monde, il y a peu de personnes à qui on peut vraiment faire confiance, vous et moi on en fait partie.

Elle est sur le point de prendre congé, mais elle semble se souvenir de quelque chose.

-Oh, avant que j’oublie, pour la croix gammée inversée, vous vous trompez. C’est une sauvastika, cela symbolise dans certaines cultures la nuit et la destruction. J’ai même fait attention à son inclinaison par rapport à celui des nazis. Notez-le dans votre rapport, vous qui aimez tant la précision.

Clôture-t-elle notre conversation. Puis elle repart sur son engin en prenant soin de refermer ma fenêtre.

Mon bureau est maintenant inondé, c’est tellement gentil pour l’agent de nettoyage, bref que des problèmes.

Même si c’est vrai pour la croix, je suis sûre et certaine qu’elle a fait sciemment un symbole proche. Juste pour le principe de blasphémer et de causer des réactions violentes. Cela n’a pas manqué, les juifs et bien d’autres ont protesté, le nazisme lui a eu un soudain regain de force en Allemagne, pour au final retrouver leurs membres avec cette même croix sur leur cadavre. La croix de la nuit et de la destruction.

Cela ne m’étonnerait même pas qu’elle ait prévu de tuer du nazi en tuant un juif pédophile, elle est suffisamment tordue pour mettre en place un plan pareil.

Depuis, il m’arrive de recevoir une clé USB, avec un seul dossier contenant des preuves de méfaits graves.

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