Maréchal te (re)voilà ?

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Le hasard a de ses secrets, sortes de voies impénétrables par où l'histoire semble repasser les plats. 3 juin 1940, l’aviation allemande attaquait la capitale. Un échec, tant pour elle que pour notre défense aérienne. 3 juin 2024, presque un mois et demi avant les Jeux Olympiques, le président de la République autorisait l'entrée en guerre du pays contre la Russie. Décision unilatérale d'un homme aux abois ? Une bonne guerre pour relancer l'économie ! aurait pu lancer son ministre dédié. Lui qui avait préparé le terrain avec des prévisions irréalistes pour son budget venait d'entendre le vent du boulet. Et quoi de mieux pour souder une nation divisée que la fondre dans le moule de l'Union sacrée ? Nous vaincrons car nous sommes les plus forts, On les aura !... toutes ces vieilles affiches de propagandes sorties des musées. Et pourquoi pas le fantôme du vainqueur de Verdun tant qu'on y est ?!

Sauf que le président ne peut pas tout. Ces pouvoirs sont sérieusement encadrés par la Constitution et son bloc. L'article 16 lui permet certes de s'arroger un supplément exceptionnel, mais il y a deux conditions sévères et inséparables :

« Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. »

Autrement dit, le président ne pourrait engager le pays sur les sentiers de la guerre que si, au préalable, son homologue russe ne l'y a forcé. La déclaration de guerre reste soumise à autorisation du Parlement (article 35 de la Constitution). Dans l'absolu, c'est-à-dire sans agression préalable, il n'aurait donc aucune légitimité... mais une majorité ? Pas sûr.

Alors de là à imaginer l'intervention de trois généraux factieux, en représailles, que l'un d'eux fa[sse] don de sa personne à la France (car ne rêvons pas, le triumvirat, ça ne marche pas)... N'oublions pas le précédent d'Alger en avril 1961. Un quarteron de généraux en retraites, deux terriens et deux aviateurs, avait tenté un coup d'état contre le gouvernement du grand Charles. Malgré les sympathies exprimées, de nombreuses unités n'avaient pas bougé. Une part de la conjuration avait même été éventée et s'étaient vu coupé l'herbe sous le pied dès les premières heures... Il s'agissait pourtant de la France, trois de ses départements que l'on cédait après une âpre lutte pour les pacifier. Le nom « Tigre de papier » est donc bien trouvé car, même si l'armée s'est depuis professionnalisée, est-elle pour autant devenue un repère de complotistes antirépublicains, prêts à se compromettre avec Poutine pour protéger le pays, en profiter pour abattre la Gueuse ? Car il s'agit bien de cela, en finir avec un régime laxiste envers les fauteurs de troubles basanés et congoïdes, ces sauvageons qui refusent de s'intégrer. Ils désobéissent à l'injonction de la société et troublent sa sérénité. Leur multitude empêche les bons citoyens de se croire encore en France... C'est bien pour résoudre cela que certains en appelle à l'homme providentiel. Je gage que, comme par le passé, à quelques exceptions près, les régiments ne vont pas bouger.

Ne soyons pas dupes. La droite traditionnelle comme elle s'aime à se nommer n'aura pas de politique moins libérale que l'actuelle gouvernement. Avec elle, adieux la transition écologique, adieux les droits des femmes et des minorités, adieux la pluralité des idées – silence aux scientifiques, syndicats, journalistes et lancers d'alertes. Bonjour la compromission, le marche ou crève, le chacun pour soi et Dieu pour tous... ceux qui s'en sortiront – le darwinisme social aura de encore de beaux jours à vivre. Car chaque guerre a ses profiteurs et ses planqués. La solution proposée est une régression. Non pas un retour au passé, même fantasmé, mais une plongée dans l'obscurantisme le plus crasse. Des heures sombres pour notre histoire. Quelle option offrira-t-elle aux « immigrés » sinon un retour forcé ? Dans un sens, c'est l'idée du bagne réactualisée. Sauf qu'avant « leurs pays », où il était implanté, nous appartenaient. Il n'était donc pas difficile d'y envoyer les renégats, les irréductibles et autres marginaux qui refusaient de se conformer au moule de la société. Maintenant, ce sont des états souverains et il paraît douteux qu'ils acceptent de bonne grâce cette masse dépaysée.

Soyez sans crainte, la France ne peut entrer en guerre seule contre la Russie. Elle n'en a pas les moyens : notre armée n'est pas de taille, notre industrie non plus, pas plus que la population. Qui plus est, elle n'a pas de frontière avec cet empire. Quel pays européen serait assez fou pour laisser passer nos chasseurs-bombardiers Rafale et autres char Leclerc sur son sol ? Se serait se condamner à entrer dans la ronde mortelle. Non, n'en déplaise aux rodomontades du locataire de l'Élysée, la France fera jouer les traiter internationaux. Au pire, elle s'intégrera à une coalition otanienne. Et si un putsch militaire devait éclater... Paris sera sans doute déjà en bouteille. La dernière fois que c'est arrivé, le pays était à terre, ses institutions sens dessus dessous, sa population jetée sur les routes de l'exode et son armée totalement délitée. Une partie des potentiels opposants était enjôlée, qui dans une prison pour communisme, qui sur un paquebot pour avoir oser tenter de se reposer sur l'empire. Et parce qu'ils étaient nombreux à ne plus vouloir de cette République à bout de souffle, ils se sont voué au premier vieillard venu . Nous n'y sommes pas encore, dormez tranquilles brave gens. Qui sait, cela pourrait un jour changer.

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