Astrid

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Rhabillée, je me dirige vers le séjour lumineux où m’attendent ma mère et la Reine.

— Allons dans mon bureau, là, nous pourrons nous entretenir tranquillement, dit la Reine d’une voix calme.
— C’est une merveilleuse idée, Eliana, répondit ma mère.

Ainsi, nous la suivons patiemment à travers les immenses couloirs du château. La garde personnelle de la Reine nous suit de loin. J’aperçois ici et là de somptueuses suites pour les invités, des salles entières dédiées au bal, ou encore de magnifiques armoiries.

Nous prenons place dans le bureau de la Reine. Là, assise sur un canapé au motif vert soyeux, je commence déjà à me sentir partir. Une odeur de canalion me parvient aux narines.
Le canalion est un canard qui rugit — d’où son nom. C’est une viande plutôt tendre, au goût de l’interdit et de la liberté. Son odeur est délicate : un mélange de romarin, d’eucalyptus et de bœuf. Cela me rappelle les banquets dans les Hälls. C’étaient des repas festifs où l’on dansait, chantait et buvait jusqu’à plus soif.

Une sorte de polka était très célèbre, et une légende racontait que, lorsque l’on dansait la Rúnfari — la danse des runes — si l’on dansait avec la bonne personne, alors les dieux le sauraient et les étoiles s’illumineraient de mille feux pour danser avec les âmes sœurs. Freyr et Freyja viendraient alors chuchoter aux âmes élues de se battre pour la personne qui leur est destinée.
Basé sur cette croyance, chaque année, un grand bal était organisé, où chacun dansait dans l’espoir de trouver son âme correspondante.

— Étant donné que demain Astrid sera en âge de se marier, j’ai trouvé un homme qu’elle rencontrera dès lundi.

Je rêve… ou j’ai bien entendu mon prénom ?

— Attendez, quoi ???
— Eliana a trouvé un homme qui serait un parfait mari pour toi. Tu le rencontreras lundi et tu l’épouseras au prochain cycle de lune.
— Euh… non ?
— Ce n’était pas une question, Astrid, répondit ma mère froidement.
— Astrid, ma chérie, tu seras heureuse, c’est un parfait gentilhomme. Il a quarante-quatre ans, il est duc et héritier d’une petite contrée. Il est fertile et aisé, m’assure Eliana.

Ah oui… j’avais oublié de préciser : la Reine est… ma tante !

— Mais, ma Reine, je n’ai point envie d’épouser un homme, surtout s’il a trois fois mon âge et que ce n’est pas par amour ! répliqué-je.
— Je suis désolée, Astrid… notre décision est déjà prise.

Quelqu’un toqua alors à la porte. Trois coups lourds résonnèrent dans la pièce.
— Entrez, annonça Eliana.

Douze gardes ainsi que neuf prisonniers entrèrent. La Reine, le visage sombre, fronça les sourcils, puis soudain, sembla reconnaître l’un d’eux. Son air se radoucit.

— Installez-les dans des suites et veillez à ce qu’ils n’en sortent pas. Je m’entretiendrai avec eux après… Je suis occupée.

J’étais encore perdue dans mes pensées quand je l’aperçus.
Il est… je n’ai pas les mots. Un air mi-agaçant, mi-arrogant sur le visage. Les cheveux noirs comme le jais, avec des mèches aux reflets argentés tombant devant son œil droit. Très grand, plutôt baraqué, mais… toujours agaçant.
Je m’aperçois qu’il me regarde aussi, et je détourne le regard en un éclair.

— Vous pouvez disposer, ajouta la Reine, toujours avec ce regard un peu bancal.

Ils sortirent, et le temps reprit son cours normal… mais ce visage insupportable restait dans ma tête.

— Bon… nous nous reverrons lundi pour la rencontre avant le mariage. À neuf heures tapantes. Tâche d’être à l’heure, Astrid.
— J’y tâcherai, dis-je d’un ton nonchalant et boudeur.

Eliana nous raccompagna jusqu’au hall, mais ma mère et elle se lancèrent dans une conversation des plus animées. Sachant que j’en avais pour au moins une heure avant qu’elles n’aient fini, je me dirigeai vers la sortie.

Je décidai de passer par les jardins. Les oiseaux gazouillaient, les abeilles bourdonnaient, butinant les fleurs exquises entretenues par les jardiniers du Palais. Je levai la tête, cherchant des yeux le rossignol au chant radieux que j’entendais…

Mais au lieu d’un petit oiseau rouge, je vis un homme, suspendu à plusieurs mètres du sol, accroché à une gargouille en forme de griffon. Il paraissait paniqué.

Mais que faisait-il suspendu là-bas ?

J’accourus, effectuai quelques simples acrobaties et atteignis la gargouille. C’est là que je le reconnus : l’homme aux mèches. Son air narquois m’agaça, mais je lui tendis la main et le hissai sur le bord de la colonne.

Je me décidai enfin à lever la tête.
Il avait vraiment un air exaspérant… totalement exaspérant.

— Que faisiez-vous suspendu là, aux abords d’une chute certaine ?

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