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Je suis réveillé par la soif. J’ai la gorge sèche. Je cherche le verre d’eau que je place d’ordinaire sur ma table de chevet en rentrant d’une soirée alcoolisée. Sans succès. D’ailleurs, cette table de chevet ne ressemble pas vraiment à la mienne. Ce qui ne me dit rien qui vaille. J’entrouvre un œil, péniblement. Un puissant mal de crâne me prend alors par surprise. Une douleur aigüe. Lancinante. Je pose ma main contre mon front pour y prendre la température. Pas de fièvre. Juste une gueule de bois carabinée. Ça faisait longtemps.

Ça ne règle pas la question principale : où me trouve-je ? Je balaye la pièce du regard à la recherche d’indices. Il fait sombre. Le soleil ne s’est pas encore levé. Mais une chose est sûre : je ne suis pas chez moi. Ce lit n’est pas le mien. Cet oreiller mal rembourré non plus. Et ce réveil holographique dont le cadran rouge indique cinq heures du matin passées de vingt-huit minutes n’est certainement pas à moi non plus.

Peu à peu, mes yeux s’habituent à la pénombre, et je commence à distinguer le reste de la pièce, ce qui ne fait que confirmer le fait que je me trouve bien actuellement dans le lit de quelqu’un d’autre. Pas besoin d’aller chercher bien loin pour savoir qui. Une simple rotation à quatre-vingt-dix degrés sur la droite me donner la réponse. Je suis un peu anxieux à l’idée de le découvrir. Mais après tout, foutu pour foutu...

Une forme de soulagement s’empare de ma poitrine quand je pose mon regard pour la première fois sur celui avec qui je partage la nuit. C’est l’homme du bar. Celui qui est venu à mon secours après le revers effroyable subi auprès du jeune et sublime Wim. Une petite quarantaine. Le cheveur poivre et sel, coupé court, et une barbe de trois jours dans les mêmes tons. Plus petit que moi. Pas de beaucoup. Bien entretenu, voir même assez musclé, même s’il n’a pas un physique de sportif. Juste épais, dirons-nous. Difficile à dire avec le peu de lumière qui règne dans la chambre, mais je crois me souvenir d’une peau un peu mate. Et d’un nom à consonnance hispanique. Impossible de me rappeler lequel, en revanche.

Il dort à poings fermés, sur le côté, serrant son oreiller contre lui, comme un doudou. C’est assez joli à voir. Il porte un t-shirt blanc. Pour le reste, je ne sais pas.

Je m’extrais du lit sans faire de bruit, le plus discrètement possible, pour ne pas le réveiller. Puis, puisant dans ma mémoire encore un peu flou, tente de repérer mes vêtements. Je n’ai plus que mon slip autour de la taille, le reste ne doit pas être loin. J’ai surtout besoin de mon pantalon. Et de mon LiPhone qui, j’ose l’espérer, doit se trouver dans l’une de ses poches. Dans la poche arrière, si je me souviens bien. Je progresse avec prudence autour du lit. Soudain, mon pied heurte un objet, un morceau de tissu. Je m’agenouille et cherche à tâtons sur le sol. Bingo ! C’est mon jeans. Mon LiPhone est bien dans la poche arrière. Et il lui reste un peu de batterie. Suffisamment pour allumer le GPS et regarder où je suis.

Banlieue sud de Austin. A une bonne vingtaine de minutes du bar, et une grosse demi-heure de chez moi. J’active la localisation de mon e-truck, qui s’avère être resté au centre-ville, sur le parking du « Club44 ». Je pousse un léger soupir. C’était sans doute plus prudent comme ça. Le pilote automatique ne permet pas de s’affranchir des règles en matière d’alcoolémie au volant, particulièrement strictes dans un Texas encore très puritain.

Guidé par la lueur de mon LiPhone, je me dirige vers la porte de la chambre, mon pantalon à la main. Une fois dans le couloir, j’enfile mon pantalon et pars en quête d’un peu d’eau. Je finis par tomber sur la cuisine, et trouve une carafe d’eau filtrée au frigo. Je m’en sers un grand verre.

- Tu veux un cachet ? dit une voix enrouée.

L’homme du bar émerge de l’obscurité du couloir et débarque dans la cuisine. Le poil ébouriffé. Vêtu du même t-shirt blanc que tout à l’heure, et d’un simple boxer noir qui révèle une anatomie plutôt avantageuse. Il se frotte les yeux, encore pleins de sommeil.

- Pas de refus... réponds-je avec un demi-sourire, posant de nouveau la main sur mon front pour indiquer mon mal de tête.

Il se dirige vers un placard, l’ouvre et y plonge la tête, avant de me demander :

- Tu prends quoi ?

- N’importe. Ce que tu as...

- J’ai tout ce que tu peux imaginer, je bosse pour un labo pharmaceutique ! Du Dolifen, ou du Relieflash5, peut-être, c’est le plus efficace pour ce que tu as ?

- Euh... Je te fais confiance...

Il me tend une petite gélule jaune, en garde une pour lui-même, et l’avale avec une goulée d’eau du robinet. Je l’imite. En quelques minutes à peine, l’épais casque de douleur qui entravait mon crâne disparaît totalement. Le médicament porte bien son nom.

- Pfiou... Merci, tu n’as pas menti, c’est efficace, ton truc. Je ne connaissais pas !

- Il n’est pas en vente libre. Imagine, boire sans limite et faire passer la gueule de bois en cinq minutes : tout le monde finirait par devenir alcoolique.

- Ça ne m’étonne pas.

- Tu ne ressens pas les effets secondaires, par contre ?

- Euh, non... Qu’est-ce que je suis censé ressentir ?

- Je sais pas, une envie irrépressible de baiser, par exemple ?

L’homme se rapproche, tout sourire. Il vient se coller contre moi. Son souffle chaud caresse la peau de mon cou, de mon torse nu. J’ai un petit rire nerveux. Il y répond par un baiser déposé sur ma joue. J’ai bien du mal à conserver mon sang froid.

- Si tu ne ressens rien, je ne te force pas, bien sûr, dit-il alors à voix basse, d’un ton rassurant.

Ce ton, c’est précisément ce qui achève de me convaincre, je le confesse. Totalement envoûté par la puissante aura virile qui émane de sa personne, je réponds à son invitation en prenant ses lèvres entre les miennes, et en dégrafant le bouton de mon pantalon, lui laissant un libre-accès à mon intimité. Il ne se laisse pas prier, se débarrasse vite de tout vêtement superflus, et me fait l’amour contre le plan de travail de la cuisine.

Il s’appelle Jon.

Il me l’a dit quand nous nous sommes de nouveau réveillés l’un à côté de l’autre, quelques heures plus tard. Il a bien un nom de famille hispanique. Je ne l’avais pas rêvé.

C’est un newyorkais repenti. Il travaille pour le département marketing d’une entreprise pharmaceutique de renom. Il gagne très bien sa vie, comme en témoigne la collection impressionnante de soins pour la peau hors de prix dans sa salle-de-bain, la magnifique vue sur le Colorado depuis la terrasse du salon, ou encore l’intérieur tapissé de cuir, de vrai cuir, pas de cuir végan, de sa berline de luxe. Il est tout à fait charmant. Poli et attentionné. Diablement efficace au lit.

Il a une fille, issue d’une union précédente. Déjà une ado, de la pire espèce, selon ses dires.

Il m’a ramené à mon e-truck. J’aurais pu prendre un OneCab. Il a insisté. Il m’a donné son numéro avant de me laisser sur le parking du « Club44 ». Après avoir échangé un dernier baiser. Il m’a dit de l’appeler. On verra.

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