Une bataille

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Au-dessus du campement militaire, le soleil est caché derrière des nuages sombres.

Debout à l’entrée de la tente de commandement, deux lieutenants lorgnent le ciel avec circonspections.

« On a l’occasion de sortir du pays et on n’a même pas la possibilité de profiter du soleil… »

« Ouais… »

« Tu penses qu’il va pleuvoir ? »

« Je n’espère pas ! La bataille risque déjà d’être suffisamment compliquée sans ça. »

Pendant ce temps, leurs supérieurs sont penchés sur une carte qu’ils ont déroulée sur une vieille table de voyage.

« D’après nos éclaireurs, ils sont positionnés ainsi. » est en train de dire l’un des gradés, sous les regards attentifs du général et d’autres militaires, tandis qu’il place des pièces de bois noires, censées représenter les troupes adverses.

« On pourrait tenter la manœuvre 14… » commente l’un des hommes présents, en déplaçant les pièces blanches symbolisant leur propre armée.

« Je songeais plus à la 4, moi. » lui rétorque son voisin en jouant pensivement avec son bouc grisonnant.

Les propositions, arguments, et idées continuent à fuser, mais l’un des commandants quitte discrètement le groupe, pour rejoindre une femme occupée à natter ses longs cheveux blond-roux, dans un coin de la tente.

« Dame Pandory, ne voulez-vous pas participer à l’élaboration de la stratégie ? »

« Je n’ai pas été engagé pour cela. Je me plierai à ce que vous avez décidé. »

Il hausse un sourcil surpris.

« …Vous ne serez pourtant pas payé pareil, si jamais nous perdons. »

Elle repousse sa natte dans son dos, pour venir planter ses pupilles vertes dans ceux bruns de son interlocuteur.

« Commandant Kurios, c’est bien cela ? Vous semblez penser que je n’ai que faire de votre victoire. C’est faux. Mon travail consiste à vous apporter mon aide. Pour que cette bataille soit un succès. Je m’y emploierai. C’est tout. »

Le commandant hésite, puis demande : « …Puis-je vous poser une question ? »

« Vous venez de le faire… » lui rétorque-t-elle, narquoise, « Oui. Allez-y. »

« Pourquoi avez-vous dit ne vouloir recevoir l’intégralité de votre payement que si nous sommes vainqueurs ? »

« Si vous perdez, c’est que j’ai échoué. Par conséquent, il serait normal que je ne sois pas payé comme si j’avais mené à bien ma mission. C’est ainsi que nous autres Seigneur des Lames-Ryu pensons. »

« Je vois. Je suppose que c’est ce genre de mentalité qui a participé à la grandeur de votre peuple. »

Autour de la table, les militaires paraissent s’être mis d’accord sur une stratégie.

Le commandant et Pandory s’approchent donc pour en prendre connaissance.

Une fois le plan répété, tous quittent la tente afin de retrouver leurs bataillons respectifs et délivrer leurs ordres.

Mais avant que Kurios puisse rejoindre ses propres hommes, deux de ses collègues le rattrapent en s’exclamant : « Eh, vieux ! Tu nous fais ton truc, avec ta pièce ? Pour nous donner du courage ! »

L’intéressé hausse les épaules.

« Si vous voulez. Je l’aurais fait, au moins pour moi, de toute façon. »

Il ouvre une petite sacoche à sa ceinture, dont il extrait une pièce, qu’il lance en l’air.

« Pile, la justice gagne. Face, elle perd. »

Il la rattrape, puis la présente aux deux autres, qui se penchent vers sa main, avide.

« Pile ! Super ! »

Là-dessus, ils se séparent joyeusement.

Pandoy vient alors à la rencontre de Kurios, à son tour.

« Je suis curieuse. Pourriez-vous m’expliquer ? »

« Oh, ça ? Une sorte de petit jeu auquel je m’adonne pour me donner du courage, avant une bataille… Quand les autres l’ont découvert, ils ont pris l’habitude de parfois me demander de le faire pour eux aussi… »

« Votre pièce est truquée. » le coupe-t-elle, « Elle a deux faces pile. »

Le commandant se fige.

« Ah… ! Vous… avez remarqué ? »

Elle hoche la tête.

Son regard attentif et fixe met mal à l’aise Kurios, qui pour se donner une contenance, commence à se gratter l’arrière du crâne.

« C’est vrai… mais ça fait tellement plaisir à mes collègues… ça les aides à tenir. De se dire que quoi qu’ils fassent, c’est pour la justice… »

« Mais et vous ? Vous, vous savez que la pièce tombera toujours sur pile. »

« Oui… Moi... Je ne l’ai jamais avoué à personne… mais ce lancer à un autre sens pour moi. »

La Seigneur des lames demeure silencieuse, l’écoutant.

« Eh bien, en réalité… Elle m’a été donnée par mon grand-père, qui m’a un jour explqué que, selon lui, dans une guerre : il n’existe pas de bien ou de mal… La justice gagnera toujours, car le vainqueur deviendra la justice. Du coup, quand je lance ma pièce, j’y repense… Et je me dis, au fond, si nous gagnons c’est parce que nous servons la justice ! Et que si nous perdons… c’est que nous ne l’avons jamais servi. »

Un rire jaune franchit la barrière de ses lèvres.

« C’est un peu pessimiste, je sais… »

Mais Pandory lui renvoie alors un sourire doux et mélancolique.

« Moi je trouve que c’est une philosophie intéressante. Allons, venez. Nous avons une bataille à gagner. »

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