Chapitre 25

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Au mot prononcé par le magicien, Aodh eut un rire sarcastique qui résonna bien trop fort dans le silence de la pièce — et bien plus encore aux oreilles de Samantha, au bord de la panique.

La guerrière leva une main pour réclamer le silence, et la fée obtempéra sur le champ. Elle se leva, le visage fermé, et s’approcha lentement du bureau sans lâcher des yeux ceux de Whithall.

  • Dites-moi, mage, articula-t-elle clairement en appuyant fermement les poings sur la table de bois brun, suis-je donc un enfant naïf à vos yeux ? Vous pensez, très innocemment, que je vais accepter gentiment toutes les sornettes qui vont sortir de votre bouche de menteur ?

Brorel fit un pas, l’air de vouloir intervenir, mais un geste menaçant de la princesse l’en dissuada.

  • Vous, je ne suis pas près de vous pardonner vos cachotteries, Duc. Restez à votre place.

Whithall maintint une façade imperturbable, visiblement insensible à la colère justifiée de Samantha. Il tendit la main pour prendre sa pipe de corne sculptée, posée sur un support en bois d’olivier.

  • Non, non, non.

Samantha s’en saisit la première.

  • Vous allez m’écouter très attentivement. Je ne suis pas une arme que vous pouvez, à votre guise, sortir de sa boîte ou reléguer au râtelier, vu ? J’ai accepté de participer à cette mission et de rejoindre les soldats du Duc parce que j’ai des valeurs de chevalerie, et que je souhaite participer à protéger notre monde. Je n’ai jamais signé pour être manipulée.

Whithall ouvrit la bouche pour rétorquer, mais Samantha ne lui laissa pas le temps et enchaîna :

  • Esgalûr mal-dreth ! Oui, vous avez bien entendu, les princesses maudissent aussi. Laissez-moi parler. Je n’ai jamais réclamé une place de chef, je n’ai jamais demandé à être mise au courant des moindres détails de chaque mission pour laquelle j’étais envoyée souffrir et peut-être mourir. Les Anciens m’en préservent, ce n’est pas encore arrivé.
  • La semi-elfe reprit son souffle rapidement.
  • Néanmoins, j’aurais apprécié qu’on me prévienne que l’ennemi m’habite. Fayrë linûl… Je suis possédée par un pouvoir maléfique, et personne n’a jugé important de m’en avertir ? Au contraire, c’était "me protéger" que d’en garder le secret ?

Elle leva le poing et l’abattit avec frustration sous le nez même du mage, qui ne put s’empêcher de sursauter lorsque le bois se fendit.

  • Woah.

La guerrière tourna son poing ensanglanté avec une grimace dépréciative. La blessure n’était pas belle, deux doigts entaillés par des éclats de bois.

  • J’ai… Pas important. Vous allez me dire tout ce que j’ai le droit de savoir, compris, Whithall ? Et je ne prendrai pas "non" pour réponse.

Aodh s’approcha avec prudence et posa une main apaisante sur l’épaule tendue de Samantha, qui se raidit au contact.

  • Sam… tu es blessée…
  • C’est rien.
  • Sam.

La fée prit doucement son poing et desserra ses doigts.

  • Tu t’es pas ratée, quand même.
  • Je ne sens rien.

Brorel et Whithall échangèrent un regard de connivence qu’elle surprit, tandis qu’Aodh sortait, contre toute attente, du matériel de soin de la sacoche à sa taille.

  • Ah non, pas de conversation mentale.

La colère reprit le dessus, et elle plaqua violemment le Duc contre le mur le plus proche, sa main blessée pressant sur sa trachée. Elle lut l’incompréhension dans son regard tandis qu’il baissait les yeux vers elle, puis la peur, tandis que la pression sur sa gorge se resserrait et qu’il essayait vainement de se défaire de son étreinte.

  • Sam… antha…, articula-t-il difficilement. Je… vous… conn… pas…

Whithall se dressa, et une soudaine douleur vrilla la tête de la jeune femme, qui s’effondra à genoux par terre en se tenant le front. Aodh s’empressa de la relever.

  • Dame guerrière, reprenez contrôle de vous-même si vous ne souhaitez pas que je fasse usage de magie pour nous mettre hors de danger.
  • Danger ? Je ne suis pas dangereuse.
  • Euh…

Aodh lui secoua l’épaule avec urgence.

  • Tu fumes, Sam.
  • Hein ?

La jeune femme baissa les yeux vers ses mains, qui dégageaient une étrange fumée d’un vert sombre. Elle s’enroulait en volutes autour de ses bras, remontait vers sa tête ou descendait le long de son torse.

  • Nalúrin tôr val-ashâr ! s’exclama-t-elle, quand la blessure de sa main se referma… magiquement, c’est le cas de le dire.
  • Voilà ce que je voulais éviter à tout prix, commenta Whithall avec calme, tandis que Brorel se frottait le cou en grimaçant, les traces des doigts de la jeune femme visibles sur sa peau mate.

Samantha réalisa soudain, en faisant le tour de la pièce des yeux : le bureau de bois massif défoncé d’un simple coup de poing énervé, le meilleur général du Royaume qui reprenait difficilement sa respiration, le dos appuyé contre le mur et la gorge marquée d’un presque-étranglement, le regard calmement tragique de Whithall, et enfin cette fumée magique qui s’échappait d’elle et envahissait tout le bureau d’une atmosphère lourde.

  • Kel’nor... kel’nor !

Elle se dressa sur ses pieds et recula contre la porte, les yeux fixés sur ses mains.

  • Qu’est-ce qu’il m’arrive… Ashkiel !

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