16/06

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Les notes ridulent, c’est une onde, une sève qui monte dans l’orgue des arbres, qui fait le vent et le chant d’une forêt. Elle est profonde, l’onde, comme une rivière, un torrent de montagne qui ne dort jamais, qui tourne et s’agite dans son lit comme l’enfant qui attend ses cadeaux, qui regarde par la fenêtre les étoiles en flocons, espère, espère, y voir le vol d’un traîneau, passer dans le ciel de décembre. Qu’il est loin décembre, ses froides flambées et ses marchés, qu’il est loin le vin chaud, le miel et la cannelle au dedans. Les odeurs piquantes du bois qui craque, qui grésille sa résine comme une pièce de viande livrée aux flammes. C’est le renouveau, la faconde de la vie dans le chant des oiseaux, dans le champ des fleurs qui s’ouvrent en regards épris, l’hirondelle fait son nid de printemps, l’on pépie et l’on clame, c’est un chant d’amour, c’est un chant d’espoir. Les notes sont une valse, une valse à mille temps, une valse de printemps, qui prends son temps, qui s’ébroue dans les boues fraîches des congères disparues, dans le col clair du crocus naissant, dans le germe des moissons à venir. Avenir glorieux du loriot rêveur, sur la branche ailée d’un saule aux mille chatons doucereux, qui chatouillent l’air de pollens confiés aux vents. Les notes s’effacent et s’enlacent, notes des feuilles qui frémissent, notes d’école buissonnière pour petits renards, notes de musaraignes et notes de fraises. Notes parfumées, de cœur et de tête, qui font valser les cœurs et tourner la tête, à chaque croisée, pour mieux… Oui. Il y a dans ton nez des pigments d’odeurs et des notes de feuillage, il y a dans tes yeux une larme de printemps, comme une rosée d’aube, attrapée, accrochée au rêve d’une araignée tisserande, l’infime cocon déroulé d’une vie chaude, larvée et papillonnante. Il y a sur ta langue le grain d’une ondée d’avril, la vigne vierge en lianes sur le mur de tes dents, la barbe d’un vieux chêne, comme une mousse centenaire, la centaurée fragile, l'oeillet violin, pimpante prunelle au dessus des iris et des joncs. Rêve de jonque, lever l’ancre dans un matin brumeux, sur un méandre de Yang Tsé, quand la lune se baigne à ta proue. Notes boisées de thé, vertes notes d’infusion, effusion charmante d’aubépine et de genièvre, dans les baies endormies d’un fleuve impossible. Fleuve d’effluve, influx d’affluent effleuré d’aile, bergeronnette, valseuse, patineuse aquatique, qui stridule de ses croches comme un air de Danube bleu. Douce mélancolie de l’eau qui coule sur la joue du paysage, qui lave et charrie des chagrins de neiges éternelles, des claustrophobies phréatiques enfouies sous la nappe, des ballets de pluies antédiluviennes au rythme des valses d’un noroît antique. Il y a des histoires dans chaque goutte, chaque ride et chaque courant, un chant de Loreleï dans l’écho immergé d’un rocher, un parfum de lavandière dans l’écume d’un remou, un festin d’échassier dans l’arabesque d’un volute limoneux. Dans les notes que le vent chuchote au syrinx des roseaux, c’est la mélodie d’été d’un amour consummé. Que brûlent les notes et les partitions, que brûlent les fleuves et les saisons, et que la pluie vienne noyer les cendres incandescentes de ses noirs orages.

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