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Une chanson me parvient, dont les mots se noient les uns dans les autres, ruisseau masqué d’arbres dont le cours limpide ne m’atteint qu’à reflets, une vague mélodie d’ondine ou d’Ophélie, les cheveux roux noyant de leurs ondes d’automne les nymphéas endormis au gré fluvial d’un clair de lune baptisé. C’est un latent latin, épuisé de Jourdain et de nuit angevine, ligère comme la Loire voluptueuse, étendant ses serpentins d’eau avec cette langueur humide de sillage et de conque oubliée. Et les mots coulent, comme une cascade fine, qui s’égoutte à la mousse charnue des saponaires en fleurs, qui s’adoucit en pluie paresseuse, de ces pluies de ciel bas qu’on croirait toucher, comme un plafond mouvant de soies arachnéennes où s’agitent impuissants des vents prisonniers. D’une main d’enfant, comme le cancre au tableau gris des orages, la chanson dessine dans la pluie des couleurs lointaines, des ronds infinis qui ne semblent toucher terre et volent au dessus des chants inondés comme un essaim de papillon. C’est une litanie fragile, débordant du berceau des rivières sur l’édredon sans bleu du ciel et sur l’oreiller orange d’une pomme nommée avril. Présent acidulé d’un futur auguste offert au coteau cotonneux pour les époussailles d’un printemps en fleur, dont le merle veille au grain, et dans son bec jaune un refrain, la promesse des ans couleur cerise qu’il couve d’un nid de croches et de soupirs. La chanson s’accroche et s’étire au bourgeon tardif d’un marronnier d’inde, elle perle et s’abandonne, glisse sur le ramage irisé d’un ramier irrité, qui à cloche d’aile et d’alto s’envole vers un clocher rouillé comme une lance sainte, troué comme un vieux suaire dont les ardoises séculaires s’émaillent sur l’airain des heures. La mélodie glisse au long des cordes et des gargouilles, s’imprégnant des échos liturgiques et lithifiés des cantiques orgueilleuses et des orgues antiques ; paresse dans le sillon de grès ou de force puis repart ; chuchote au dessus des cyprès à tombeau ouvert et des marbres fleuris ; s’égosille aux vitres chaudes des mansardes ardoisées ou l’amant s’arde et s’attarde avec des mignardises de marquis ; fredonne au verre ouvert des marquises empluviées des plumes de soleil cueillies aux coraux corinthiens, des fleurs de mers comme des bouquets de pacifiques. La chanson louvoie à la lune, braille aux oreilles des aveugles le murmure des lamentations d’une forêt de saules, la brûlure des étoiles amoureuses d’atmosphères, le chagrin du chat gris léchant les doigts froids qui se meurent au carrelage d’une cuisine silencieuse, la mélancolie des ancolies dans les jardins des abandons, le sourire sans entrain d’une gare désaffectée, le rire éphémère d’un ballon rouge et celui, plus long, d’une cheminée qui crépite.

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