04/08

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Le mors au dents et la mort au dedans. La mort infâme et sale, celle des charniers d’étuve, que la chaleur décompose d’effluves vermillons. La vie en valise, entre deux aéroports de campagne, sans adresse ni attache, retenue à la bretelle des conditionnels défigurés, des aplats de plein air et des appâts lâches dont s’harponnent les requins pèlerins. Sur le mur, les pierres se lamentent et les lierres s’étranglent au chevet des tonnelles, sous l’oeil de verre des génoises menthe à l’eau. L’aigri gris autour du coup, comme un foulard de pluie et de tonnerre, santé, miséricorde, retour de l’être aimé et des lettres en filigrane, minuscules de naître ainsi, dans les matins précoces où ne fleurit que le lys régalien sur l’épaule des galères. Les cheveux sèchent au fond des paniers, et les automnes s’esquissent sur les joues en taches de douceur, se dénudent des habits effeuillés, pareils aux fruits lourds et sucrés que l’on guette du bout des mots sur la langue. Vie. Je te veux si tu veux de moi, et les mois et les ans, consumés au fond des cendriers de l’avent, et les après de peut-être, les éthers nitescents dont on parfume la nuit, les éclairs de lune sur des cafés en croissant, je veux tout et rien, le vide que tu ne sais remplir et la détresse en suspens. Rincer mes entrailles nauséeuses, et les boues intestines dans le ruisseau des espoirs à lavement et des vérités qui tachent. Je voudrais oublier le bitume et le béton, l’écume et l’écho des mots à l’amer, que les vagues ramènent toujours, des éclats d’abus plein la chair, des éclats de moi plein la mer. Alors on lève, les yeux et le camp, les pieds devant et le vent derrière, qui pousse, qui pousse comme on respire, la gueule ouverte et les larmes en joue, feu de grès et de joie, de gré ou de force, de farces qui s’attrapent, de rires vénériens comme des maladies imaginaires, qui font mal au ventre mais si bien au reste. Qu’on leur pardonne. On leur pardonne l’absence et le manque, les mensonges adéquats, la cécité nécessaire, les phares dans la gueule et les pieds dans le plat, je sais, oui. Et puis l’élan, lent, qui s’ébroue, qui s’éprouve, qui s’approuve, qui s’abreuve des mains tendues par l’avenir par-dessus les déserts. La neige fond, dessous il y a le printemps, comme un jardin secret qui s’ignorait, miroir sans tain ni fin, lorsqu’on brise la glace, que le glas se tait sur le clocher des sourires qui girouettent, à tout va. Des fourmis dans les jambes et des grenouilles dans les cuisses, fragiles comme des mobiles de papier au dessus des berceaux renaissants, comme des échasses d’oiseau des grands lacs. Les matins pécheurs sur des vergers en fleurs, des regards de pollens qui nagent dans l’espace, qui se frôlent et s’aimantent d’électricité extatique, qui s’épient et s’effacent, qui s’épuisent à la ligne des méandres et se grisent au lin des nuits blanches, écrues dans l’écrin des rivières en crue. Les terriers des marmottes et des murmures marmonnés en boucle à l’oreille, l’orée des clairières améthystes sur le seuil, à franchir des arpents et des arpèges, des pièges aux serpents dont on connaît la chanson. Les accords d’éons et de paris idiots, les balles populaires que l’on se tire en pleine tête, que l’on se crève sur la piste à faire sauter les contredanses, à faire danser les contrescarpes sur des chemins de ronde vagabonde, à faire trembler la peur et hurler les silences. Et puis crever, les yeux grand ouverts, les pieds devant, le vent derrière, rien que le vent. Qui pousse sans regret. Mourir, un peu, d’avoir trop existé, après avoir vécu, si peu, d’avoir trop hésité.

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