5 - Irma en pleine ascencion

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«  Nous avons redoublé d’efforts cette année pour accompagner l’émancipation de jeunes filles, dont le premier levier est, et reste, l’éducation. C’ est en effet l’éducation qui leur permettra d’entrevoir une perspective lointaine, échappant à leur quotidien immédiat parfois empreint de violence. L’éducation les autorise à se soustraire aux logiques d’emprise, de traffic et d’abus qui les menacera toutes leurs vies, dans leur condition féminine. Enfin, l’éducation participe à l’édification d’une classe moyenne dynamique, capable de passer avec bienveilance le relais à la génération suivante. »

Irma Dibanga regardait cette grande icône de l’empowerment au féminin, dont les actes avaient toujours devancé les propos, dérouler son discours au téléphone. Elle n’en revenait pas de la chance qu’elle avait eu, en remportant le concours d’éloquence organisé tous les ans par les sororités étudiantes, de se trouver, assise dans ce bureau, face à elle. Cette femme s’était hissée à la tête d’un empire, culminant parmi les meilleurs dans sa profession, grâce à sa ferme opiniatreté et son courage hors-norme.

— Rima?

Irma n’osa pas la contredire. Elle savait qu’être affublée d’un autre prénom que le sien était un rite de passage en entreprise. On vous catégorisait souvent en fonction de votre réaction, et elle ne voulait pas être considerée comme une intransigeante chieuse ou que son esprit de répartie se résume à sa seule susceptibilité. Il lui importait davantage de faire bonne impression, que de voir son prénom correctement orthographié sur les prochaines invitations qu’elle recevrait peut-être,si tout se passait bien. Et jusqu’ici, tout se allait bien.

— Rima,dit-elle après avoir raccroché, seriez-vous interessée de participer à une étude terrain auprès d'une des fondations du MIT? ils sont prêts à investir dans notre programme éducatif pour les jeunes filles issues de milieux sociaux défavorisés, mais souhaiteraient qu’un échantillon de cette population participe à une étude avant-gardiste sur les neurosciences. Il y’a aussi une étude parrallèle portant sur un programme de vaccination impliquant l’ ARN, afin d’écarter les ridicules polémiques sur les modificatiosn génétiques….et je ne devrais pas le dire, (elle chuchota) mais la définition du genre, et de l’orientation sexuelle, des sujets très "sensibles" (les Dieux de l'Olympe étaient humain: elle faisait les guillemets en crochetant les doigts) . Bref, Vous avez le choix…Les deux options sont libres jusqu’ici et le choix de votre discours au concours d’éloquence- brillant, bravo- laisse supposer ces sujets pourraient vous interesser…

Irma était débordée de travail, et ne s’en sortait déjà pas entre son stage d'observation en milieu carcéral, ses deux boulots et ses cours. Mais une fois encore, elle sourit:

— Je suis partante. Je commence quand?

— Le plus tôt serait le mieux, poursuivit-elle, Et….(chuchotant à nouveau) je souhaiterai qu’en marge de votre rapport, vous formalisiez un formulaire de consentement éclairé- notre juriste le validera- en direction des populations-cibles. Sans que cela ne soit non plus trop explicite, elles n’ont pas besoin de connaitre les détails soporifiques du programme.

Elle souriat aussi, ravie de leur prochaine collaboration.

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Article extrait du « Nouvel Obs », 10 juillet 2009

Tuskegee : le drame qui nourrit la thèse du complot

Le drame se déroule à Tuskegee, petite ville d’Alabama d’à peine 10.000 habitants, dans les années 1930. A cette époque, la syphilis prévaut dans la population noire fortement touchée par cette maladie. Une étude révèle que le comté de Macon, où se situe la ville de Tuskegee, a le plus fort taux de syphilis.
Sous l'égide de l’US public health service (UPHS) , une étude démarra en 1932 sur place pour suivre l'évolution naturelle de la maladie pendant un temps court. Dans le protocole, aucun traitement ne devait être administré pendant six mois, puis le traitement devait être institué. Des patients noirs de sexe masculin, âgés de 25 à 60 ans, furent recrutés à cet effet. Des soins médicaux gratuits pour toute la vie leur furent proposés ainsi que des repas chauds et des transports gratuits pour les visites médicales obligatoires deux fois par an. En cas de décès, 50 dollars étaient offerts pour frais d’obsèques, à condition d'accepter d’être autopsié. Près de 399 personnes signèrent initialement pour ces soins gratuits.

Cette expérimentation donna lieu plusieurs rapports qui montrèrent les ravages de la syphilis en l’absence de traitement. Un article de 1955 trouva que plus de 30% des sujets autopsiés dans le groupe des syphilitiques étaient morts directement de lésions de syphilis avancée, cardio-vasculaires ou nerveuses.
Pendant toute la durée de l’étude, l’USPHS mit tout en œuvre pour que les"sujets" ne reçoivent pas de traitement. Dès 1934, il fut demandé à des médecins noirs de la région de ne pas traiter les patients inclus dans l'étude. En 1941, quand 256 d'entre eux s'engagèrent dans l'Armée américaine, l’USPHS envoya la liste à l’Armée pour "exempter" ces patients de tout traitement.

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