25 décembre
Après les rayons d'un soleil cuisant, à lui dévorer la peau, Drina se réveille subitement entre les draps d'un lit et dans une chambre qu'elle ne connaît pas. Elle se courbe dans un grognement de douleur, et sous sa chemise de nuit, elle aperçoit une large cicatrice qui s'étend contre le haut de sa poitrine.
Ne comprenant pas d'où cette marque peut bien venir, elle décide néanmoins de se lever et d'explorer cet appartement qui ne ressemble en rien à celui qu'elle habitait précédemment. Elle ne reconnaît pas plus la rue où il se trouve, et encore moins le pays où il peut être construit.
Pas plus perturbée que ça, Drina arpente les quelques pièces qui constituent le logement et pousse un large cri de terreur en voyant son reflet dans le miroir. Ce n'est pas elle. Du moins, elle ne se ressemble pas. Après les premières secondes de choc, Drina s'approche de la glace et retrouve la forme en amande de ses yeux, ses paupières un peu tombantes, et ses yeux clairs. En revanche, désormais, ses cheveux sont sombres et plus longs, tandis que son teint est toujours aussi pâle à faire peur. Elle n'a pas grandie. Par réflexe, elle porte la main à sa nuque pour chercher quelque chose sur sa peau. Elle ne sait pas pourquoi, mais c'est tout son système qui lui demande de faire cet effort et de s'assurer que son épiderme est bien lisse, et il l'est. Alors pourquoi est-elle si déçue que ce soit le cas ? Pourquoi cherche-t-elle à prouver le contraire ? Une toute nouvelle version d'elle-même, qui lui paraît étrangère et à la fois très connue.
Quand son cœur se calme, Drina repère un petit post-it, accroché à ce même miroir. Elle le saisit et lit.
"je passe te chercher en fin de matinée, je ne finirais pas ta valise pour toi. ─ H."
C'est autant cette initiale que le petit cœur dessiné au-dessus de ce mot qui fait crépiter l'estomac de Drina. Qui est ce H ? Mais surtout, pourquoi doit-elle préparer une valise ? Où part-elle ? Avec qui ?
Perdue, Drina reste un long moment face à ce mot, ahurie. Et quand elle revient à elle, c'est pour apercevoir de larges rayons de soleil qui traversent le salon, et se déposent lentement sur le parquet pour le réchauffer. Drina n'a peut-être aucune idée d'où elle se tient et de qui elle doit rejoindre, mais elle profite simplement de ce calme, de cette quiétude et de cette sécurité qui se répandent en elle à grands flots.
Commandée par ces simples mots, la jeune femme se met en marche. Elle prépare un café dans une cafetière italienne, et tous ses gestes semblent parfaitement coordonnés, habitués, alors qu'elle est censée ne rien connaître de cette cuisine et de ses ustensiles. Comme demandé, elle finit de remplir une valise qui était déjà ouverte et pratiquement prête, dans sa chambre. Elle reconnaît vaguement ses vêtements, ses chaussures, ses bijoux.
Dans le logement sont également déposées des photos, sous cadres, mais elle n'en reconnaît pas plus les visages. Une jeune femme brune revient souvent. Tous les deux, joue contre joue, tous sourire, et leurs crânes surmontés de bonnets. Leurs deux mêmes visages, et corps, main dans la main, devant le Colisée de Rome. Quand a-t-elle effectué ce voyage ? Et pourquoi spécifiquement cette destination ?
Drina n'a pas le temps de s'arrêter, elle entreprend de faire un grand ménage dans cet appartement qui doit sans doute être le sien, à en juger par tous les objets personnels qui y restent.
Quand arrive l'heure fatidique et qu'elle est fin prête, Drina sursaute en entendant la sonnette résonner dans l'entrée. Son cœur se remet à battre la chamade. Elle saisit sa valise, chausse des lunettes de soleil et ferme la porte derrière elle. Quand elle traverse le hall d'entrée et se retrouve sur le parking de l'immeuble, elle fait face à une jeune femme brune, un sourire éclatant aux lèvres. Elle est accoudée à une vieille Porsche 911, bleu ciel. Sur ses bras, de larges tatouages s'étendent et s'étirent. Drina peut les voir parce que la jeune femme qui patiente pour elle, porte un t-shirt sans manche, accompagné d'un short en jean, déchiré et délavé. Drina ne peut pas accéder à son regard puisqu'il est couvert par des verres fumés, mais elle s'imagine une certaine étincelle dans celles-ci.
D'abord mal à l'aise, Drina déglutit puis se décide à faire ce premier pas. Elle l'a rejoint et s'approche avec lenteur, presque sur la défensive. A sa hauteur, elle entend résonner des mots comme tirés des profondeurs, très lointaines, et obscures :
─ On y va ?
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