Le fantôme ordinaire

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Je suis rentré tard ce soir-là. Mission propre. Sans bavure.Pas de cris. Pas de sang qui gicle. Juste un corps qui tombe. Un regard qui s’éteint.

Normalement, j’attends cet instant. L’ultime reflet dans les yeux. Comme un miroir. Comme une réponse.

Aujourd’hui, il n’y eut rien. Pas d’écho. Pas de sens.

Un geste. Une habitude. Une mécanique vide. Serait-ce le début de la fin ? Ou dois-je faire évoluer la méthode ?

En poussant la porte de mon appartement, j’ai senti quelque chose clochait. Pas un bruit, pas une odeur étrangère. Mais un détail. Le silence. Trop parfait. Trop symétrique.
Je suis un homme qui observe les ombres. Et je sais quand elles sont déplacées.

Sur la table basse, il y avait une enveloppe. Papier jauni, épais, posé avec soin. Comme un cadeau.
Je n’attends jamais de courrier.

À l’intérieur, une photographie.
Moi. Plus jeune. Les yeux durs, le bras tendu.
Un flingue dans la main.
Et devant moi, ligoté sur une chaise, le visage gonflé par les coups, un homme qui me fixe.
Pas de doute. Je reconnais ses traits.

Un goût métallique me remplit la bouche, comme si la photo me faisait saigner de l’intérieur.
Cet homme-là est mort. Je l’ai vu s’écrouler, sa respiration s’éteindre, ses yeux se figer.
Alors pourquoi… pourquoi cette image existe-t-elle ?

Au dos, une phrase griffonnée :
“Tu as oublié. Moi non.”

Je reste debout, figé, la photo dans la main.
Et pour la première fois depuis longtemps, je sens un poids. Non pas la peur. Non pas le doute. Mais… une faille.
Comme si quelqu’un me rappelait que moi aussi, je pouvais être imparfait.

Le téléphone sonne.
Vieille tonalité grésillante. Un poste fixe. Personne n’appelle ici. Jamais.

Je décroche.
Un souffle. Long, traînant.
Puis une voix, déformée par la ligne, par le temps. Mais reconnaissable.
Dis-moi, Jim… est-ce que ça fait mal, de savoir que tu n’as pas fini ton travail ?

Le silence. Pas de respiration. Pas un mot de plus.
La ligne se coupe.

Je reste immobile, le combiné collé à l’oreille, le bourdonnement sourd encore présent dans le creux du crâne.

Je ferme les yeux. Une bouffée glaciale traverse ma nuque.
Non. Pas lui. Pas aujourd’hui. Pas deux fois….
Pourtant, je comprends. Mon innocent est vivant. Il marche encore dans ce monde. Et pire que ça : il me regarde.

Et moi, pour la première fois, je me sens observé.

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