Chapitre 3

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 Gabrielle était assise dans un petit camp de fortune, abrité sous la roche. Elle observait avec attention l’horizon. Devant elle, le grand mur se dressait contre les bourrasques de vents, défiant à lui seul la folie du temps. À sa base, les monstres qui essayaient de ramper le long de la paroi se firent accueillir par des avalanches d’huile bouillante. La nuit, il ne laissait pas déborder la moindre lumière. Rien ne devait attirer le mal hors de la Terre des Géants.

Malgré ses longues journées à le scruter, la jeune femme ne trouva ni passage, ni faille, ni espoir. Chaque nouvelle aurore depuis son arrivée, elle remarquait de plus en plus de prédateurs rôdant aux alentours. Il en devenait difficile pour elle de rester cacher et d’arriver à fermer l’œil.

Une nuit, tandis qu’elle fixait le ciel étoilé, allongée contre la roche, un flash l’éblouie. L’instant qui suivit, un fracas assourdissant fit gronder la vallée. Saisie, la guerrière se leva et vit l’impensable. À l’horizon, une brume noire recouvrait la façade du grand mur. Les flammes rongeaient les fondations tandis que les monstres environnant se rapprochaient.

La frontière entre les mondes était brisée. Sans attendre, la jeune femme prit son arme et se rua en dehors de sa cachette. Dans sa course effrénée, elle pouvait entendre les cris de panique et les rugissements envahir le silence nocturne.

Aux abords de la brèche, elle tomba sur plusieurs cadavres en armure, encerclés par un groupe de chimère. Ces créatures à la carrure distordue laissaient entrevoir leurs crocs effilés au travers même de leur mâchoire. À la simple vue d’une humaine, elles rugirent d’un cri strident. Sortant leurs épaisses ailes et tapant le sol de leurs griffes aiguisées, elles attaquèrent.

Gabrielle esquiva la première d’une roulade. Trancha les pieds de la seconde. Se rua contre la meute et en abattit une troisième. Le sang virevoltait sans répit. La frénésie du combat envahit les âmes. Mais la guerrière s’arrêta. Son mollet tremblait. Sa cuisse saignait. Son cœur s’emballait.

Les monstres revinrent à la charge. Mais leurs tentatives se firent accueillir de contre-attaques bestiales. Les corps se tranchaient et se disloquaient jusqu’à entraîner la terre, le bois et la pierre dans leur passage.

Le calme revint aussitôt. Essoufflée, Gabrielle tourna le dos à son massacre et aperçus un soldat encore en vie. Écroulé contre un débris, tenant fermement sa main contre son épaule saignante, il la fixait de ses yeux écarquillés.

Qu… Qui-êtes vous !? Vous faites partie de la chasse royale ? Vous êtes là pour nous sauver !?”

Sans dire un mot, la guerrière se rapprocha de lui et l’aida à se relever. L’homme marchait d’un pas pénible et tremblant. Dans sa panique, il reprit :

Le sixième régime vient d’être déclaré ! Cela ne fait que quelques minutes que la brèche est ouverte et nous faisons déjà face à de terribles pertes. Je vous en conjure, lâchez-moi et partez au front sans attendre !

Non. Je ne laisserais plus personne derrière moi.

De l’autre côté du mur, des rangées de boucliers désordonnés faisaient face avec peine à des hordes incessantes. Les alchimistes embrasaient leur poudre et leur concoctions dans des feus éblouissants. Les archers lançaient des pluies diluviennes de métal strident. Mais rien ne faisait plus que nourrir la colère des bêtes. Cette frénésie venue des terres oubliées ne pouvait pas trouver d’égal contre de simples hommes.

Devant ce spectacle, Gabrielle prit le temps d’éloigner le soldat de la brèche. En longeant le mur, elle trouva une petite baraque dans laquelle il pourrait être à l’abri. Elle le posa avec soin contre un coin de la pièce et se dirigea vers la sortie.

Je comprends mieux maintenant. Vous êtes une envoyée… Vous empêcherez le mal de ronger le monde à nouveau.

À l’extérieur, la guerrière pris une profonde inspiration. Les mains crispées contre le manche de sa flamberge, ses yeux se gorgèrent de rage. Les battements de son cœur résonnaient au travers de sa poitrine. Un sentiment inhumain l’habita.

“Tu vaincras. Il le faut.

Sans attendre, elle accourut et bondit au cœur du combat, tranchant sans répit chaque monstre lui barrant la route. Tandis que des escouades entières tombaient, elle continuait d’avancer sans faiblir. Le sang de leur congénère finit par attirer les cimères, enivrées par leur soif.

“Ils arrivent !

Les veines ardentes et la mâchoire serrée, Gabrielle leur fit face. Ne laissant rien subsister dans le sillon de sa lame. Encaissant les coups et les morsures. Brisant leur os à main nues s’il le fallait.

Sa folie continua jusqu’à ce qu’elle trône au milieu d’un tas de chaire informe. Le souffle lourd, les membres pesant plus encore et les yeux larmoyant, elle resta debout et ne lâcha pas son arme.

“Un dernier effort, tu y es presque…

Une ombre plana au-dessus des flammes, soufflant de ses lourds battements la terre et les cendres. Tout autour du champ de bataille, les soldats paniqués hurlèrent à l’horreur.

Une vouivre ! Que tout le monde se mette à l’abri !”

La guerrière la vit de ses yeux, fonçant dans sa direction, la mâchoire grande ouverte. Les secondes se diluèrent. Son pouls devint éffréné. Sa rage monta.

Héloïse, Arnaud, Feirild, Maman…”

Au moment où le monstre l’atteint, elle assena sa lame d’une force démoniaque. Poussant un horrible rugissement, qui fit trembler jusqu’aux fondations mêmes de la forteresse, elle fendit la bête de part en part. Dans de brutales bourrasques de poussière, ses restes se répandirent dans la cour.

Terrorisés par cette force, tous les prédateurs rebroussèrent chemin et se retirèrent jusqu’aux terres fertiles. Tandis que les acclamations éclataient, Gabrielle sentit son esprit partir. Sa vision se troubla, elle bascula en arrière et ferma les yeux.

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