Hilda

5 minutes de lecture

- Donc, mademoiselle Delmas, si je résume bien la situation, vous venez de mordre votre camarade, mais vous persistez à affirmer que ce n'est pas de votre faute?

Je hoche la tête lourdement, pour bien faire comprendre que je ne suis pas d'accord avec elle.

- Vous savez, continuait cette conne de principale adjointe, que le collège a repris il y a peine une semaine et que vous commencez toujours aussi mal?

J'en ai marre

Je veux m'enfuir

Vous ne comprenez rien à rien !

Je regarde a droite, a gauche et sors de ce maudit bureau avant d'étouffer. Je cours le plus vite possible, saute la mince barrière qui sépare le monde réel des enfers du collège et sens le vent contourner ma silhouette. Peu à peu, mon souffle ralentit et mes jambes cèdent à la gravité. Ma grand-mère va encore me maudire et se demander pourquoi elle a accepté cette foutue garde. Et moi, je lui répondrais pourquoi j'ai accepté d'aller avec elle. C'est tellement simple de la mener en bourrique. Elle tourne en rond comme une vieille toupie cassée. Quoique, j'aurais pu finir en foyer… Foutu monde.

J'ai envie d'une glace. Est-ce que les glaciers sont encore ouverts en septembre ?

Non, parce que soit disant que les glaces sont froides, personne n'en mangerait en automne. Ce n'est pas très grave, je me contente d'un pain au raisin. J'espère qu'il n'y a pas de pénurie de raisins secs.

Je m'installe sur un banc a la lisière d'un parc et admire les pigeons. Si vous les observez bien, vous pourrez constater que quand ils marchent, leurs têtes émettent un petit mouvement en avant, ce qui leur donne un air ridicule.

Au loin, un monsieur âgé d'à peu près quatre vingt dix ans donne des miettes de croissants aux animaux les plus stupides sur terre. Quel gâchis ! En plus, ça mange du croissant les pigeons ?

J'ai tourné la tête pour me diriger vers ma droite et continuer mon chemin en recherche de pains aux raisins quand j'ai croisé son regard. C'était un regard vide qui fait peur. Ses yeux étaient marrons avec une légère touche de rouge. Comme la principale adjointe.

Avec ma grand-mère, on avait passé un contrat ; je l'ignore, elle m'ignore. Mais quand je suis rentrée, elle ne m'a pas ignorée.

- Je viens de recevoir un appel du collège. Je crois que tu dépasses les bornes, dit-elle d'un air sévère.

- Ah, parce-que il y en a déjà eu, des bornes ? Tu ferais mieux de t'en mettre à toi-même, des bornes.

Je déteste quand les autres ont le dernier mot. Mais est ce que je fais partie des "autres" ? Non, je ne pense pas. Si on remplace "autres" par "autrui", la définition nous dit ; ensemble des personnes autres que soi-même. Alors c'est bon. Quand même, ça m'embêterai d'être un personne "normale". Et "normal", ça veut dire quoi ? Rien. Je suis donc le contraire de rien. Donc tout.

- Tu sais ce que c'est un foyer? Me questionna ma grand-mère. C'est un endroit où vont les enfants quand leurs parents ne peuvent pas s'occuper d'eux ou alors, quand un enfant devient trop insupportable et qu'il n'est plus possible de le contrôler.

- Depuis quand tu me contrôles ? Je ne t'ai rien demandé ! Au contraire, je veux juste qu'on me foute la paix. Si tu penses que tu m'es utile, tu te trompes. La seule utilité que je trouve à ce monde, c'est rien. Tu me fais chier, ils me font chier et je me fais chier. Si tu penses que j'aime ma vie, détrompes-toi, je la hais.

Je cours dans ma chambre, toujours fidèle à ma promesse de ne jamais pleurer. J'aimerai pourtant, mais je ne suis pas une mauviette. En arrivant, mon premier reflexe et de saisir mon bouquin.

Non sans quelque mal (vu que pour un cochon, se tenir en équilibre n'est pas commode), Boule de Neige escalada les barreaux et se mit au travail; Brille-Babil, quelques degrés plus bas, lui tendait le pot de peinture. Et c'est de la sorte que furent promulgués les Sept Commandements, en gros caractères blancs, sur le mur goudronné. On pouvait les lire à trente mètres de là. Voici leur énoncé :

1. Tout deuxpattes est un ennemi

2. Tout quatrepattes ou tout volatile, ami

3. Nul animal ne portera de vêtements.

4. Nul animal ne dormira dans un lit

5. Nul animal ne boira de l'alcool

6. Nul animal ne tuera un autre animal.

7. Tous les animaux sont égaux

Je n'ai toujours pas fini le livre, mais je parie dix contre un que ces "lois" ne seront jamais respectés. L'humain est déjà assez con pour inventer des lois, alors si les animaux s'y mettent eux aussi, on est foutus. Ce livre est génial, mais me fait peur. Je n'ai pas envie que la terre souffre encore de nos bêtises toute sa vie parce que on a influencé d'autres animaux.

Mon téléphone bipe.

" Ce soir 22h devant "la cabane" sinon on te flingue, ta grand-mère avec et tu peux dire au revoir à ton tas de feuilles pourries."

Quand j'étais petite, ma grand-mère avait toute la collection des Asterix, et à ce moment là, je ne comprenais pas ce que voulait dire "le ciel nous tombe sur la tête". Maintenant, je comprends.

Une larme coule sur ma joue droite. Elle est chaude et sur ma langue, salée. J'aurais tenu ma promesse pendant douze ans. Une deuxième coule sur ma joue gauche. Puis une troisième, une quatrième jusqu'à que je ne les compte plus. Je crie, je respire rapidement tout en m'étouffant dans mon oreiller. Il faut que je me décide. Il faut que je fasse ça pour eux. Sinon, je ne survivrai pas. De toute façon, si je ne le fais pas, je mourrai quand même.

J'attrape mon sac à dos, fourre dedans un paquet de biscuits, mon portable et un opinel. On ne sait jamais. J'arrive à sortir en toute discrétion et m'engage dans une étroite ruelle. Il fait froid et sombre, et mon lit me manque déjà. Les maisons sont hautes, ce qui ne me laisse pas la place pour voir les étoiles dans la nuit. "La cabane" est un endroit sombre où se rendent tous les ados qui ont besoin de se shooter ou de faire l'amour. Un endroit bien glauque. Je crains surtout de ceux qui m'y attendent . J'ai peur.

Je traverse un pont en briques et arrive là bas.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire bio ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0