Je ferme les yeux et me voilà par delà l'espace et le temps.

Je regrette déjà ma solitude.

Je marche au milieu d'antiques cités cyclopéennes abandonnées. Pas un bruit, pas un son. Nul parfum. Ici le vent ne souffle plus, et l'écho de mes pas se perd, dans l'immensité inquiétante de ce monde inconnu à la beauté indicible.

J'avance dans ce labyrinthe angoissant en contemplant les glyphes d'une langue désormais disparue. Les signes courent le long des murailles épaisses et vermoulues comme une calligraphie impossible à suivre. A certains endroits le lichen les a digérés, il y a longtemps. Le lichen n'est plus. Les murs se taisent.

Très loin, là-haut à huit minutes-lumière, une étoile livide éclaire avec peine, ce monde aujourd'hui mort. Les rayons de sa lumière fantômatique se dispersent, créant une ambiance laiteuse, peuplée de formes aux reliefs incertains projetant des ombres étranges.

Je m'enfonce dans le sol de ce monde désormais stérile, avalé par des sables-mouvants qui me conduisent vers la graine originelle. Un noyau inerte de fer et de nickel, autrefois créateur de courants électriques et de champs magnétiques.

Le noyau m'expulse, importuné par ce corps étranger, cette conscience volatile. Il me renvoie très haut dans un ciel sans nuage et noir. Nulle chaleur. 

Je survole un monde désseché, portant encore les stigmates d'océans qui autrefois le recouvraient. J'aperçois les traces de vieux fleuves. De grands sillons qui remontent vers d'antédiluviennes montagnes, rongées par les affres du temps.

Je reconnais des endroits, car cette planète fut la mienne autrefois. Pleine de vie.

Mais le temps passe, inéluctablement. 

J'ouvre les yeux, me voilà revenu. 

Parmi vous.