La Matriona
La pendule tourne.
J'ai planté ses aiguilles dans le cadran.
J'ai besoin de temps.
Mes tiroirs sont remplis.
Ramassis d'objets trouvés.
Objets tombés,
abandonnés,
isolés.
Les objets s'accumulent,
dansent autour de moi.
Les tiroirs sont vides.
Je fouille.
Trousses, clefs, théières, bols, tasses, couettes, draps, cocottes, casseroles, épingles, pinces, coussins, crayons, lunettes, chapeaux.
J'ai arraché les aiguilles du cadran, pour démêler les nœuds.
Une tête que je connais.
Je ne veux pas la perdre.
Elle est petite,
au creux de mes mains.
La matriona ,
me regarde.
Sous son lainage rouge, elle sourit.
Le cœur en bourgeon.
La matriona me regarde,
et m'invite à l'ouvrir.
La matriona à trois enfants.
Je suis l'une de ses matriochka.
Yeux bleus,
Cheveux blonds.
La matriona me garde au chaud.
Elle me protège.
Elle me porte encore en son sein.
La matriona est fissurée.
Elle a servie de coquille.
J'ouvre ma matriochka.
Je ne suis plus un œuf vide.
J'ai mal à la tête.
Elle se remplie.
C'est un déluge.
Abondance visuelle.
Bouillonnement incontrôlable.
Je suis une fourmilière de souvenirs.
Enfant qui roule dans les dunes.
Petite fille qui se cache dans la forêt de pins.
Je suis devant la cascade.
Rire qui recouvre le bruit des flots.
La matriona veille toujours sur moi.
Du coin de l'œil,
elle observe.
Témoin de mes voyages.
Je suis ces cartes postales.
Animées de mémoire.
Ma tête est faite de racines.
Je suis une graine.
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