amour brisé

Image de couverture de amour brisé

Un bout de fanfiction sur l'univers de Bonanza, avec le personnage de Will Cartwright, joué par Guy Williams, le Zorro de mon enfance.

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Décembre 1866
Séréna court vers lui, comme un rêve au ralenti. Elle se laisse tourner sous les flocons de neige qui tombent sur son visage, des perles pareilles à mille baisers venus du ciel viennent se poser sur sa joue. L'amour est comme qui dirait en train de, doucement, fixer des ailes dans son dos, elle plane dans cette atmosphère cotonneuse, suspendue par des fils d'argent, au moment où cette petite neige toute tranquille se met à descendre du ciel. Elle voudrait attraper chaque flocon de neige, elle a envie de croire que chacun d'eux est un geste d'amitié, un regard bienveillant, un bisou tendre, un infime morceau de bien-être et de mieux vivre. Un peu de légèreté, un soupçon de folie pour celle qui s'était perdue dans la nuit, du côté de l'errance, fragile sous les coups de boutoir de la destinée. Elle est maintenant déterminée à avancer et à gagner le droit de sourire. Plus rien ne sera pareil, plus jamais elle n'inspirera le dégoût. Elle ne sera plus jamais à la frontière avec le mal, emmurée dans des silences coupables ; elle saupoudrera son quotidien de sourires et d'amour. Oui, elle a osé la désobéissance et elle a gagné le droit de vivre en harmonie, en paix.
Lui et elle connaissent le prix d'un matin resplendissant de soleil. Ils veulent maintenant construire une maison et y vivre leur petite existence. Ce sera difficile, mais ils ont envie d'y croire. Grâce à leur amour.

**************
Il neige, un peu beaucoup, un flocon, cinq flocons, 1000 flocons pareils à des graines d'espérance, comme des sourires resplendissants. La neige qui tombe et qui fait sur l'homme et la femme comme un manteau réconfortant. Il neige ! De cette eau qui régénère tout, renaît la vie, chaque goutte d'eau de chaque flocon enrichit un petit coin de la terre. Et Séréna, telle une petite goutte d'eau gelée, devient chrysalide blanche et vient, sur la pointe des pieds, se faire belle, s'arrondir et se poser dans les bras de celui qui l'accueille avec un sourire.
Il fait froid sur la terre durcie, engourdie, gelée, les oiseaux transis n'ont plus la force de picorer et se sont blottis douillettement dans leurs nids au creux des troncs, mais dans cette nature saupoudrée de cette féerie magique, les amoureux laissent virevolter autour d'eux les flocons de tendresse, ils savourent de se prendre par la main, de s'enlacer, délicatement, leurs lèvres se rejoignent : féerie de deux être qui s’aiment, des épaules qui se touchent, tendre dévotion l’un envers l’autre. La magie d'un matin de neige, la magie d'un amour naissant, enrobé de douceur et de tendresse pour recouvrir la noirceur de certaines mochetés de la vie. Will la trouve belle dans son manteau frimas, il est fier de lui donner le bras, les flocons sont coquins et leur chatouillent les yeux. Leur cœur rêveur se prend à les faire chanter, d'une voix qui crachouille des volutes de vapeur, comme une locomotive qui les conduirait au pays des amours de neiges éternelles. Il met ses grosses bottes dans ses petits pas de biche, la neige crisse sous leur poids et porte tous leurs émois. Dans l'atmosphère adoucie, flotte un parfum troublant, sensuel aux effluves de passion. Elle le regarde un bref instant, puis lui offre le plus beau des sourires. Le sourire de la douceur retrouvée, le sourire de l'apaisement, Will est conquis et il fond, pour le coup.
***Trois mois plus tard.
L'hiver a fini par se sauver, il a toutefois laissé quelques merveilles, des restes de bonhommes de neige à moitié fondu, des dentelles de glace sous les arbres, des meringues glacées sur les toitures du ranch. Le printemps est arrivé, il a accouru avec ses fleurs et quelques cumulus dans le ciel. Les arbres se sont habillés de couleurs pastels, de grands yuccas ont bravé la fraîcheur du temps, et les premiers oiseaux sont revenus. Neiges et froidures sont parties : des centaines de pétales crient " vive le Printemps ! " dans une immense symphonie, où des millions de fleurs ont tenu à se mélanger en quelques semaines. Leurs bourgeons de couleur, d'un coup de baguette magique, ont éclos sous un ciel brillant de mille couleurs, de mille senteurs pour éblouir les yeux. Les oiseaux se sont mis à danser, se sont accouplés et préparent des nids douillets, guidés par une force instinctive. Avril est arrivé, avec ses averses, le vent et la pluie. Les arbres verdoyants lèvent vers le ciel leurs branches gorgées de sève ; ils se sont habillées d'un feuillage ondoyant.

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Will et Séréna se baladent dans la forêt, ils courent comme des jeunes cervidés plein d'élan et de fougue. Will la saisit par la taille et la plaque tendrement contre le tronc d'un arbre. Puis il l'embrasse avec gourmandise.

*****plus tard, dans le ranch de Ponderosa Silence. La punition ne venait pas. Il fallut une minute complète pour que Will et Séréna comprennent que cette tâche leur incombait. Sauf qu'ils n'y étaient pas préparés. Pour les enfants, Will était cousin Will, donc un peu moins dangereux qu'un oncle, surtout si l'oncle en question était oncle Adam. Oncle Hoss et Oncle Joe les laissaient souvent s'en tirer à bon compte. Pourtant, là Cassie n'en menait pas large. Elle adressa un regard effaré. Séréna prit la petite par la main et la mena vers sa chambre.
*********

- Poulquoi vous pas punil petite demoiselle, assena Hop Sing en ramassant les débris de plusieurs tasses.

- Je…On sait pas comment on fait ; lança Will.

- ça poultant pas êtle compliqué.

- Oui, mais je n'ai pas l'habitude…; répondit Will.

- Et puis ; elle n'a pas vraiment fait quelque chose de mal. Et je ne pense pas qu'elle puisse rien faire de ce genre un jour, répondit Séréna, d'un ton soudain grave.

- ça êtle sûl, Missis Cassie êtle mignonne comme un coeul, elle êtle plutôt facile, mais elle pas pouvoil êtle palfaite, elle faile aussi bêtise, ce qui veut dile, elle doit êtle punie. Vous cloile Hop Sing, Hop Sing pouvoil se vanter avoil expelience nécessaile poul dile enfants pas êtle tous les jouls des cadeaux. Si vous laissez Cassie faile ce qu'elle veut, elle êtle poullie gâtée. Vous devoil vous lendle compte, elle avoil cassé tlois tasses, devant quatle pelsonnes comme si tout êtle nolmal.

- Mais je ne sais pas comment on s'y prend pour punir un gosse ! », se défendit Will, C'est pas parce que je l'ai été très souvent quand j'étais petit que…

- Ne fais pas ton martyre, Will, tu n'as pas été plus puni qu'un autre enfant ! » lui lança Séréna

- Mais, est-ce que tu comprends que tout ça, c'est encore inédit pour moi ?

- Ce n'est pas si difficile que tu le crois… Tu es pasteur, tu dois en connaître un rayon.

- Ça c'est toi qui le dis…

- Elle avoil cassé quelque chose, et ça pas êtle un accident, ça êtle pas bien, et adultes devoil êtle capable lui faile complendle, elle doit pas faile ça ! » conclut Hop Sing en retournant dans sa cuisine.

« si Mistel Caltwlight avoil été là, Hop Sing n'aulait pas peldu sa polcelaine. Mistel Caltwlight n'aulait pas laissé faile ça ». Mr Cartwright n'était pas là, il s'était absenté avec son épouse, pour trois jours, pour aller à une réception à Carson City. Will et Séréna étaient venus à Ponderosa pour s'occuper des enfants.

*********Séréna revint doucement et alla s'installer près de Will.

- On est si mauvais que ça ? dit-elle.

- Peut-être pas, répondit Will, mais on est en train de faire une bourde, nous aussi.

- oh, trois tasses du service trucmuche de l'arrière-grande-tante… Et qu'est-ce qu'on peut faire pour remédier à ça ? On va pas en faire un flan, ajouta Séréna

- Dis, tu crois pas qu'Hop Sing a raison... C'est vrai qu'on ne sait pas faire, moi je sais que j'ai pas trop envie de me montrer sévère ; j'sais pas, j'ai pas envie même si elle le mérite.

- Mais tu t'en sors mieux que moi…des fois, je me dis que… » Will resta silencieux quelques instants. On ne lui avait jamais vraiment fait de compliment, il était plutôt habitué à être celui qu'on rejetait. - Tout me paraît étrange, répéta Séréna, j'ai l'impression d'appartenir à un autre monde que vous tous, en fait, c'est une impression générale. Que ça soit Adam, Hoss, Joe, leurs épouses et même ton oncle. Je sens que vous êtes tous loin de moi, dans un autre univers !

- Hey hey, ma belle, toi et moi, on est supposés apprendre à s'aimer et à aimer les autres ! Malgré tout ce qu'on a vécu. Séréna grimaça, ne sachant que répondre à cela.

- Je me sens…si étrange et si étrangère! , continua Séréna. Elle ramena ses jambes contre lui, les entoura de ses bras, et posa son menton entre ses genoux. Will eut soudain envie de la serrer dans ses bras pour la réconforter.

- Hey ma douce, viens ! » Séréna s'écarta à regret des bras apaisants, pour faire face à son mari. Voyant qu'elle avait toute son attention elle commença :

- Je vais avoir un enfant, lâcha-t-elle d'un trait. La nouvelle figea littéralement Will. Voyant qu'il n'émettait aucune réaction de plus, elle lui accorda un instant pour digérer le tout. Au bout d'une minute, elle craqua.

- Dis quelque chose. Il cligna des yeux, sortant de sa transe et la dévisagea, incertain.

- Tu as bien entendu, dit-elle. Nous allons avoir un bébé. »

Le jeune pasteur était complètement sonné. Cela se voyait aussi clairement qu'à travers du cristal.

« J'ai très peur de ne pas être à la hauteur » avoua Séréna, en éclatant en sanglots contre la poitrine de Will. Elle le vit perdre son étonnement pour le remplacer par un vif émoi. Il s'était approché sans qu'elle ne s'aperçoive de rien, et s'était pelotonner contre elle. Immédiatement elle retrouva sa sérénité.

« Et moi donc, on va faire de beaux parents, avec nos doutes et nos faiblesses, dit-il en caressant ses cheveux. Il se redressa et la fit pivoter face à lui.

- Je t'aime, chuchota Séréna. Will souffla la bougie, plongeant la pièce dans le noir, rapidement striée de rayons lunaires.


******en ville, dans la maison du pasteur.
Séréna sortit du lit laissant l'homme de sa vie continuer à dormir. Elle se dirigea vers la salle de bain et referma la porte. Elle observa son reflet dans le miroir, inspecta sa peau, ses cernes, ses cheveux.
« Où en étions-nous ? » demanda-t-il joueur en entrant dans la pièce.
« Là ... »
Séréna enroula ses bras autour du cou de Will et l'entraîna vers le lit tout en l'embrassant. Will devint de plus en plus entreprenant et le matelas devient rapidement le nouveau jardin d'Eden. Will mordillait chaque parcelle nu du corps de Séréna pendant qu'elle caressait délicatement son épine dorsale ce qui le fit frémir. Puis Séréna retourna Will et se mit au dessus de lui, en regardant ses muscles malicieusement. Elle les dessina du bout des doigts, elle connaissait par coeur toute ses formes, puis elle effleura sa mâchoire, avant d'écraser ses lèvres sur les siennes. Un baiser fort évocateur de ce qu'elle ressentait, tout le désir qui fleurissait en elle. Sa langue demanda les clé du paradis, il accepta sans hésiter une seule seconde et le baiser s'intensifia pour devenir passionné, fort, presque bestial. Will colla son front contre le sien et lui sourit et avec tout son amour et des yeux remplis de tendresse, de désir se planta dans les yeux de Séréna. Il allait répondre au tendre baiser de sa dulcinée.

*********plus tard Ben était sorti avec Joe et Hoss, quelques corvées devaient être faites, quand bien même ils fêtaient un anniversaire. Les femmes terminaient d'essuyer la vaisselle dans la cuisine avec les filles. Chacun, grand et petit, avait une occupation. Assis près de la cheminée, Adam souriait en regardant Luke et Benji régler leur rivalité autour d'un jeu de dames. La vie était toute belle, il tourna la tête quand il aperçut Will prendre place à ses côtés, l'air soucieux.
« Hey… , il tente.
Adam , dans un premier temps, ne répondit pas, ses yeux fixés sur les deux enfants. Et soudain.
« Je ne crois pas pouvoir faire un bon père. »
Adam resta interdit un instant, les sourcils froncés, il observait cet homme qu'il pensait être son ami. Il ouvrit la bouche dans l'espoir de lui offrir un quelconque réconfort mais Will poursuivit.
« Je veux dire les seules choses que j'ai hérité de mon père, ce sont ces moustaches et son nom, et la seule chose dans laquelle j'excelle consiste la plupart du temps à faire tout ce que les autres ne font pas. Et…
- Et pourtant tu as une femme qui t'adore, des proches qui t'aiment et une fonction qui permet à des personnes de trouver la paix et la vérité. »
Les deux hommes se regardèrent, l'un comme l'autre surpris.
Du coin de l'œil Will vit quelque chose qui le fit sourire, ses yeux trouvèrent ceux d'Adam , son sourire s'agrandit.
- Tu veux une preuve plus spirituelle ? demanda-t-il en voyant les sourcils froncés de Will.
Ce dernier hocha seulement la tête, attendant presque impatient, l'argumentation de son ami. Mais elle ne vint pas, à sa place des petits pas timides se firent entendre, Will regarda les yeux d'Adam s'emplir de fierté, d'amour et d'une touche d'inquiétude, avant de se tourner vers le petit garçon au regard plein de questions.
« Hey Bonhomme que se passe t-il ?, demanda Adam au garçonnet.
Benji s'avança vers son papa ses mains fermées, il se plaça entre les jambes de son papa mais ses yeux étaient sur le pasteur, oncle Will.
Will observa ce petit être fragile et innocent, qui se tenait devant lui enthousiaste et effrayé.
- 'Cinelle… , lâcha Benji dans un sourire murmuré, ses mains d'enfant toujours fermées se tendant vers Will.
Un instant, le pasteur ne comprenait pas, puis ses lèvres s'étirèrent et avec une douceur qu'il ne se soupçonnait pas, ses mains d'adultes enveloppèrent celles potelées du petit garçon. Ce dernier laissa son sourire s'agrandir en déposant son trésor au creux de la paume de Will.
Adam sourit à l'échange, se laissant aller sur sa chaise il laissa la conversation se faire sans lui
Will ouvrit doucement sa main la laissant à hauteur du petit garçon.
« C'est une très belle Coccinelle, Benji… »
Le garçonnet sourit, s'échappant lentement de son cocoon protecteur et s'avançant vers son papa, ses mains prenant appui sur les genoux de son oncle, ses yeux regardant l'insecte se balader sur les lignes de vie, de chance et d'argent.
« C'est un coléoptère, et les points qui sont sur son dos indiquent à quelle famille de coccinelle elle appartient. Mais souvent les gens pensent qu'ils indiquent son âge…, ajouta Adam, tout à ses explications.
Il y eut un silence et puis.
« Alors elle a sept ans, expliqua Benji, ses doigts indiquant le nombre de points se trouvant sur le dos de la coccinelle.
Will rit, Benji aussi.
Puis le jeune pasteur regarde Adam son regard sincère et heureux.
« Si tu veux plus de preuves, je suis certain qu'une ou deux soirées à surveiller ces charmants petits monstres pourraient définitivement compter comme une expérimentation…
Rires de Will.


*******C'était si bon de pouvoir profiter de la tranquillité de la vie de famille, paisiblement. Jouir de chaque minute de ce samedi consacré au repos. Will avait décidé de jouer aux cartes avec les enfants, il leur avait appris à jouer à la bataille. Ouh là là, que cela était compliqué d'accepter de perdre.


*******Il faisait presque nuit. Debout, tournant le dos à ses hôtes, un homme vêtu d'un manteau noir se tenait face à la fenêtre, son visage appuyé contre les carreaux sur lesquels la pluie et le vent s'écrasaient en rafale. Il était resté silencieux jusqu'à maintenant et avait refusé de s'asseoir et d'ôter ses vêtements trempés. Que lui importait qu'il prit mal, à lui à qui on avait tout pris ? Que lui importait de mourir quand des êtres si chers étaient partis ? C'était un homme brisé qui se présenta ce soir-là à Ponderosa, un homme meurtri par la douleur et un insupportable sentiment d'injustice. Le Pasteur de Virginia City était un homme brisé. Ben lui faisait face, avec le bébé qu'il berçait dans ses bras. Un nouveau-né, un beau poupon tout brun avec de beaux yeux gris-vert et des joues toutes rondes. « L'accouchement s'est mal passé » Séréna... Sa chère Séréna avait perdu la vie en donnant naissance à leur bébé.
Il était venu chez son oncle pour y trouver un peu de réconfort. Conter l'effroyable tragédie tout en sachant que cela ne le soulagerait même pas, que cela ne libérerait pas les entraves de son âme blessée par le deuil. Il était venu pour parler. Parler de son épouse et de leur enfant.
Ben le regarda tristement. Près de Ben se tenait Adam. Lui qui avait poussé son premier cri peu de temps avant que sa mère ne poussa son dernier souffle. Ben, face à cette terrible scène, voyait se dessiner quelques souvenirs du passé qu'il avait un peu enfui dans les méandres de sa mémoire.
Le silence fut enfin rompu. Will prit la parole. Tandis qu'il avançait dans son récit, des larmes se mettaient à sillonner en silence son triste visage.
"J'ai aimé Séréna plus que tout. Oui, mon oncle, je l'aimais. Elle était si différente. Tourmentée, parfois ténébreuse, parfois ingérable. Croyez-le ou pas, mais je l'ai sincèrement aimée. Oooh Seigneur, nous n'avons été mariés que si peu de temps !
"La grossesse se passait bien pourquoi cette fin sinistre. Nous étions enfin parvenus à nous libérer du passé, nous étions prêts à accueillir l'enfant qui grandissait dans son ventre. Et puis ce matin, j'ai été appelé au chevet du vieux Jeff Carsonadge. Je l'ai embrassée en lui promettant de revenir très vite, j'ai caressé son ventre si rond et si beau. Elle m'a regardé tristement, je m'en rend compte maintenant. A-t-elle senti qu'elle ne me reverrait plus jamais ? Je n'en sais rien. Mais Séréna était triste, et je ne peux m'empêcher de garder cette image en tête. Sans doute, je devrais plutôt penser à ces instants de bonheur que nous avons tant de fois partagé. Il me suffirait de fermer les yeux pour revoir son doux sourire, l'entendre rire.
"Le soir tombait quand je suis rentré. J'ai eu un gros pépin sur le chemin, mon cheval m'a désarçonné. Le travail avait commencé, quand je suis arrivé. Mais il était trop tard. Mme Wilkes était dans la chambre de Séréna. Elle tenait dans ses bras un fragile nouveau-né. Elle a levé sur moi un regard où perçait toute la tristesse de la terre. J'ai vu Séréna. Elle était étendue comme une statue de marbre sous les draps que l'on avaient remontés jusqu'à sa poitrine. Ses mains étaient jointes. J'ai lu sur son visage toute la souffrance qu'elle avait endurée au cours de la journée, les larmes qu'elle avait versées. Je me suis jeté près d'elle en hurlant mon désespoir. J'ai enfoui mon visage dans son cou. J'ai serré contre mon coeur ma bien-aimée. La priant de me pardonner de ne pas avoir été là pour la soutenir, lui tenir la main, l'entourer de mon amour jusqu'à son dernier souffle. Séréna était morte, oncle Ben ! Morte sans que je puisse arriver à temps. Elle était déjà partie... Déjà partie... Séréna a souffert, et elle était morte en m'appelant, leur dit Will. « Et je n'étais pas là. Je ne sais même pas si elle a eu le temps de voir notre enfant. » Elle est morte avant qu'on ait eu le temps de le déposer sur sa poitrine. Elle ne vit jamais son enfant...
"Je me suis tourné vers Mrs Wilkes. Elle me regardait de cet air triste qui ne l'a pas quitté depuis. J'ai pris mon enfant dans mes bras. Je l'ai gardé près de mon coeur comme le trésor que me laissait Séréna. J'ai réussi, je ne sais comment, à bénir Séréna et j'ai baptisé notre petit bébé. Ooh, Oncle Ben, c'est un horrible cauchemar ! » Ben et Adam avaient gardé un silence religieux pendant ce triste récit. Enfin, Will se tut et se retourna vers eux. Il glissa une main sous son manteau et pris un objet dans l'une des poches de son habit noir. C'était un minuscule cheval de bois qu'il avait sculpté pour son enfant. Il le gardait sur lui en permanence. Sans qu'il dise un mot ses hôtes comprirent toute l'importance du frêle objet. Will le contempla en étouffant un sanglot. Aussitôt, Ben se leva pour le soutenir tandis qu'Adam approchait un fauteuil, mais Will ne voulut pas s'asseoir ; il voulait partir. Il fit glisser de sous sa jaquette noire une fine chaîne en or dans laquelle était passé un anneau. "L'anneau de mariage de Séréna", dit-il simplement.
Il crut la voir derrière ses hôtes. Il crut voir une jeune femme au visage doux et triste tenant un bébé dans ses bras. Will partit. Ben et Adam virent cet homme brisé s'éloignant dans la nuit, sans se retourner... Mais ils le virent lever son triste visage vers les Cieux, poussant un profond soupir, il appela doucement "Séréna..."

***** Le lendemain, fut le jour des funérailles. Séréna fut mise en terre par une jolie matinée ensoleillée. Séréna Cartwright, décédée à l'âge de 20 ans, le 31 juillet 1869. Will fut étonné d'avoir encore des larmes à verser. Il lui semblait les avoir toutes épuisées. Il trouva la force de s'adresser à la communauté, il accueillit chaque famille et prononça ses premiers mots pour évoquer le parcours de vie de celle qui n'était plus. Les doigts serrés sur sa Bible, il rappela comment Dieu venait allier sa parole à la leur, son amour au leur, ses questions aux leurs, sa vie à la leur.
Il compara la vie des humains à un souffle, à la fois puissant et fragile, il la compara aussi à une fleur qui s’épanouissait et fanait. Il récita quelques vers sur la vie qui portait en elle sa grandeur, sa beauté et en même temps sa finitude. La vie de Séréna avait été belle et fragile, complexe et simple, généreuse et meurtrie. Puis il invita la communauté à se tenir dans la confiance et dans la reconnaissance pour celle dont la route s'enfouissait désormais dans la tendresse de Dieu. Ben prit le relai, voyant Will visiblement très touché. « Seigneur Dieu, Nous voulons te dire notre peine, même si nous n’avons pas trop l’habitude de te parler. Nous voulons te parler de nous et de Séréna et de ce qu’elle a été pour nous. Nous chercherons encore longtemps le visage de celle que nous avons perdu. Elle était des nôtres, et nous avons perdu cette part de nous-même. Elle nous souriait et son sourire nous manquera. Elle aimait la vie, elle nous l'a montré en choisissant de fuir l'horreur et de venir du côté de l'amour et du bien ; et sa vision de la vie nous manquera. Seigneur Dieu, nous te disons notre peine d’avoir perdu Séréna. Entends nos cœurs, reçois nos prières, nos silences, nos questions. Nous les déposons, simplement au creux de tes mains. Amen. »

*********plus tard , à Ponderosa

"Jamais je ne remplacerai Séréna, Oncle Ben. On m'a gentimment suggéré de me remarier pour donner une mère à mon fils. Mais jamais. C'est au-dessus de mes forces. Jamais je ne remplacerai Séréna. Esteban est le fruit de notre amour, je saurai m'occuper de lui. Comme tu l'as fait pour Adam après le décès de ton épouse.

***********au moment du coucher. Il revoyait Séréna, à la porte de la future chambre du bébé, il la revoyait, rêveuse, en train de caresser le bois du berceau qu'il avait fabriqué. Il s'était approché et avait posé ses mains sur ses épaules et avait répété son prénom. Il se souvenait de chacune de leurs conversations qu'ils avaient eu, celles où ils avaient évoqué différents prénoms, et puis celles où ils avaient cherché à deviner si ce serait une fille ou un garçon. Et toutes ces fois où ils avaient émis leur crainte d'être de bons parents, après tout ce qu'ils avaient vécu ; toute cette violence dans laquelle ils avaient baigné. Mais ils avaient su surmonter bien des orages ; bien des tempêtes, ils s'étaient séparés pour mieux se retrouver. Des retrouvailles souvent torrides ; à la hauteur des tourments qui les avaient tenus à l'écart l'un de l'autre pendant quelques jours. Tels des agneaux cabossés et tremblants ils avaient appris à se mettre debout et à s'y tenir, ils avaient appris à goûter à des joies simples, ils avaient une famille pleine d'amour , des amis compréhensifs, peu mais solides, un avenir prometteur et le meilleur des cadeaux offerts à un couple marié : un bébé. Un bébé, une promesse d'avenir, quelqu'un dont ils pourraient être fiers et à qui ils apprendraient le sens du mot aimer. Aimer, amour, faire l'amour, oui, et que dire de leurs tendres moments d'intimité, quand il promenait sa main sur son ventre, qu'il se mettait à le caresser comme pour bercer ce petit être qu'il y avait à l'intérieur. Il se souvenait de ces soirées où il la maintenait contre lui en posant sa main sur son ventre, il repensait à cet instant où il avait cru sentir un petit mouvement à l'intérieur.

************* Le chariot dans lequel Ben et Will voyageait s’arrêta enfin. Ben regarda son neveu d'un regard plein de mélancolie avant de descendre. Il ne sut pourquoi mais le jeune pasteur ne put le suivre tout de suite. L'homme de foi réalisa alors que ses mains tremblaient. Ben remonta dans le chariot à ce moment là et posa ses mains sur les siennes.

«Tout va bien, mon oncle, dit-il simplement. Will lança à son oncle un regard plein d’angoisse. Cela déconcerta le patriarche de Ponderosa qui lui voyait ce regard pour la première fois.

- Tu crois que la douleur s'en va vraiment, ainsi que je le dis dans mes sermons pour réconforter mes paroissiens ? demanda-t-il d’une petite voix. A ce moment, le chef de la famille Cartwright aurait pu mettre sa main à couper qu’il avait vu deux larmes silencieuses s’échapper des yeux du jeune pasteur.

- Je peux te dire que le temps diminue l'intensité de la douleur, mais ne la fait pas disparaître, il suffit d'un mot, d'une odeur, d'une image, d'un objet pour la faire rejaillir. »

Will sourit tristement car il savait que son oncle parlait sincèrement, avec ce brin de mélancolie qui était le sien. Son oncle avait perdu chacune de ses trois épouses, la maman de ses trois cousins, Adam, Hoss et Joe. Le jeune pasteur sortit donc du chariot à la suite de son oncle. Ben mit alors une main dans le dos de son neveu pour l’encourager à avancer. Ils arrivèrent bientôt devant une porte en bois à double battant. D’une main tremblante, Will l’ouvrit. L’ouverture laissa apparaître des dizaines de tombes, Son oncle l’entraîna vers la tombe la plus récente ; Le prénom de Séréna y était gravé à côté d’une fleur de genet également gravée dans le bois. Hoss et Joe avaient sculpté cette tablette. Will s’agenouilla devant la sépulture et la caressa de la main. Des larmes n'en finissaient plus d'emplir ses yeux lorsqu’il pensait à tout ce que son épouse aurait pu lui apporter.

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En réponse au défi

Amour gaché ou brisé

Pour ce défi, vous devez raconter l'histoire d'un amour gaché ou brisé. Il n'y a pas d'autres indications. Faites marcher votre imagination ! Essayez de nous faire vivre le moment comme si on était dans l'histoire.

Bonne Chance !

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