Arrête de pleurer ! je viens te sauver ! Part 2
- Mais sérieux ! Je foutais quoi avec ses fringues ! Pas étonnant qu’ils voulaient me tuer. Je ressemblais à rien avec ça ! se plaignit le jeune homme qui se mordillait le pouce.
Debout sur sa barque, il garda l'équilibre d'un pied ferme, mirant l'horizon avant de tourner la tête sur sa droite, où il aperçut deux vagues non négligeables lui filer dessus.
- Ha haha… Venez ! Je vous attends ! Bandes de vaguelettes de pacotilles, menaça le jeune homme tel un fou, alors que toutes ses inquiétudes disparaissaient à mesures qu’elles se rapprochaient.
La plus petite des vagues, dénuée de vigueur, succomba avant d'arriver à lui. Quant à la seconde, elle s’avançait à toute rompe. Comme si rien ne pouvait lui résister. Décidé à le malmener lui et son embarcation. Elle s’approchait de lui et semblait grossir, comme si une force mystique la rendait plus forte et plus résistante. S'ensuivit un terrible combat. L'eau s'engouffra de part et d'autre dans le bateau, tandis que Loukïan cherchait à garder son équilibre. À se balancer tel un singe toutefois, il perdit en stabilité, glissa en arrière et se heurta le crâne contre le rebord. Puis, sans une once d'agacement, il gloussa, sa langue serrée entre les dents :
- Ah ! Bah ça n’fait pas du bien ça !
À peine en contact avec la mer, qu'une vive explosion se créa. Un champignon atomique d'eau, d’une force surhumaine qui s'éleva jusqu'aux nuages.
Semi-conscient, pour son compte, il ne semblait toutefois pas vouloir émerger. Et ce, en dépit de l’effort fourni pour battre bras et gambettes dans une parfaite décoordination.
Il restait là, à couler et ingurgiter de l’eau, alors qu’il se débattait, telle une enclume. Perdu au cœur de ce vaste monde maritime gorgé de milliers mystères. Il redoubla, tripla puis quadrupla d’efforts, jusqu’à parvenir à rejoindre la surface avant que ses dernières forces ne l’abandonnent.
Sans même le voir arrivée, se dessina, au loin dans les vapeurs, l’ombre d’un galion des forces maritimes. Un trois mats imposants faisant cap en sa direction, alors qu’il se hissait encore à grand peine sur sa barquette pour s'y agripper des tous ses membres écartés, au risque de ressembler à une étoile de mer cramponnée sur son rocher.
Toussant pour désobstruer sa trachée du liquide qui s'y était engouffré, Loukïan, trempé jusqu'aux os, pu enfin grogner son mécontentement, il se releva avec peine en essayant de trouver équilibre sur son navire, lorsque cela fut fait, il fit trois pas, puis il entama des allées et venues agitées, alors qu'il se perdait dans un monologue en gesticulant expressivement :
- Non mais… Tu te rends compte ? Il était à ça de m'engouffrer dans sa gueule ! Argh ! Stupide poisson ! exposa-t-il à la proue, démontrant l’espacement entre le pouce et l’index.
Agacé, bras croisés, il tapa du pied, à l'instant où il souleva les yeux et entrevit l'ombre du galion dirigé sur lui. D'un bond, il se ressaisit et l'observa avec attention un court moment, sans vraiment y prêter d'intérêts. Au point qu'il finit même par volter les épaules et s'adresser une fois de plus, toujours aussi irrité, à la proue de sa chaloupe.
- Pff... De toute façon, ça ne sert à rien de discuter avec toi !
- Pourquoi ? Parce que vous avez compris que vous étiez totalement ridicule ? ...Enfin ! rétorqua une femme pour le charrier, bien qu’elle ne semblât guère présente sur l’embarcation.
- Rien à voir avec moi ! C'est juste qu’on ne peut pas avoir de discussion avec toi ! T’es si irritante ! ça en devient agaçant ! Tu ne peux pas réagir normalement ? sortit-il, mains tendues face à la proue.
- Oh ! Pauvre petit poisson ! Lui gardera la pense vide alors que moi, je n'aurais même pas une once de paix, nargua-t-elle dans un parfait snobisme, c’est mieux ?
Le bateau tangua, provoqué par les agitations de la jeune femme qui poursuivit son mélodrame et laissa sa silhouette se dessiner dans les vapeurs provoquées par l’explosion survenu auparavant. Une brume qui peu à peu s’éparpillait au gré du vent pour laisser passer les rayons du soleil qui se remirent à miroiter sur les flots.
- Mais qu'ai-je-fais pour mériter cela ? Moi ! Laïla Romanovsky. Un pur esprit de si bonne famille.
- C'est bon, t'as fini de bêler comme une vieille chèvre dirigée à l’abattoir ? répliqua Loukïan d’une voix plus grave.
- Oui... c'est bon, affirma-t-elle d’une tonalité imitée.
- Cool ! Mes oreilles vont enfin s’arrêter de saigner, renvoya le jeune héros sans enthousiasme, ses yeux rivés sur la proue.
Quand enfin cette supposée « charmante » Laïla cessa ses jérémiades. D’étranges sons se propagèrent au cœur de l’océan. Des fracas de bouts de bois qui s’entrechoquaient les uns les autres dans une cadence régulière, malmenés par les vagues qui ne cessaient leur danse frénétique. Fait qui obligea Loukïan à plonger son regard vers l’horizon. Choqué d’y percevoir un tronc d’arbre et autres menus monceaux de bois voguant aux grés des remous.
- À bah tiens ! Qu’avons-nous là ? Un simple bout de chêne voyageant si loin de sa forêt natale ! Un phénomène incroyable qui devrait tout à fait vous surprendre, mon « cher » Loukïan, lança Laïla, tout en lui administrant des coups de poings sur le haut de son bras, au point de le déséquilibré.
- Tu n’es vraiment pas très observatrice ma chère Laïla, heureusement que c’est encore moi qui tiens la barre, sinon, avec ton sens de l’observation, nous nourririons les requins, que tu aurais sans nul doute confondu avec un sac à main, renvoya-t-il pour se défendre.
- Hahaha, vous êtes d'une si profonde inculture ! C'en est presque décevant, mon cher Cap'taine ! Sachez que les sacs à mains se font grâce à la peau de crocodiles ! informa l’esprit.
- M'ouais, crocodiles, chameaux, dauphins ou mammouth... qu'importe ? ça reste un sac. Et comme j'essayais de le dire, avant que tu ne te mettes à glousser comme une oie : si tu observais avec plus d'attention, tu aurais peut-être remarqué cette frêle main mécanique agrippée au tronc ? C'est bien une main si je ne m'abuse ? expliqua-t-il en enlevant l’invisible bras de Laïla, accoudé sur son épaule.
- Vous avez l’art d’un grand guerrier, souffla Laïla impressionnée par son Capitaine, alors qu'elle scrutait cette main robotisée à peine perceptible à une telle distance.
Face à leur regard intrigué, une femme se laissait entraîner par la mer agitée de l’après-midi, suspendue par son bras gauche au rondin pour se maintenir à flot. Semi-dévêtue, bouche plongée dans l’eau, elle haletait avec difficulté, crachant le liquide saline qui s'engouffrait dans sa cavité buccale.
Ses yeux fatigués miraient avec peine les rayons du soleil, qui jouait avec la brume, et se projetait dans sa rétine bleu turquoise. À chaque dandinement de l’eau salé s’abattait contre ses yeux. Ainsi elle avançait, en dépit d’une respiration affaiblie. Elle avançait, cherchant à échapper à sa tragique destiner qui semblait déjà toute tracée. Mais au détriment de ses bonnes volontés, elle lâcha prise avant de parvenir à la barque de Loukïan.

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