Chapitre 1

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Alors que je descendais le grand escalier qui menait au rez-de-chaussée, une hésitation me stoppa. D'un geste machinal, je glissais la main dans mes cheveux, m'assurant par là qu'aucune imperfection ne viendrait entacher mon apparence. Tout semblait en ordre, mon serre-tête était correctement mis, de même que mes boucles d'oreilles, celles en or que Lucas m'avait offertes lors de mon quinzième anniversaire. Aucun pli sur ma robe bleue. Tout semblait en ordre.
Alors je finissais de descendre les dernières marches, sous le regard admirateur des occupants du salon.

-Eliana, tu es resplendissante.

Mon père vint immédiatement à ma rencontre, un verre de champagne à la main. Tout en me le tendant, il me conduisit à la rencontre des invités. Catherine Caldwell était assise sur le canapé aux côtés de ma mère, toutes deux discutant probablement de l'un de leurs sujets de prédilection, à savoir quelque commérage qui ne méritait généralement pas qu'on s'y attarde. En face, qui s'étaient levés, Roy Caldwell, l'air toujours aussi sûr de lui, et leur fils, Lucas. C'est sur lui que mes yeux se posèrent d'emblée. Et avec eux un sourire que je ne pouvais pas dissimuler. Je tentais de décrypter dans son regard le quelconque signe d'un défaut. Mais bien vite, il me rendit mon sourire, et mes craintes se dissipèrent.

-Je dois dire que votre père ne rend pas honneur à votre beauté, mais je ne vois moi-même aucun mot qui saurait la décrire plus justement, commença Roy Caldwel en baisant ma main.

Il avait cette tendance à toujours tout exagérer, bien que cette fois-ci je n'aie aucune raison de le lui reprocher. Mais c'était surtout de Lucas que j'attendais quelque mot. Pourtant, il se contenta de faire un signe de tête en guise d'approbation, avant de se rasseoir. Certainement, essayai-je de m'en convaincre, motivé par quelque timidité dictée par la présence de ses parents.

-Maintenant que nous sommes tous réunis, dit mon père, la bouteille de champagne ouverte entre les mains, il est temps de porter un toast en l'honneur de ce magnifique couple qui nous fait tant honneur.

Il se tourna vers nous.

-Depuis que vous êtes tout jeunes, il n'a jamais fait aucun doute que vous étiez destinés. Je me rappelle, quand vous étiez enfants, lorsque vous simuliez votre mariage. Nous vous regardions depuis l'autre bout du jardin, et tout paraissait si évident. Et vous voilà maintenant.

Il me prit la main, et sembla encore davantage satisfait.

-Eliana, ma chérie. Demain, tu entameras ta dix-huitième année. Alors ce mariage, qui n'était qu'un rêve, pourra devenir réalité. Tu as trouvé l'homme qu'il te fallait, et en tant que père, je ne puis être plus heureux que de voir mon unique fille comblée, avec ce qu'il y a de meilleur.

Aussitôt, chacun leva sa coupe. Je fis de même, comblant de mon sourire le vide que m'inspirait le regard perdu de Lucas, la bouche figée dans une expression entre perplexité et ennui. Et même si j'espérais encore, du fond de mon cœur, qu'il était toujours le même, toujours ce beau jeune homme aux yeux pétillants à chaque fois qu'ils me voient, j'avais bien compris qu'il en était autrement. Une sorte de lassitude l'avait désormais envahi, et ma présence à ses côtés ne lui inspirait plus, en apparence au moins, qu'un désintérêt complet.

Le reste de la soirée finit comme elle avait commencé : mère et son amie continuaient leurs potins mondains, père et le sien discutaient d'une affaire économique, et Lucas et moi, assis à côté l'un de l'autre, n'échangions que des banalités. Et chaque fois que je le regardais, mon estomac se nouait un peu plus. Car s'il ne me voyait plus de la même façon, je n'avais jamais cessé d'être persuadé qu'il était celui avec qui je finirai ma vie.

Au milieu d'une de nos conversations, je lui pris la main. S'il se laissait faire, il ne laissait cependant rien transparaître, et j'aurais tout aussi bien pu poser ma paume sur la table qu'il aurait réagi de façon similaire.

-Lucas, tu sais que je t'aime ?

-Moi aussi Eli. Bien sûr que je t'aime.

Pourtant, quelque chose au fond de lui semblait trahir l'assurance de l'intonation avec laquelle il le dit.

-Rien n'a changé entre nous ? Tu me le dirais, n'est-ce pas ?

-Evidemment ! Il n'y a toujours eu que toi, et il n'y aura jamais que toi.

Pour la première fois de la soirée, il passa sa main sur mon épaule, et m'attira vers lui. Pour la première fois de la soirée, il me démontrait un peu d'affection. Il déposa un baiser sur mes lèvres, doux et léger à la fois, agrémenté de l'arôme fruiteux du Dom Pérignon. Je posai ma tête sur son épaule, la position que je préférais, tandis que sa main continuait à caresser délicatement ma nuque.

Lorsqu'ils partirent, au 12ème coup de minuit, mon père s'en retourna, satisfait, dans son bureau. Je l'y suivis.

-Papa, je dois te parler de quelque chose.

-Je suis tout ouïe ma fille. Comment puis-je t'aider après cette délicieuse soirée ?

-C'est justement à ce propos. N'avez-vous pas remarqué quelque chose de différent à propos de Lucas ?

Mon père me regarda d'un coup d'un air plus grave.

-De quoi veux-tu parler ?

-Il me semble que depuis quelques temps, son attitude a changé. Il n'est plus du tout le même. J'ai essayé à plusieurs reprises d'évoquer ça avec lui, mais il refuse à chaque fois, et change de sujet aussitôt.

Mon père garda un instant le silence, me regardant d'un air vide, tout en faisant cette petite moue qui lui venait inconsciemment lorsque quelque chose le tracasse.

-Je pense que tu te fais des idées ma chérie. Il t'aime toujours autant, mais doit commencer à paniquer un peu à l'idée que le mariage se rapproche aussi vite.

-Et s'il ne m'aimait plus ?

Mon père se leva de son fauteuil, et vint immédiatement vers moi.

-Tous les hommes sont les mêmes. L'idée des responsabilités, de ce changement complet, de toutes ces nouvelles contraintes ; tout ça marque un tournant dans notre vie, et nous sommes nombreux à avoir été exactement comme il l'est.

-Mais père...

J'hésitai à continuer ma phrase.

-S'il ne m'aimait plus ?

-Ecoute Eliana.

Il reprit son souffle, et son air sérieux laissa place à un ton plus sombre.

-Les affaires vont mal en ce moment. Nous sommes en plein accord avec Roy, et il ne faudrait surtout pas que quelque chose fasse tout échouer. Tu comprends ?

Je comprenais parfaitement. Je fis un simple "oui" de la tête, trop lasse pour dire quoi que ce soit.

-Parfait. Alors pour répondre à ta question, s'il ne t'aime plus ? Fais tout ce que tu peux pour qu'il retombe amoureux.

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