Cheshire cat : black hat

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Tout est si vide. Les rues, les regards, les gens. La ville est noire de monde, mais personne n’y vit. Pas un ne respire. Ils sont tous en train de courir dans tous les sens, sans but, sous le ciel gris qui les écrase. Ils n’ont rien. Ils sont faux, si faux… Ils ne sont que mensonges. Je le vois derrière leurs masques. Et je souris.

Seul au milieu de la foule. J’en rirais si c’était drôle. Hélas, qu’y-a-t-il d’amusant dans ce néant ? Ils ont des yeux, mais ne voient pas. Ils ont des oreilles mais n’écoutent pas. Ils ont des bouches scellées. Ils ont des cœurs qui ne battent pas. Un souffle les ferait s’évanouir dans la brume des illusions. Si pathétique… Si futile. Et ils courent, comme les lapins qui fuient devant le renard. Comme les antilopes devant le lion, bondissant, jusqu’à ce que le premier petit faux-pas les tue. Ils ne doivent pas trébucher.

Cours, petit automate ! Cours, jusqu’à ne plus pouvoir respirer, jusqu’à ce que ton dernier souffle ne parvienne même plus à pénétrer tes poumons ! Cours jusqu’à ce que les os de tes jambes se brisent dans le froid glacial ! Fuis le vent, la neige et les nuages ! Fuis les flammes de l’aube, fuis les ombres du crépuscule, et tremble devant les cauchemars des nuits sans étoiles. Ne vois-tu pas ce ciel vide au-dessus de toi ? Non. Bien sûr que non ! Tes yeux sont aveugles ! Que tu es ridicule, à errer sans fin dans ce monde que tu ne comprends pas. La lune te regarde, et le soleil se moque. Il ne manque que les étoiles, mais elles sont parties. Disparues, envolées, lassées de ce spectacle incessant. Et la ténèbre t’observe depuis son petit recoin protégé de la lumière. Pars avant qu’elle ne t’attrape ! On ne sort jamais de la ténèbre. Quoique tu n’as rien à perdre… N’est-ce pas, pantin de fer blanc ? Qu’as-tu à craindre de ce que tu ne distingues pas ? Contente-toi d’avancer.

J’écarte les buissons, les précipices, les bêtes sauvages, les mauvais rêves. Le chemin est semé d’embûches mortelles. Ce ne sont que des mensonges. Les illusions ne me blessent plus. Clos ton bec, corbeau prophète ! Tes malheurs ne m’effraient plus ! Envole-toi loin de moi. Quitte cette branche qui pourrit sous tes serres. Je ne veux pas t’écouter. Plus jamais. Jamais plus. Corbeau noir qui se fond dans la nuit, sors de mes songes ! Je ne souris plus. Je vais t’arracher chacune de tes plumes, si tu ne t’effaces pas. Je te ferai taire.

Prend-toi en plutôt à ces marionnettes privées de fils qui grouillent sur le bitume. Elles ne t’entendent peut-être pas, mais elles te craignent. Murmure-leur leurs peurs. Susurrent-leur la noirceur du monde dans leurs têtes. Et leurs pupilles deviendront ternes. Mais ils n’ont pas d’yeux. Ils n’ont plus rien, et tu n’as plus que moi… Tu as peur que je meure, n’as-tu pas ? Que deviendrais-tu, si personne ne t’entendait ? Tu cesserais d’exister. Et tu trembles, petit corbeau ! La peur de perdre sa raison d’être. Ne t’inquiète pas. Je serais toujours là, un rictus éternel sur mes lèvres, à me moquer de ce vide qui me ronge peu à peu. Je n’attends plus que la mort, mais elle peut patienter encore longtemps. Je n’ai pas encore assez ri.

Adieu, ombres confuses. Adieu, nuits sans lumière. Je vous tourne le dos. Je m’en vais aujourd’hui. Je m’en vais à jamais.

Adieu, petit automate. Adieu, petit corbeau. Continue de croasser, si tu le peux encore. Peut-être t’entendrais-je à nouveau.

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