Jenjen - Le Mur de Glace

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Dans le tourbillon de son jeune esprit arrivèrent en trombe des étendards royaux tenus par de grands chevaliers blancs, de jeunes servantes lascives qui l’appelaient de leur voix de sirène, des mages puissants déversant des torrents de magie sur les hordes démoniaques, des redoutables volées de flèches enflammées prenant leur essor, un grand guerrier à la hache dévastant les rangs ennemis, un mur de glace … Un mur de glace. Un mur de glace qui masquait un grand brasier. Un mur de glace qui étouffait des cris de douleur.

Il le frappait de toutes ses forces avec autant de succès que lors de son dernier rêve. La glace était aussi dure que la pierre et ses coups ne laissaient pas une seule eraflure. Il était à l’agonie de ne pouvoir venir en aide à sa famille. 

Soudain, il sentit une présence sur sa gauche. C’était comme si elle avait toujours été là, mais qu’il n’en avait jamais pris conscience. Il tourna la tête, mais l’individu restait inexplicablement à la limite de son champ de vision. Il lui sembla pouvoir détailler une silhouette noueuse, pas vraiment gracieuse. Elle s’exprimait dans la langue des humains, mais de façon gutturale.

— Glace plus forte que Homme. Si donner coup à Glace, Glace donner coup à main d’Homme. Mais Glace pas connaitre Douleur, Homme lui connaitre. Et Famille meurt.

Jenjen acquiesça dans son rêve, comme un disciple après une leçon de son Maître, d'une façon tout à fait spontanée. Il se remit face au mur et le contempla. Effectivement, il était stupide d’essayer de le frapper. Il ne gagnerait qu’à se casser la main. Il imagina un énorme marteau comme celui qu’il avait vu dans la forge de Grenn, et celui-ci apparut dans sa main. Il commença à frapper le mur. Sans résultat probant. L’étrange être rit.

— Bonne idée, mauvaise idée. Glace plus résistante que Homme. Glace pas connaitre Fatigue, Homme lui connaitre. Et Famille meurt.

Le jeune garçon observa de nouveau le mur. Ses coups de marteau avaient à peine entamé la glace. Il chercha une autre idée pour traverser ce mur. En vain. De désespoir, il s’appuya sur le mur paume en avant, la tête pendante entre ses bras, fixant le sol. Il commença à pleurer. La créature rit de nouveau.

— Homme faible. Larme est Eau. Glace est Eau. Toi pleurer, toi ajouter Glace. Et Famille meurt.

Jenjen ravala ses sanglots, vexé, et raffermit sa volonté. Il continua à chercher une solution qui ne venait toujours pas. Son esprit vagabonda et il se remémora la discussion qu’il avait eue avec Adhan au sujet de sa famille, toutes les anecdotes lui revinrent en mémoire. Puis le feu dans l’étable. Puis les flammes autour de son frère qui fuyait. Puis la fournaise de laquelle nul n’avait réussi à s’échapper. Et enfin le visage riant, dément, du maudit responsable. Il ferma les yeux de rage.

Il ne sentit qu’après quelques minutes que ses chausses étaient trempées. Il rouvrit les yeux et effectivement, ses pieds baignaient dans une flaque d’eau. Il recula et constata avec étonnement que le mur suintait et goutait là où il avait posé les mains. Il les regarda. Elles étaient chaudes et une légère aura les entourait. Il les posa de nouveau sur le mur qui se mit à se vaporiser doucement à son contact. La silhouette poussa un soupir d’approbation.

— Mmmh, Homme doué. Pour vaincre Force, trouver Faiblesse. Pour vaincre Glace, trouver Feu. Maintenant Famille mourra … peut-être.

Jenjen se réveilla en sursaut et s’assit sur le lit. Le lit ? Autour de lui, quelques meubles de bois grossiers, une fenêtre à demi ouverte par laquelle filtrait la lumière du jour et la rumeur d’une ville. Ce ne fut qu’au bout de quelques minutes, après que ses yeux se soient habitués à la pièce, qu’il aperçut Adhan se balançant sur une chaise dans un coin. Il devisait avec un être étrange, noueux et pas vraiment gracieux, dans une langue gutturale. Ils semblaient rire de bon cœur. Le garçon toussa pour les interrompre poliment.

En l’entendant, ils stoppèrent net leur conversation et se levèrent. En approchant, Jenjen fut bouche bée. Orc. Le vieux discutait paisiblement avec un orc, ils semblaient même être très bons amis. Adhan, avec une familiarité qui semblait inhabituelle aux yeux du jeune garçon, lui posa une main sur l’épaule, et le gratifia d'un grand rire tonitruant à la vue de sa mine déconfite.

Jenjen, je te présente Grünkbarg. Bienvenue à Ogroon.

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