La fille aux cheveux de jais

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New York, 2015

Une grosse soirée bat son plein dans un appartement bondé du Lower East Side. Des corps se frôlent sur le rythme effréné du morceau "Can't Feel My Face" de The Weeknd. Des rires éclatent ici et là, l’odeur du whisky bon marché se mêle aux effluves sucrées de parfums trop forts. Parmi la foule dansante, Wayan Hunter, un jeune afro-américain élancé, sportif de l’université de New-York, est adossé contre le comptoir de la cuisine, observe la foule avec un détachement feint. Il n’aime pas vraiment ce genre de fêtes, mais son colocataire l’a traîné ici en insistant que “sortir un peu lui ferait du bien”.

— Sortir me ferait du bien, mon cul.

Il fixe avec mépris son colocataire Adonis, tout collé-sérré avec son ex Victoria, tous deux en train de s’adonner à une danse sensuelle, presque sexuelle. Victoria, une brésilienne d’une beauté insolente, était une peste toxique avec qui Wayan a eu beaucoup de malchance. Elle était possessive, mal lunée, très conne, capricieuse au lit. Trop pourrie gâtée, du genre très fille à papa. Une bobo qu´il ne pouvait plus supporter. Rien que pour ça, il voulait quitter la soirée. Il continue d’observer la foule, pris une gorgée de son eau pétillante au citron, de faire la gueule.

— Allez Wayan, viens danser putain ! Dit Adonis en montrant du doigt le cul de Victoria.

— C’est ça, compte là dessus. Répond Wayan en lui lançant un doigt d'honneur.

Il en a marre, Wayan veut rentrer. Venir à cette soirée était une mauvaise idée. Il n'est pas dans le mood. De plus, il a un cours de droit très important le lendemain. Il ne pouvait pas se permettre de rester dans une soirée où il se sent comme un étranger.

Malheureusement, il ne peut pas s'éclipser de la fête : c'est Adonis qui a les deux jeux de clés de leur appart étudiant. Wayan peut toujours courir s'il croit que son coloc et meilleur pote va les lui donner. Il est condamné à passer toute la nuit dans l'appart de son ex. Son envie de fumer le reprend subitement.

Il est sur les nerfs, a besoin de se calmer. Il se dirige vers le balcon, tirer trois ou cinq taffes lui fera le plus grand bien. Il y est enfin. La douce brise de la nuit new-yorkaise suffit à le rendre un peu moins aigri. Il sort son briquet et son paquet de cigarettes. Wayan peine à faire apparaître une flamme pour s'en griller une. Merde. Il sent que son briquet manque de gaz. La poisse.

D'autres personnes investissent le balcon. Ça le saoule, il retourne à l'intérieur et reprend sa place de tout à l'heure dans la petite kitchenette ouverte, adossé au comptoir, comme un loup solitaire. Il se remet à observer la fête qui bat son plein sans lui. Ce n'est pas les belles femmes qui manquent d'ailleurs. Wayan a l´embarras du choix. Une nouvelle relation pour oublier l'infâme Victoria.

Mais ça ne lui dit rien pour le moment. Il sort de rupture. La dernière chose qu'il voudrait faire, c'est se remettre en couple maintenant. Il va embrasser son nouveau statut de célibataire, au grand dam d'Adonis, qui veut arranger les choses entre son meilleur pote et la pinbêche superficielle.

Il continue d'observer les faits et gestes de tous, comme une tour de contrôle, surveillant si tout se passe bien. Et puis, non loin de sa position, il pose ses yeux sur cette mystérieuse jeune fille aux cheveux de jais. Elle est assise sur un fauteuil en velours bordeaux, une jambe croisée sur l’autre, une coupe de champagne à la main.

Elle ne ressemble à personne d’autre, surtout pas à Victoria. Cette fille... est au-dessus de la mêlée. Les autres mangent le sol face à sa beauté stratosphérique. Une rose rouge empoisonée, si on l'approche de trop près. Tandis que les autres s’agitent, ivres et bruyants, elle rayonne par son calme insolent, comme si elle appartenait à un autre univers.

Sa robe noire courte épouse son corps à la perfection, ses longs cheveux sombres tombent en cascade sur son épaule, légèrement ondulés. Mais c’est surtout son regard qui captive Wayan. Glacial. Percutant. Implacable. Direct. Intimidant. Impossible à détourner. À cerner. Mais putain, qui est cette fille ?

Elle croise enfin son regard. Mais au lieu de détourner les yeux comme l’auraient fait la plupart des gens, elle le soutient avec un sourire indéchiffrable. Un sourire qui dit : “Vas-y, viens. Ose.” Curieux, intrigué malgré lui, Wayan quitte son coin d’ombre et s’approche d’elle. Il se sent comme attiré par elle, une force d'attraction trop puissante pour lui, un simple mortel. Elle, c'est une Déesse grecque.

— Tu as l’air de t’ennuyer, je me trompe, dit-il en s’accoudant nonchalamment à l’accoudoir du fauteuil.

— Nous sommes dans le même bateau il me semble, répond-t-elle, son regard scrute les détails de son visage comme si elle voulait en deviner les secrets.

— Touché.

Elle boit une gorgée de champagne avant d’incliner légèrement la tête.

— Je parie que tu es du genre à analyser les gens, à te demander ce qu’ils cachent derrière leur sourire.

Wayan hausse un sourcil, amusé.

— Je fais des études de droit. L’observation, c’est un peu mon truc.

— Intéressant… dit-elle en effleurant le rebord de sa coupe du bout des doigts. Alors, qu’est-ce que tu as observé sur moi ?

Elle vient de lui poser un défi. Et Wayan adore ça. Il la détaille une seconde avant de répondre, un sourire en coin.

— Tu es trop élégante pour ce genre de soirée. Trop posée. Je dirais que tu es ici par curiosité, pas par envie. Tu regardes tout le monde comme si tu étais au-dessus du jeu, mais en réalité… tu t’ennuies. Tu cherches quelque chose de plus excitant que cette soirée de merde.

Peggy hausse légèrement les sourcils, mais son sourire s’élargit.

— Pas mal, murmure-t-elle. Mais tu as faux sur un point.

— Lequel ?

Elle se penche légèrement vers lui, si près qu’il peut sentir son parfum. Une senteur enivrante, boisée et sucrée à la fois.

— Je ne cherche pas quelque chose, souffle-t-elle. Je cherche quelqu’un. Et je crois... que je l'ai trouvé.

Wayan avale sa salive nerveusement. Elle se redresse, finit son champagne d’un trait avant de poser sa coupe sur la table basse.

— Viens, dit-elle en tendant la main.

— Où ça ? Pas que je ne veux pas te suivre, mais où m'emmènes-tu ? demande-t-il, un sourire joueur aux lèvres.

— Je veux découvrir si tu es aussi intéressant que tu en as l’air.

Il hésite une fraction de seconde, puis finit par prendre sa main.

— Ok, allons-y.

Wayan ne comprend pas ce qui lui arrive. Il tient la main de cette magnifique étrangère, prêt à plonger dans l'inconnu avec cette mystérieuse jolie créature. Tout s'est passé si vite. Mais peu importe. À cet instant précis, Wayan se laisse pousser des ailes. Il retrouve le sourire, même s'il est terrifié de connaître ses véritables intentions. Qu'attend t-elle réellement de lui ?

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