Chapitre 17
Zola
Evidemment que tout ça était trop beau pour durer. J’avais baissé la garde, me pensant enfin tranquille, en paix sur mon île avec Orion, Ash et Tahnee. Il devait le sentir quand je m’autorisais à respirer pleinement, à être heureuse. Il avait un radar directement relié à mon inconscient, je ne voyais pas d’autre explication. Il avait une fois de plus trouvé le moyen de me contacter. Je n’étais pas sur les réseaux sociaux, j’avais changé de numéro de téléphone, personne à part mon employeur ne savait où j’étais, il était blacklisté de mes mails. Mais cet enfoiré avait trouvé un moyen. J’apparaissais sur l’organigramme de l’entreprise qui m’employait. Je ne savais pas quels moyens il avait employé, mais le fait était là. J’avais un mail de lui, via mon adresse professionnelle. Un frisson désagréable dégringolait le long de mon dos, mes paumes devenaient moites et ma respiration hasardeuse. J’avais disparue de sa vie sans laisser de traces, du moins je le croyais, changé de ville, de travail. J’avais même mis un putain d’océan entre nous. Je m’étais exilée sur une île déserte. Je pensais sincèrement avoir fait tout ce qu’il m’était possible de faire pour recommencer ma vie loin de lui. Je croyais avoir trouvé mon équilibre ici, enfin. Mais en quelques mots il avait tout ravagé. Il avait suffit que je lise « Ma petite chérie » pour que tout s’écroule. Ce surnom qu’il me donnait, mignon en apparence mais qui contenait tellement de fiel. Je détestais vraiment l’emprise qu’il avait sur moi. Je me retrouvais immédiatement dans le même état de mental que trois ans auparavant. Orion et Ash ne devaient pas me voir comme ça. Je refermais brusquement mon ordinateur. Il fallait que je sorte, l’impression d’étouffer était à la limite du tolérable. Je me précipitais vers le sas, mais Orion m’intercepta.
- Où est-ce que tu cours comme ça ma jolie ? Tout va bien ?
- Oui, oui ne t’en fais pas. J’ai un capteur qui déconne je vais aller vérifier ça.
- Je t’accompagne.
- Pas la peine je n’en ai pas pour longtemps, si tu nous préparais un petit goûter en attendant ?
- Gourmande va ! Qu’est ce qui te ferais plaisir ? Des cookies ?
- Tu sais me parler mon petit cœur ! A tout à l’heure !
Je me précipitais dans le sas sans attendre sa réponse. Je m’emmitouflais convenablement et pris la direction non pas des capteurs, mais de la plage. J’avançais aussi vite que la neige me le permettait. Arrivée au bord de la falaise je me laissais tomber à genoux et hurlais à m’en faire saigner les poumons. Le vent emportait mes cris de détresse, semblables à des lambeaux de mon âme maltraitée par cet homme. Le froid polaire gelait mes larmes. En bas, la mer déchainée faisait écho à mon esprit tourmenté. J’avais de nouveau l’impression d’être prise dans des rouleaux d’une mer démontée et de ne pas réussir à remonter à la surface pour prendre une bouffée d’air. Quelques phrases de sa part et je suffoquais de nouveau. Soudain, je sentis un corps enveloppé le mien. Le cèdre et l’orange emplirent mes sens malgré le vent. Ash. Moulé contre mon dos, il enserrait mon corps de ses grands bras, me serrant fort comme pour éviter que je ne me brise entièrement. Je respirais mal, les sanglots étant trop rapprochés, l’angoisse trop resserrée. Je tapais sur ses bras. Aussitôt il me relâcha. Je tombais au sol, sans force, le souffle coincé dans ma gorge. Il s’allongea face à moi, ouvrit mon manteau et glissa sa main sous toutes mes couches, entre mes seins, au plus près de mon cœur. Sa main douce et chaude. Il attira mon regard.
- Respire ma douce.
Il dû lire la panique et la peur dans mon regard car il s’approcha encore, son nez frôlant le mien.
- Prends mon souffle si tu en as besoin, mais je t’en prie respire. Tu n’as pas besoin de me dire quoi que ce soit si tu n’en as pas envie. Tu peux encore crier, pleurer. Tout ce que tu veux tant que tu me laisses être à tes côtés. C’est à mon tour de te rattraper.
Sa voix, son souffle et sa main qui se contractait légèrement sur ma peau, m’aidèrent à reprendre pied. J’étais seulement capable de lui offrir un léger hochement de tête. Ce qui lui suffit. Il nous redressa, je me retrouvais sur mes pieds sans trop savoir comment. Il referma mon manteau. Sa main me manquait déjà, il y avait désormais comme un grand froid à l’endroit où elle n’était plus. Il me tenait fermement la main et nous ramena au sas. Cette fois, c’est lui qui m’aida à me défaire de mes affaires. Je me laissais faire, vide et épuisée. Orion se précipita vers moi dès que nous franchîmes la porte. Il me serra fort lui aussi. Il sentait le cookie. Je me laissais aller à cette étreinte, ma main toujours dans celle de Ash.
- Qu’est ce qui t’es arrivé ma Zola ? J’étais super inquiet, je suis allé te chercher aux capteurs mais tu n’y étais pas.
- Je… je n’ai pas envie d’en parler maintenant. D’accord ? Je suis désolée de t’avoir inquiété.
Orion qui comprenait toujours tout, déposa un tendre baiser sur mon front. Je failli éclater en sanglots une fois de plus. Ash me serra la main et m’entraîna vers la chambre.
- Je m’occupe d’elle.
Il m’emmena jusqu’à la salle de bain. Il ouvrit la cabine de douche et ouvrit l’eau chaude à fond. Puis il commença à me déshabiller. Cette fois mon esprit sorti de sa torpeur.
- Qu’est-ce que tu fais ?
- Tu es restée trop longtemps dehors Zola, tu es gelée. Tes lèvres sont bleues et tes doigts tous raides.
Je ne m’étais même pas rendue compte du temps que j’avais passé dehors. Ash m’avait enlevé mon pull, mon sous pull thermique et s’attaquait à mon débardeur. J’eu un sursaut de pudeur.
- Attends, stop, ne fait pas ça. Je vais me débrouiller, tu peux sortir, merci.
Il se redressa devant moi, les bras croisés sur son torse.
- Pourquoi tu refuses mon aide ?
- Tu m’as suffisamment aidé, je t’en remercie, mais tu ne vas pas me déshabiller.
- Pourquoi ?
- Je peux le faire moi-même. Sort-s’il te plaît.
- Non.
- Non ?
- Tu vas me dire pourquoi tu refuses mon aide, la vraie raison Zola !
- Je n’ai pas envie que tu me déshabille !
- C’est des conneries ça !
- C’est inconvenant !
- Essaye encore.
Il avait approché son visage du mien, me défiant du regard. Je n’arrivais pas à réveiller ma colère. J’avais beau essayer de toutes mes forces, impossible. Je savais parfaitement qu’il voulait juste m’aider. Alors je baissais la tête et murmurait mon horrible vérité.
- Je ne veux pas que tu me vois nue.
- Alors pour commencer je ne suis pas un pervers qui veut abuser de la situation, je t’aurais laissé tes sous-vêtements. Deuxièmement quel est le problème avec ton corps ?
Il venait vraiment de poser cette question ? Interloquée, je braquais un regard perdu vers lui. Sentant que ma réponse ne viendrait pas si facilement il soupira et commença à se déshabiller lui aussi. Je m’étranglais.
- Mais qu’est-ce que tu fabriques ?
- Je nous mets à égalité.
Evidemment il avait tout compris. Il savait que je n’étais pas à l’aise avec mon corps. Tout comme lui ne l’était pas avec le sien. Tendu, il se dévêtit rapidement, ne gardant que son caleçon. Je détournais le regard, rougissante.
- Regarde-moi Zola. S’il te plaît.
La supplique dans sa voix failli me briser mais j’obtempérais. Je laissais mon regard glisser sur son corps. Un corps mince aux muscles fins. Un torse parsemé de quelques poils. A l’instar de sa mèche et de son œil, son téton et sa hanche étaient parsemés de tâches de dépigmentation. Des abdominaux légèrement dessinés, des côtes apparentes une taille étroite et de longues jambes fines. Même s’il mangeait mieux, il faudrait du temps pour que son corps prenne du volume. J’avisais ses poings serrés.
- Je te vois Ash.
- Alors laisse-moi te voir aussi.
Je le laissais s’approcher. Ses mains se posèrent sur le bouton de mon pantalon. J’acquiesçais d’un signe. Il le défit et le fit glisser sur mes jambes. Je posais une main sur son épaule pour garder mon équilibre. Il en profita pour retirer mes chaussettes puis se redressa. J’enlevais mon débardeur moi-même. Il me contemplait, ses iris dorées passant doucement sur mes courbes. Il revient à mon visage.
- Je te vois Zola.
Il me poussa doucement à entrer sous la douche. J’étais tellement tourneboulée par ce qu’il venait de se passer à l’instant, que je ne fus même pas surprise de le sentir me suivre sous le jet d’eau. Il me tourna face à lui et me positionna de telle sorte que l’eau me tombait sur les épaules et le dos. Avec plusieurs temps de retard, mon corps réagi et se mit à trembler fortement. Ash me frictionna les bras puis déplaça ma tête pile sous le jet. L’eau chassait les larmes qui s’étaient remises à couler. Je pleurais en silence les yeux grands ouverts. Je fixais le petit creux juste à la base de sa gorge, une chose tangible à laquelle me raccrocher. Cette petite zone de peau qui palpitait empêchait mon esprit de s’éparpiller en mille morceaux.
Il coupa l’eau et nous fit sortir. Il m’enroula dans ma serviette, se sécha rapidement et me rapporta mon pyjama le plus chaud, avec une grosse paire de chaussettes. Il n’avait toujours rien dit, ne m’avait posé aucune question. Il sortit de la pièce pour me laisser m’habiller. Quand je retournais dans ma chambre, Orion était assis sur mon lit et Ash debout dans un coin. Le Brownie m’attira doucement à lui. Il m’aida à me mettre au lit et se coucha avec moi. Il se cala derrière moi en me prenant dans ses bras. J’avais déjà l’impression de respirer un peu mieux. Ash me fixait. Je lui soulevais la couverture mais il refusa d’un mouvement brusque de la tête. Mais j’avais besoin de lui.
- Alors ton loup. S’il te plaît.
Il ferma les yeux un instant et j’en fit autant. Je les gardais fermés, mais sentis le lit s’enfoncer légèrement. Une masse chaude vint se coller à moi et je glissais ma main dans sa douce fourrure. Il soupira longuement. Un troisième poids, plus léger, se posa sur mes pieds. Voilà, là j’étais entière avec eux trois si près de moi. Orion déposa un baiser sur ma nuque et je serrais sa main. Le loup se colla encore plus à mon ventre. Ils seraient les gardiens de mes rêves, comme ils l’étaient de mon âme.
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