Le chat

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   Il y a eu un problème avec le chat, un animal beau et câlin certes, tout de noir velu. Le genre à ronronner pour que j’écrive avec rondeur et douceur. Mais, je me suis mis immédiatement à éternuer. Vraiment beaucoup, j'ai révélé une allergie aux poils de félidé. J’ai cherché un moment avant de trouver la solution. Le voici empaillé par un pote gitan, canneur de chaises. Il aurait préféré s'occuper d'un hérisson, allez savoir pourquoi. Mais ami, j'ai payé un prix d’ami et, en plus, il m’a proposé de rester manger un ragoût de lapin, qu’il venait juste de mitonner. Excellent. Lapin a dit Niglo, vieux brigand, j’ai peut-être bien dégusté mon matou. Fameux aux fourneaux.

Voilà résolus d’un coup de batte magique à la fois mon allergie au chat et l’achat d’un meuble pour déposer mon précieux fondement. Dans mon salon, trône désormais une mirifique chaise en peau de matou. Modèle unique, pour postérieur d’auteur exclusivement.

Je m’y suis assis avec délicatesse. Je peux tendre la main pour le caresser ou m’y frotter la joue, mon genou, sûr que ça va me booster les neurones. Non, je n’éternue plus, je craignais seulement le poil vivant.

D’un obstacle faire une force.

Je commencerai la course à pied demain. Au diable le lundi, mardi sera mieux pour débuter les efforts physiques. En ce tout début de semaine, je vais me mettre au dur labeur de plumassier. Celui qui travaille les plumes ?

J’ai cherché quelle musique écouter. Pour écrire, finis les ronrons du félidé, alors je dois me trouver un fond sonore, ou plusieurs. Selon les types de scènes que j’inventerai, comme la charge des Walkyries dans Apocalypse Snow. Ce film est certainement tiré d’un bouquin enneigé et fumeux. Un intellectuel tel Francis Ford a trouvé l'inspiration auprès de Bram Stocker, John Grisham, Mario Puzo, Jim Haskins, Susan Eloise Hinton, pas de doute, tout pareil pour l’Apocalypse des animaux congelés.

J’ai un petit faible pour Beethoven, la symphonie N°7. Vernon Subutex suinte le jazz à plein nez. Umberto écoutait des chants grégoriens, ecco. Sartre, évidemment, penchait vers les chœurs de l’armée rouge. Et Sagan pour Début de soirée, c’est reconnu. Ou plutôt fin de soirée torchée ?

Cela m’a pris la matinée à chercher. J’ai commencé par ma collection de vinyles, de CD’s, puis au hasard sur le Net. Je n’ai rien trouvé. Ou plus honnêtement, j’ai trouvé trop de choses. Chaque fois que je butinais du miel pour mes oreilles, une autre fleur, un peu plus éloignée, m’appelait. Aussi d’attirances en tirades, je me suis égaré.

En cherchant le bon son, l’âne que je suis s’est demandé quel fond d’écran installer. C’est important le choix du fond d’écran, probablement, ou pas. Mais impossible de trouver la plus petite information sur le sujet. Les auteurs connus cachent précieusement tout indice qui permettrait de le découvrir. Des tableaux ? Botticeli, Van Gogh, la Joconde, des Flamands ou des Espagnols ? J’ai bidouillé des agrandissements de photographies prises lors d’interviews à leurs domiciles. Rien, pas le moindre pixel à l’horizon. Ils cachent bien leurs secrets ?

Un portrait potager à la Arcimboldo, sur le Mac de Rabelais ! Le duc d’Urbino et sa Baptista sur la tablette de Simone, triomphe du bavoir. Vous avouerai-je ma préférence pour Gotlib ? En alternance avec des bas-reliefs mésopotamiens, bien à l'abri chez moi, loin du musée de Pergame bombardé par l'armée rouge et Daesh.

J’en entends qui se gaussent, se moquent de moi, qu’en a-t-on à foutre d’un fond d’écran lorsque l’on écrit ? Eh, gars, casse-toi de là, ce mon bouquin m'appartient. Va faire le mariole dans le tien. Ici, on sait se tenir.

Un autre l’a déjà dit, ce lieu commun qui ne peut trouver prise sous ma plume (mais non, je n’ai pas lâché mon clavier. Juste une image éculée j’en conviens, par l’ami de Pierrot et sa voisine, au cas où tu n’aurais pas saisi son propos gaudriolesque. Nos ancêtres les Gaulois. Pourquoi crois-tu que cette comptine a enjambé les siècles ?), aussi pas un mot sur les critiques, leur facilité. Etre critiqué, quel plaisir, enfin une preuve d’existence. Pince-moi, que je sois !

Autant de digressions, dédale sans la moindre Ariane pour sauver mon misérable cerveau, aucune autre issue que la trépanation. Je vais craquer. Octroyons-nous une minuscule sieste réparatrice avant de nous asseoir par devant le clavier.

Quoi ? Déjà dix-huit heures ! Un petit en-cas et j’y vas.

Je n’ai plus vraiment la tête à ça. Une demi-heure de télévisionnage me détendra.

Vingt-deux heures, intéressant ce documentaire sur des mirons mignons. Je pose les pieds sur le mien de chat, couché par terre. Attention à l’inspiration qui fuse.

Expirer. Pfou…

Un écrivain cherche des idées. Il est sans le sou, son bailleur frappe à sa porte pour réclamer son obole mensuelle. Il n’ouvre pas, mais cela le motive pour taper un chapitre d’un bouquin de gare dans lequel le héros martyrise un quelconque loquedu. Le musclé lui ressemble étrangement. Le proprio, est le portrait roté de l’emmanché. Sa voisine vient lui demander du sucre, il la transforme illico en demoiselle en détresse sur laquelle l’agent secret (le héros, faites au moins l’effort de suivre) va frotter sa grosse libido.

Je crois que c’est parti. Oui, oui, oui.

Non, non, non ! Le Magnifique avec Bébel !

Je pourrais prétendre à une libre interprétation.

Pourquoi ne pas trouver un chef-d'oeuvre oublié, tombé dans le domaine public ? Ça ensemence les champignons de Paris sur les étals des bouquinistes. Je transforme les noms des personnages. Je transpose tous les lieux et la geste dans un monde futuriste. Utopie, dystopie. Qu’importe. Ni vu ni reconnu.

Je reprends.

Des astronautes atterrissent en catastrophe sur une planète inconnue. Des singes les pourchassent, mêlés à des humains muets, primitifs primates.

Pierre Boule sort de cet ordinateur. Beaucoup trop de films de Boule passent sur le petit écran. Ils vampirisent mon esprit.

Nouvelle règle définitive : cesser de regarder la télévision. Elle diffuse trop, annihile l’originalité, endort.

Je bâille. Il faut vraiment que je pionce, je ne vais pas pondre quoi que ce soit d’intéressant entre deux bâillements.

Mes yeux se ferment, ça me donne une magnifique idée. Mais trahi par mes paupières de plomb, je sombre. A demain. Même pas besoin de compter les moutons à rebours de 1984 à 1789.

Bien poser des règles sur lesquelles ne jamais transiger.

Good nite, strangers…

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