Chapitre 3 : les inconnus de la ruelle (Philp)

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Pendant quelques secondes, je pense à m'enfuir. Mais si ces gens peuvent provoquer une tornade pour m'emmener où bon leur semble, ça rend toute tentative de fuite vaine. Ils pourront de toute façon me retrouver. Je reste donc adossé au mur contre lequel j'ai été précipité.

Plus les inconnus avancent, plus je les distingue. L'un d'eux est petit et encapuchonné, tandis que l'autre est grand, baraqué et tête nue. De ce que je distingue de ce deuxième homme, il ne semble pas particulièrement menaçant, son visage est détendu. C'est tout juste s'il ne sourit pas. Alors que les deux individus ne sont plus qu'à une dizaine de mètres de moi, le premier enlève son capuchon.

Je suis surpris de voir le visage d'une jeune femme. Cheveux sombres et courts, yeux perçants. Malgré son teint cireux et sa maigreur, elle semble en parfait contrôle de la situation, ne montrant aucune trace de peur. Philp, voyons, pourquoi elle aurait peur de toi ? Tu n'es qu'un adolescent, suis-je obligé de me rappeler.

— Tu es Philp, n'est-ce pas ? lance-t-elle d'une voix claire qui ne colle pas avec son visage sombre.

— Oui. Qu'est-ce que vous me voulez ? Comment connaissez-vous mon nom ? je réponds en essayant de masquer le tremblement de ma voix.

— Ce que nous voulons ? Simplement te parler. Oh, au fait, je m'appelle Larissa. Et lui, c'est Rufin. Nous venons de la Côte. La situation n'est pas simple, là-bas.

La Côte ? Ce n'est pas la porte d'à côté. C'est même plutôt là porte la plus éloignée d'ici, ou presque. Pourquoi, grand Dieu, ont-ils fait tout ce voyage pour venir me parler ? Et de quelle situation parle-t-elle ?

Voyant que je ne réponds pas, elle poursuit :

— Tu sais ce qui se passe en ce moment, dans tous les pays, non ? me demande-t-elle comme si j'étais un gamin.

— Vous parlez de la guerre ? Je suis au courant, comme tout le monde, oui.

— Tout le monde... à Oflaria. Tu sais, la situation n'est pas aussi claire pour la population, dans d'autres pays. Ici, votre gouvernement vous offre une transparence... relative, évidemment.

— Où voulez-vous en venir ?

— Si je vais droit au but : je veux te proposer une chance. Une chance de changer les choses. Une chance de faire cesser cette guerre, ajoute-t-elle en constatant mon incompréhension.

— Nous faisons cette guerre pour des raisons nobles.

— Et si tu laissais de côté les phrases qu'on t'a mises dans la tête ? Je sais... nous savons, ajoute-t-elle avec un regard pour l'homme à ses côtés. Tu n'es pas comme eux.

— Bien sûr, que je suis Oflarien ! Vous êtes tombée sur la tête !

— Tu sais pourquoi tu n'es pas comme eux ? lance-t-elle plus fermement. Tu as un couteau dans ta ceinture. Et tu n'as pas fait le moindre geste pour le prendre, même lorsque tu ne connaisais pas nos intentions. Tu es meilleur qu'eux, Philp !

Je réfléchis. Il est vrai que je préfère n'utiliser la violence qu'en dernier recours. Mais de là à dire que... Non, je suis Oflarien et fier de l'être.

— Quant à la raison pour laquelle nous connaissons ton nom, c'est parce que nous t'observons depuis quelques temps. Nous pensons que tu serais parfait pour le rôle que nous aurions à te confier.

Je suis surpris qu'elle réponde à ma question. Ça n'en reste pas moins ridicule. Pourquoi moi ?

— Écoute, nous avons décidé que la meilleure solution serait de nommer des représentants sensés, soit des jeunes, un pour chaque pays. Et de les réunir, qu'ils parlent et trouvent des solutions.

— Et pourquoi vous ne trouvez pas vos solutions vous-mêmes ?

— Qu'ont donc comme poids deux Côtistes dans notre genre ? me questionne-t-elle avec un petit sourire. Enfin... Il faut que tu ailles à l'école. Ne parle de cette discussion à personne, même pas à ta jumelle. Et tu reviendras ici dans trois jours, à la même heure.

— Je n'ai jamais accepté ! Hé ! Revenez !

Trop tard, les deux Côtistes sont déjà partis. Je reste plaqué contre le mur le temps de reprendre mes esprits. Puis je me raisonne. Je n'irai pas, c'est tout. Pour l'heure, il faut que je rejoigne l'école, avant qu'on s'inquiète pour moi.

En chemin, je ne pense qu'à ce que Larissa a dit. Pourquoi cette idée pour faire cesser la guerre ? Et surtout, pourquoi me choisir, moi ? C'est à ce moment que je me rends compte que je n'ai que mon propre esprit en tête. Comment se fait-il que je sois déconnecté de ma soeur ? Ça n'est jamais arrivé auparavant, pourtant.

J'arrive à l'école. En franchissant la porte, je constate que les nouvelles sont passées. Je suis un peu déçu, c'est un de mes moments préférés. Au même instant, je ressens une décharge de pensées dans mon cerveau. Je vois Welmina foncer vers moi comme une furie. Je suis mort. Il va falloir que je lui mente pour la première fois de notre vie. Que je lui ferme mon esprit.

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