Chapitre 2 — Premiers regards
Premier cours : mathématiques.
La punition déguisée en emploi du temps.
Je m’affale sur ma chaise, déjà lasse, alors que la cloche n’a même pas fini de sonner. Maëlle se laisse tomber à côté de moi avec un soupir tragique.
— Pourquoi commencer l’année avec une équation du suicide ? gémit-elle.
— Peut-être qu’ils veulent tester notre résistance au supplice, je réponds en souriant.
La porte s’ouvre.
Et là… silence.
Le prof de maths entre. Sauf que ce n’est pas le vieux monsieur à lunettes carrées qu’on attendait tous.
Non.
C’est un homme jeune. Trop jeune pour être prof. Chemise retroussée aux manches, regard vif, mèche légèrement décoiffée comme s’il n’avait pas eu le temps — ou l’envie — de faire les choses parfaitement.
Il pose ses affaires sur le bureau. Se retourne vers nous.
Et il sourit.
— Bonjour à tous. Je m’appelle Monsieur Levasseur. Je suis votre prof de maths cette année. Et oui, je suis au courant, je fais jeune. Pas besoin de me le faire remarquer dans vos chuchotements.
Quelques rires.
Je hausse un sourcil, intéressée.
— Alors, on va poser les bases : je suis exigeant, mais juste. Si vous participez, si vous suivez, on va s’entendre. Si vous trichez ou si vous vous moquez… je rends vos contrôles en chantant devant la classe. Capiche ?
— C’est illégal, ça, je murmure en tournant la tête vers Maëlle.
Mais ma voix porte plus que prévu.
Il lève les yeux vers moi.
— Je n’ai pas encore parlé de ce qui est légal ou non, mademoiselle… ?
— Lina. Juste Lina.
Il sourit, un peu surpris par le ton.
— Très bien, juste Lina. Vous semblez déjà bien réveillée. Ça tombe bien, j’allais poser une question.
Maëlle me donne un coup de coude.
Je me redresse, faussement ennuyée.
Il écrit une équation au tableau. Quelque chose avec des racines et des fractions — ma spécialité pour faire semblant de comprendre.
Je me concentre deux secondes. Puis je lève la main.
Il m’interroge. Je réponds juste.
— Impressionnant. Vous venez de me ruiner l’occasion de faire un speech sur le redémarrage cérébral post-vacances.
— Vous ferez mieux la prochaine fois, je réponds avec un sourire en coin.
Il me regarde une seconde. Pas d’un regard bizarre. Pas celui qu’ont parfois les profs qui veulent "exister" aux yeux des élèves.
Un regard… attentif.
Respectueux. Intrigué.
Le reste du cours passe vite.
Et je le vois. Il m’observe parfois. Pas comme une élève brillante. Plutôt comme un mystère en construction.
Et moi, je fais semblant de ne rien voir. Parce que j’aime quand les choses prennent leur temps.
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