Chapitre 13 — La vérité, enfin dite

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Je suis allongée sur mon lit, les yeux fixés au plafond, encore humides de larmes.
Tout ce silence m'étouffe. Le genre de silence qui hurle ce qu’on ne dit pas.
Je saisis mon téléphone.
Maëlle.
Je tape son nom, j’appuie sur "Appeler".
Trois sonneries. Quatre. Cinq.
Messagerie.

Je serre les dents. Pourquoi elle répond pas ? J’ai besoin d’elle, là. Juste d’entendre sa voix, qu’elle me dise que je me fais des idées, que ça va passer.

J’hésite. Puis je descends un peu dans mes contacts.
Adam.
J’appuie avant de changer d’avis.

— Allô ? Sa voix est un peu rauque, comme s’il était en train de somnoler.
— C’est moi… Lina.
— Tout va bien ?
Il a senti. À ma voix, sûrement.

— Non. Je suis chez mon père. Enfin, chez lui et sa femme. Et c’est horrible.
Il ne dit rien, mais je l’imagine en train de s’asseoir, concentré.

— On se parle à peine. Y a que sa femme qui fait semblant que tout est normal. Mon demi-frère me calcule pas. Et lui… il dit rien. Comme si j’étais là par obligation.
Ma gorge se serre.

— J’ai essayé d’appeler Maëlle, mais elle répond pas.
— T’inquiète. Je suis là. Parle-moi.

J’inspire un grand coup.
— Tu sais… mes parents, c’était la guerre pendant longtemps. Et un jour, ils ont juste… arrêté de se battre. Ils ont signé les papiers, ma mère s’est barrée, et j’ai commencé à faire semblant que ça allait.
Je ris un peu, nerveusement.
— J’ai même cru que c’était mieux comme ça. Qu’au moins, y aurait plus de cris.

Adam reste silencieux, mais pas d’un silence vide. Plutôt un silence qui écoute vraiment.

— Mais maintenant… j’ai deux demi-sœurs que je vois tous les jours chez ma mère. Et un demi-frère ici qui fait comme si j’existais pas.
Je me redresse dans mon lit, la voix qui tremble un peu.
— Et j’ai un père qui parle pas. Qui me regarde à peine.
Pause.

— J’ai mal, Adam. J’ai tellement mal. Et je fais comme si de rien n’était. Tout le temps.

— T’as pas à faire semblant avec moi. Je suis là, Lina.
Sa voix est douce. Calme. Mais elle me fait l’effet d’un pansement.
— T’as pas à être forte tout le temps.

Silence. Adam attend toujours, sans me presser.
Je respire lentement, les yeux fixés sur le plafond, comme si je pouvais effacer ce souvenir. Mais il colle à la peau.

— En fait…
Ma gorge se serre. C’est la première fois que je vais le dire à voix haute.
— C’est moi qui ai tout brisé.

Adam ne dit rien. Il m’écoute.

— J’avais onze ans. J’étais rentrée plus tôt d’un anniversaire. Et je l’ai vu. Mon père. Dans le salon. Avec une femme qui n’était pas ma mère.
Ma voix se brise un peu.
— Ils s’embrassaient. Ils riaient. Il avait l’air… heureux.

Je me redresse dans mon lit, le cœur qui bat trop vite.

— J’ai rien dit pendant deux jours. Mais je tenais plus. Alors j’ai tout balancé à ma mère.
Une larme glisse sur ma joue.
— Je croyais faire ce qu’il fallait, tu vois ? Être honnête. Mais j’ai juste foutu en l’air toute ma famille.

Je ravale un sanglot.
— Elle s’est effondrée. Lui, il a tout nié. Puis il s’est barré.
Pause.
— Et depuis, il me regarde comme si j’étais le problème.

Adam souffle doucement, comme pour m’apaiser à distance.

— Lina… t’as rien brisé. C’est lui qui a tout foutu en l’air. Toi, t’étais juste une gosse. Et t’as eu le courage de dire la vérité.
Sa voix est grave, mais pleine de douceur.
— Si ton père supporte pas de te regarder, c’est pas parce que t’as fait une erreur. C’est parce que tu lui rappelles la sienne.

Je reste silencieuse. J’ai le cœur à l’envers, mais je me sens un peu moins seule.

— Merci, Adam…
— Toujours là, princesse.

Je souris. Malgré tout.

Le lendemain, en fin d’après-midi, Maëlle m’envoie enfin un message.

"Tu peux parler ?"

Je n’hésite même pas. J’appelle direct. Elle décroche.

— Tu m’en veux ? je demande tout bas.

Elle soupire.

— Non. Juste… j’étais paumée. T’as disparu du jour au lendemain, j’ai cru que tu m’évitais.

— J’étais chez mon père. Ça s’est mal passé.

Silence. Puis elle souffle :

— Raconte-moi.

Alors je lui dis. Pas dans les détails, pas comme à Adam. Juste l’essentiel.

— C’est moi qui ai dit à ma mère qu’il la trompait. Et j’ai l’impression que depuis ce jour, je suis responsable de tout ce qui s’est cassé.

Maëlle reste calme. Mais sa voix se fait douce, presque tremblante.

— Lina… t’es pas responsable des choix pourris des adultes. C’est eux qui ont merdé. Pas toi.
Elle marque une pause.
— Et j’suis désolée si j’ai pas été là tout de suite. J’aurais dû.

— C’est rien. T’es là maintenant.

— Et je le serai toujours, okay ? Toi et moi, on se lâche pas.

Je souris, les larmes aux yeux.

— Promis ?

— Promis, connasse.

On éclate de rire en même temps. Et pour la première fois depuis longtemps, je sens quelque chose se réparer en moi.

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