Épilogue
Pour ses hommes, le colonel Alonso Ruiz Roldán était un brave monsieur, un officier supérieur apprécié.
Deux mois plus tard, au crépuscule, la police découvrit le corps d’un individu en décomposition, coincé entre les rochers sous le pont de Jentilzubi. Comme les autorités locales purent s’y attendre, l’identification du cadavre plongea la bonne société espagnole dans un mauvais rêve au moment où la movida bouleversait tous les codes.
L’institution militaire fut consternée en apprenant que celui qui se faisait appeler le passeur était la victime. Le colonel Alonso Ruiz Roldán, un être perturbé, doué d’une violence débordante, dormirait pour l’éternité.
La légende racontait que les laminak, ces petits elfes mythiques dotés d’un buste de femmes et de doigts palmés s’étaient vengés. Au moment où le soleil déclinait, le colonel marchait toujours le long du sentier qui menait à l’ermitage de San Blas. Il perçut des grognements. Au lieu de rebrousser chemin, il ôta son colt python de dessous la veste. Il se crut suffisamment fort pour affronter les génies des montagnes. Dans l’obscurité, une détonation sourde retentit. Le plus étrange fut que la balle qui logeait au milieu du front du colonel provenait de son arme.
Dans le village d’Algorta, vers minuit, une jeune fille déposa un mot sur le Riberamune. Un vieil homme qui chancelait et parlait tout seul, sembla quant à lui persuadé qu'il s'agissait tout d'abord d'un elfe. Une créature si belle, que le noir bleuté de ses cheveux lui fouettait le visage. Le pêcheur chassa quelques gouttes de sueur qui perlaient sur les cils, se frotta les yeux et demeura immobile, rassuré de découvrir une gamine avec des yeux en forme d'amande. La sauvageonne s'amusait à bondir par-dessus les paniers de pêche et son corps laissait deviner un visage baigné par les rondeurs de l'enfance. La rue était déserte. La jeune fille avec des boucles en argent serties qui ornaient le lobe de ses oreilles, descendit jusqu'au parapet. Elle riait à tue-tête et peignait des cornes sur le mur. Le vieil homme se laissa envahir par une étrange sensation. Il aspira une bouffée, puis une deuxième et demeura envoûté par le doux parfum d'une clémentine.
Il y eut une lumière intense et l'elfe s'enfonça dans la nuit. Le pêcheur promena son regard sur le Riberamune, s'approcha du parapet, se pencha par-dessus à la recherche de l'enfant qu'il ne vit pas. Le vieil homme ramassa le mot et lut.
« L'enfant qui sommeille en chacun de nous ne meurt jamais. Elaïa »

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