Chapitre 20 : les premiers signes du mal

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Alors que tout cela se passait à l'Olympe, durant cette même journée, au sein d'une demeure romaine, un autre couple s’était réveillé dans leur chambre. Marius, qui était sorti depuis une heure du sommeil, songeait en caressant le bras d'Idylla, encore endormie sur son torse. Il ne savait pas ce qu'il s'était passé chez son épouse, mais il ne le regrettait pas. La nuit qu'il avait vécu avec elle en était l’une des plus belles. Sa douce avait toujours été timide, lors de leurs ébats intimes, toujours dans la réserve. Idylla, au même titre que toutes les femmes Junius Silanus, avait reçu une éducation stricte qui laissait peu de place aux émotions, afin de faire d’elles des épouses accomplies. Cependant, la veille au soir avait été totalement différente. Son aimée s’était montrée entreprenante. A croire que la déesse de la Beauté et des Plaisirs avait pris possession de son corps. Marius espérait que cette nuit porterait enfin ses fruits. En y songeant, il posa une main sur le ventre d’Idylla. Ce mouvement la réveilla. Le voyant, l’épouse de Marius le salua :

« Bonjour, mon aimé,... »

Quand soudain, des souvenirs de la veille la submergèrent. Réalisant son comportement, honteuse, elle se leva brusquement, et mit sa main devant la bouche en déclarant dans un sanglot :

« Je suis désolée, Marius, je ne sais pas ce qui m'a pris, hier. Je ne me contrôlais plus,...

— Ne t'inquiète pas, ma tendre épouse, tu n'as rien fait de mal. Il est vrai que ton attitude m'a surpris, mais cela ne m'a pas dérangé. Bien au contraire, la rassura son mari en la serrant dans ses bras. J'espère juste que cette nuit nous apportera un magnifique cadeau.

— Je l'espère aussi, répondit-elle en rougissant.

— Maintenant, vas-tu me dire où tu étais hier soir.

— Je me suis rendue au temple de la déesse Vénus et du dieu Cupidon. Je les ai priés de m'accorder ce que nous attendons depuis notre mariage, avoua Idylla.

Cela pouvait expliquer son comportement, pensa-t-il avant de soutenir son vœu.

— Espérons tous les deux que ta prière soit entendue. »

A peine ces mots prononcés que deux coups se firent entendre, les prévenant qu'il était temps de se lever. Se recouvrant d’un long manteau pour cacher sa nudité, Marius alla ouvrir et apprit que le conseil l'attendait. Il demanda un moment. Après s'être habillé, il salua sa femme, et partit rejoindre ceux qui l’attendaient. Dans la salle du conseil, il dut faire face aux affaires courantes, mais plus encore à certains anciens. Ces derniers n’arrêtaient pas de le tanner pour qu'il répudie son épouse, et qu’il se lie à une autre, afin d’avoir une descendance. Comprenant qu’ils espéraient qu’il choisisse une de leurs filles, le chef de famille préféra les ignorer. Il laissa le soin de s’en charger à une autre personne, qui s’en acquitta avec éloquence. Oui, dans cette épreuve, il était soutenu par le plus fidèle de ses cousins, celui qui depuis la veille était devenu père, Colinus. Ce dernier aimait beaucoup Idylla, à cause de sa gentillesse et de son honnêteté. Il trouvait injuste que certains puissent s'en prendre à elle. Il croyait dur comme fer que les Dieux ne laisseraient pas une telle femme sans enfants. Face à cette virulente défense, beaucoup pourraient penser qu'il en était amoureux, mais tous savaient la profondeur de ses sentiments pour sa propre femme, une épouse dont les pensées devenaient de plus en plus confuses.

Pendant que Marius se battait avec les anciens désireux de le voir changer d'épouse, Idylla se prépara à remplir son devoir de maîtresse de maison. Après avoir pris ses affaires, elle se dirigea vers les thermes de la maison, afin de procéder à sa toilette. Elle espérait y détendre également son corps qui était tout courbaturé. Il semblerait que sa nuit de passion avec son mari avait eu quelques répercussions sur celui-ci. Sur le chemin la menant aux bains des femmes, elle croisa sa sœur, si rendant aussi. Cette dernière lui proposa de l'accompagner. Elles pourront discuter des derniers potins. Sa jumelle sourit à sa déclaration, car, même si elle-même n'était pas très encline à ce genre de chose, elle savait que Psy s'en amusait beaucoup. Les deux jeunes femmes possédaient une personnalité totalement différente. Idylla était discrète, timide, douce et profondément clémente et gentille. La veuve de Sol était plus expressive, enjouée, et elle n'avait pas sa langue dans sa poche. Elle avait pourtant reçu la même éducation que sa sœur. Psy savait juste s'en servir en public et au bon moment. Etre une Junius Silanus stricte et respectueuse des règles devant la famille et les autres citoyens était dans ses cordes. Cependant, en privé, elle laissait sa vraie personnalité extravertie s'exprimer.

Arrivées à destination, les deux sœurs demandèrent à une esclave présente de leur préparer les bassins. Dès que tout fut prêt, elles se déshabillèrent et rentrèrent dans l'eau chaude et salutaire. Alors qu’elle se prélassait, Idylla entendit soudainement un cri de surprise provenant Psy, et se tourna vers elle. Elle la vit une main sur sa bouche, l'autre tendue vers elle et des yeux surpris, mais remplis de malice :

« Ma chère sœur, mais que vois-je sur votre cou, vos épaules et à la naissance des attributs de toute femme.

Elle s'approcha d'Idylla, tout en continuant à s'exclamer.

— Mais ce sont des preuves d'amour... Oh, petite cachottière ! Tu as passé une folle nuit avec ton mari !

— Ma sœur, non, voyons,..., essaya de nier Idylla aussi rouge que sa serviette qui trônait sur le bord du bassin.

— Ne le nie pas, je le vois bien, fut-elle coupée. Mon cher beau-frère t'a bien marquée de son empreinte. Personne ne peut pas douter que tu lui appartiens toute entière. Ah la, la, tu es toujours aussi pudique, ma chère.

— ...

— Et tu oses ne pas m'en parler. Tu sais bien que je ne vis que par procuration, » continua-t-elle, en faisant la moue et en croisant les bras.

Elle aborda alors un visage penaud, faisant mine d’être blessée de ne pas avoir été dans les confidences de sa jumelle. Elle y réussit tellement que cette dernière crut qu'elle lui avait fait de la peine. Elle savait que sa cadette était encore amoureuse de son défunt mari, et qu'elle ne souhaitait pas se remarier. En tant que veuve, Psy était libre d’accepter de nouvelles épousailles, ou non. Personne ne pouvait l'y forcer, contrairement, aux jeunes filles en âge d'être épousées. Les mariages arrangés étaient une chose courante dans la grande société romaine, permettant à deux familles de se lier à jamais. Heureusement, Idylla et sa sœur purent contracter un mariage d'amour, car les intérêts de la famille concordaient avec leurs sentiments. A l'heure actuelle, tous les désirs et les efforts de la veuve de Sol étaient tournés vers son fils Endymion. Elle l'aimait plus que sa vie, et ne songeait prendre époux. La culpabilité au cœur d’avoir blessé sa sœur, Idylla tenta de s’excuser :

« Je suis désolée. Je ne désirai pas te faire de mal.

— AAH ! Aah! Ria Psy avant de cligner d’un œil, signe de malice. Je te taquine juste. A chaque fois, tu te fais piéger...Mais dis moi, il est doué ton mari ? »

Sans attendre la réponse qui ne viendra sans doute jamais, tellement sa jumelle était pudique, elle éclata encore plus de rire, avant qu'une quinte de toux lui fasse cracher ses poumons. Promptement, elle tourna le dos à sa jumelle, recouvrant sa bouche de sa main. La maîtresse de maison s’en inquiéta :

« Ma sœur ! Tu tousses ! Il faut sortir de l'eau.

— Ça va aller, ne t'inquiète pas, » rassura-t-elle, tout en cachant sous l'eau sa paume qui maintenant arborait une petite tâche rouge.

Les deux femmes sortirent tout de même du bain, et s'habillèrent. Puis, Idylla et Psy décidèrent de rendre une visite à la nouvelle mère, pour voir si tout se passait bien pour elle. Pourtant, elles n'aimaient pas trop leur cousine par alliance, car elle était hautaine et orgueilleuse. En effet, enhardie par sa haute position sociale, Infama prenait souvent de haut toute la maisonnée, traitant les esclaves comme des chiens, dès qu’elle se trouvait seule avec eux. Pourtant, l'épouse de Marius, soutenu par ce dernier, avait ordonné de bien les traiter. Aucuns châtiments corporels ne devaient leur être infligés, et leurs enfants recevaient une instruction, ou tout du moins l'apprentissage des mathématiques, de l'écriture et de la lecture. Ce n'était pas au goût d’Infama, mais elle devait s'y plier, car ce n'était pas elle qui régissait la demeure, mais bien Idylla. Malgré les mises en garde de sa sœur, l’épouse de Marius, ayant bon cœur, arrivait toujours à lui trouver une raison à son comportement, ou du moins espérait qu'elle changerait au contact de son mari aimant, et généreux. La veuve de Sol, plus lucide, ne lui faisait effectivement pas confiance. Elle la trouvait fourbe et hypocrite, à toujours montrer un visage aux myriades bonnes intentions, face aux membres influents de la famille.

Allant à l’encontre de son sentiment, Psy se devait d'assister sa sœur dans son devoir, et celui-ci réclamait qu'elle rende visite à la nouvelle mère. Endymion qui rentrait du jardin, les croisa et décida d'accompagner sa mère et sa tante. Il avait encore du temps avant de rencontrer ses précepteurs. Lorsque les deux femmes arrivèrent à la chambre de la mère de Lua, elles la trouvèrent agacée, et un rien pouvait la rendre furieuse, alors que sa fille pleurait dans son berceau. Face à cette scène, Idylla lui demanda :

« Ma chère cousine, nous sommes venues vous rendre visite. Mais que se passe-t-il ?

— C'est Lua, elle ne fait que pleurer. Ses pleurs ont réveillé mes migraines, répondit-elle, la colère s'entendait dans sa voix.

— Puis-je la prendre ?

— Vous pouvez la prendre si cela vous fait plaisir.

— Elle a peut-être faim. Ne voulez-vous pas la mettre à votre sein pour la nourrir, suggéra Psy, regardant le bébé être bercée dans les bras de sa sœur.

— Non, je ne souhaite pas l'allaiter. On m'a toujours dit que cela déformait la poitrine, et je ne veux pas subir cela, ajouta leur cousine de plus en plus agacée. J’ai bien fait appel à une nourrice, mais elle a dû partir nourrir son propre enfant. »

Le ton employé ne plut pas à Psy. Cette femme était vraiment obnubilée que par elle-même et son corps. Elle ne prenait pas soin de sa fille. En plus, son affirmation était totalement fausse. La jeune veuve en savait quelque chose, puisqu'elle avait elle-même allaité son fils. D'ailleurs, en pensant à lui, elle se tourna vers l’ombre de la porte, où il avait trouvé refuge, et lui pria s’exaucer un vœu :

« Endymion, va aux quartiers des femmes, et demande à ce qu'une nouvelle nourrice vienne ici pour s'occuper de l'enfant. »

Le jeune garçon acquiesça, et après les avoir saluées, partit accomplir sa mission. Au bout de quelques minutes, il revint avec l'aide salutaire souhaitée. Elle s’avéra être une esclave rondouillarde, et qui avait accouchée il y a peu d'un enfant mort-né. Ses seins étaient remplis de lait, qui ne demandait qu'à être bu. L'esclave prit Lua dans ses bras et s'installant dans un coin, commença à lui présenter son mamelon que la petite engouffra dans sa bouche, avide de ce liquide de vie. Alors que sa fille se nourrissait goulûment, vu sa faim, la mère s'adressa à Endymion d'un ton mielleux :

« Merci Endymion, et excuse moi de ne pas t’avoir salué plus convenablement.

— Je vous en prie, madame, répondit, stoïque, le jeune garçon. Il n’y a pas de mal. Je comprends au vu de votre état.

— Pas de madame entre nous. Je suis votre cousine, certes par alliance, mais nous faisons parti de la même famille. »

Seul le silence lui répondit. En l'absence de réponse du jeune Junius Silanus, Infama perdit quelque peu le sourire qu'elle avait affiché lorsqu'elle l'avait vu. Devant elle se dressait un Endymion droit et impénétrable, dont les yeux étaient aussi glaciaux que la neige de l’hiver. Rien chez lui ne témoignait une quelconque empathie pour la nouvelle accouchée. Tout comme les deux sœurs, il avait entendu les propos, et le ton qu'elle avait employé tantôt, un ton qui ne lui avait pas plu du tout. Ce qui n'était pas en la faveur de cette femme que sa mère n’appréciait pas beaucoup.

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