Chapitre 22 : Justice et Amour

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Suite à la demande de Jupiter, Mars regarda encore pendant un moment le parchemin où était inscrit le contrat de mariage entre Vulcain et Vénus. Tout le monde garda le silence, mais bouillonnait d'impatience, surtout la déesse de la Beauté. L'attente lui était insupportable, et les doutes l'assaillirent. Et si Mars ne voulait plus d'elle ? N’était-elle qu'un défi ? Grand gagnant, Mars allait-il l'abandonner, elle et ses enfants ? Allait-elle payer de lui avoir été infidèle ? Au bout de quelques minutes interminables, le dieu de la Guerre se redressa, ferma les yeux, et tendit le parchemin vers le ciel. A ce moment précis, et sans aucune explication, une flamme apparue dans sa main, et brûla en quelques secondes le contrat. Sous le regard étonné de l'assistance, il venait de détruire la cause de toute leur douleur. Toutefois, son geste ne fut pas compris. En effet, les Dieux ne s’attendaient pas à un tel acte. C’était inattendu, mais surtout, ce fils de Jupiter venait de passer à côté d’une si belle occasion d’officialiser son couple aux yeux du monde. Tous s'interrogèrent sur la signification d’une telle décision.

Le seul qui ne semblait pas plus étonné était le dieu des Forges. Il connaissait un peu son frère, pas autant qu'il aurait dû, mais il pensait connaître les intentions de Mars. Vénus, quand à elle, crut voir ses craintes fondées, et ne désirait qu'une seule chose à ce moment précis, partir de ce lieu pour aller pleurer son désespoir. Quand Mars rouvrit les yeux sur le visage de Vénus, il put y lire sa tristesse et son désarroi. Son visage, témoin de sa souffrance intérieure, le paralysa en une fraction de seconde. Il prit conscience de son erreur que lorsque la déesse de la Beauté se retourna, et commença à courir loin de lui. A cette fuite, Mars lui emboîta le pas, et lui saisissant le bras l'arrêta dans sa course. Il devait s'expliquer avec elle :

« Vénus attend ! Ce n'est pas ce que tu crois !

— Mais je viens de te voir détruire le parchemin sur lequel tu aurais pu apposer ton nom au côté du mien, déclara Vénus des sanglots dans la gorge. Tu... tu ne veux pas de moi... Je ne suis qu'à trophée pour toi, un corps que pour te soulager...

— C'est faux ! Cria le dieu de la Guerre. Si j'ai détruit ce contrat, c'est pour faire les choses correctement. Je veux réaliser… Je veux… Tu mérites quelque chose de grandiose, de merveilleux, et non, une simple signature en bas d'un vulgaire papier, au milieu d'un terrain d'entraînement...

— Que veux-tu dire ? Je ne comprends plus rien, demanda la déesse de la Beauté, qui semblait totalement perdue.

— Mais voyons, maman, ce que papa essaie maladroitement de te dire, c'est qu'il veut t'épouser dans les règles de l'art, répliqua Himéros, qui les avait suivis, ainsi que leurs amis.

—... Est-ce vrai Mars ? Demanda la dite mère, timidement, osant à peine le croire.

— Oui, confirma avec douceur et conviction le dieu de la Guerre. Je veux que tu ais une belle cérémonie, devant tous nos compagnons, pour que tout l'Olympe soit au courant que, désormais, nous ne formerons plus qu'un, et pour l'éternité... Vénus, veux-tu m'épouser ?

— Oh, Mars... Bien sûr que je le veux. Je le souhaite depuis tellement longtemps, » pleura la déesse de la Beauté.

La joie la submergeant, elle perdit tout contrôle sur ses émotions, et se jeta dans les bras de son désormais fiancé. De son côté, assimilant qu’elle venait de lui répondre un oui magistral, le futur marié la serra dans ses bras aussi fort qu'il le pouvait. A croire qu’il craignait qu’elle ne s’échappe une nouvelle fois, en changeant d’avis. Il déposa ensuite une main sur sa joue, essuya de son pouce les larmes de bonheur, et penchant la tête vers elle, l'embrassa passionnément. Ce fut sur ce baiser que Justitia, Proserpine et Minerve arrivèrent. Se mettant à côté de Morphée, et curieuse face à cette scène, la déesse de la Justice demanda :

« Oh, mais que se passe-t-il ici ?

— Et toi, que viens-tu faire ici, femme aveugle ? Répliqua-t-il.

— Arrête de m'appeler ainsi, flemmard, se fâcha son amante. Et pour répondre à ta question, je suis venue pour te chercher, afin que nous passions un moment, voire la soirée ensemble… Mais apparemment, je dérange, monsieur. »

Excédée, mais surtout triste d’un tel accueil, elle, la fière divinité de la Justice fit volte face, autant pour le punir, que pour cacher le poignard qu’il venait de lui planter dans le cœur. Oui, elle avait un bandeau sur les yeux, mais la raison n’avait rien à voir avec une quelconque infirmité. Non, le bandeau était la représentation de son éthique. A ses yeux, la Justice, dont elle était la gardienne, devait être impartiale, en tout temps et en tout lieu. Les juges avaient l’obligation de suivre le plus grand des préceptes : ne jamais juger en fonction de la couleur de la peau, de la religion, de la catégorie sociale, de l’orientation sexuelle, de l’origine ethnique ou communautaire, des idées politiques, et du niveau de richesse des accusés. Ils ne devaient pas non plus tomber dans le sentimentalisme à l’extrême, en s’apitoyant sur les victimes. L’impartialité et l’indépendance d’esprit étaient la clé d’une Justice juste.

Bien sûr, rien ne les empêchait de rester humains, mais leur jugement ne devait pas se retrouver sous une quelconque influence. La peur d’être insultés ou méprisés pour avoir condamné un criminel, à cause de lubies idéologiques qui revendiqueraient que, parce qu’il viendrait d’une minorité quelconque, le supposé accusé serait moins coupable que les autres, n’avait pas lieu d’être. Seul le respect des lois possédaient de l’importance. Seuls les crimes devaient retenir leur intention, et occuper leurs pensées. Tous Mortels devaient accepter la sentence et assumer leurs actes. Justitia aurait aimé que Morphée s’en souvienne, au lieu de lui manquer autant de respect. Vexée, autant que blessée, elle s’était résolue à partir. Toutefois, elle n’eut le temps que de marcher un pas que deux bras forts l’entourèrent, et la plaquèrent contre un torse, suivi d’excuses.

« Pardon, Justitia, s'excusa le dieu des Songes, qui avait senti les émotions de son amante. Je serai ravi de passer la soirée avec toi, et merci. Et pour...

— Quoi ! Vous êtes ensemble tous les deux ! Dirent en cœur les autres déesses, étonnées de ne pas avoir été mises au courant.

– Oui, et je vous raconterai plus tard, les filles. Maintenant, répond à ma question, Morphée.

— C'est simple. Vulcain a remis à papa le contrat de mariage le liant à ma mère. Mon père vient de le détruire, et de demander maman en mariage, répondit à la place Cupidon, tout heureux.

— Incroyable ! S'exclama Proserpine. Nous allons organiser une cérémonie splendide. Allez les filles, allons voir notre future mariée. Je veux être sa demoiselle d'honneur.

— Ah non, Proserpine. Ce sera moi ! » Contredit Minerve, qui la suivit vers Vénus, accompagnée des autres déesses, pressées de parler du grand jour avec elle.

Alors que les femmes entouraient sa fiancée, l'assaillant de félicitations et de questions relatives à la cérémonie, Mars rejoignit les autres Dieux au comble de son bonheur. Il remercia avec force Vulcain qui lui offrit un sourire triste. Il se sentait fier d’avoir pris une telle décision. Un énorme poids venait de quitter ses épaules. Malheureusement, la tristesse était aussi présente en son cœur. Maintenant, il allait devoir se préparer à vivre éternellement seul, sans se douter qu’un soutien lui était définitivement et amoureusement acquis. Rien, ni personne, ne pourra la faire dévier de sa loyauté, et l’abandonner. Plus qu’heureux, Cupidon l’interpella :

« Moi aussi, je te remercie, mon oncle. J'ai une famille enfin unie. Alors, vraiment merci.

— Tu n'as pas à me remercier, mon garçon. Je n'ai fait que ce qui me semblait juste, surtout après tout ce que je vous ai fait subir pendant des siècles, et plus encore à toi, dit humblement Vulcain. C'est à moi de te dire merci. Sans toi, je n'aurai sans doute jamais ouvert les yeux, et je serai resté le même égoïste qu'avant.

— Alors pourquoi cette mine triste ? demanda Mars.

— Oh, n'y faites pas attention. Je suis content pour toi, Mars. J'espère juste que cela m'arrivera à moi aussi, ce sentiment d'amour réciproque. Cependant, avec mon physique, je crois que cela restera un rêve irréalisable. Qui voudrait d’un homme aussi défiguré, et malformé que moi ?

— Vulcain, le physique ne fait pas tout. Le cœur, la personnalité, le caractère, la confiance en soi et en l'autre, ainsi que les actions des gens et le sentiment de sécurité qu’ils offrent représentent les plus grands critères dans une relation amoureuse, réprimanda Cupidon. L’amour ne possède pas de règles en la matière, car chacun est maître de ses propres choix. Parfois, beaucoup se demandent pourquoi un couple, qu’ils jugent disharmonieux, puisse s’aimer. Certains vont jusqu’à penser qu’une autre personne correspondrait mieux, voire eux-mêmes. Ils leur arrivent même de pousser l’audace à tenter de les séparer. Malheureusement, ils oublient qu’il ne sert à rien de chercher pourquoi un individu, homme ou femme, a choisi telle ou telle personne. Il n’existe pas de raison rationnelle. C’est en cela que réside la magie et le mystère de l’amour. Il faut juste l’accepter, et tous se sentiront mieux.

—…

— Si mes parents se sont plus, au point de tomber amoureux, c’est que l’harmonie qui émanait de maman a séduit mon père, et correspondait à ses attentes personnelles, et vice versa. La jalousie et tous actes à nuire à un couple n’amènent que destruction, et ne permettent pas d’avancer dans la vie. Tu l’as bien vu. Même séparée de papa, maman ne s’est jamais tournée vers toi, malgré tes sentiments et tous tes efforts à son égard.

— Et je peux te garantir que ce n’était pas une question que physique, enrichit Mars. Oui, Vénus est la plus belle entre les plus belles. Bien qu’elle m’est attirée physiquement, comme pour tous les hommes, ce n’est qu’en apprenant à connaître sa personnalité que j’en ai oublié son corps, et que je suis véritablement tombé amoureux de tout son être. Dans le cas contraire, je me serai détourné d’elle depuis bien longtemps. Je suis sûr qu’il existe quelqu’un qui saura voir au-delà de ton apparence. Reste toi-même, et tu en seras récompensé un jour.

— Je suis d’accord, soutint Eole, pensant à Iphigénie.

— J’aimerai vous croire, vraiment, s’attrista Vulcain. Toutefois, il m’est difficile de penser que mon physique n’est pas un frein.

— Je constate que tu n'as pas encore complètement ouvert les yeux sur ce qui t'entoure, souffla un peu Cupidon.

— Que veux-tu dire ?

— Ce que je veux dire, c'est que ton rêve est peut-être plus proche que tu ne le penses, répondit énigmatiquement le dieu de l'Amour, en tournant ses yeux vers deux jeunes suivantes. Parfois, on oublie de regarder juste autour de soi. »

Vulcain et Eole suivirent le regard de Cupidon, et virent Cassandre et Iphigénie faire connaissance. Le dieu des Vents comprit, en un instant, l'allusion de son ami à son oncle, et pria pour que ce dernier la comprenne aussi un jour. Car oui, comme lui avait dit Cupidon, tout le monde avait le droit de se sentir aimer et d'aimer. De son côté, le dieu des Forges sourit à l’image de sa servante discutant avec la protégée d’Eole. Il se demandait ce qu'elles se racontaient.

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