L'Odyssée (2ème partie)

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Scylla, nymphe d’une éclatante beauté, avait inspiré un violent amour à Glaucus, fils de Neptune et de Naïs, célèbre pêcheur d’Anthédon, en Béotie. Moitié homme, moitié poisson, ne prenant pas conscience de sa propre laideur et de ses difformités, ce dernier n’avait jamais réussi à toucher le cœur de Scylla. Il avait eu beau prendre à témoin le ciel, la terre, et la mer de la sincérité de ses sentiments, rien n’avait convaincu la nymphe à l’aimer, contrairement à Circé qui en était tombée amoureuse. Jalouse, la magicienne était allée voir Glaucus et lui avait proposé son aide pour obtenir le cœur de celle qu’il pourchassait. Heureux, il avait accepté. Un jour, s’approchant de la fontaine où Scylla avait l’habitude de se baigner, le soupirant y avait versé un filtre concocté par Circé, et qui aurait pour vertu de le faire aimer d’elle. A peine entrée dans l’eau, la malheureuse s’était changée en monstre possédant six griffes, six gueules et six têtes. Une meute de chiens lui était sortie du corps autour de sa ceinture, et leurs hurlements continuels frappaient d’effroi les passants. Horrifiée de son apparence, la nymphe s’était alors jetée dans la mer près des rochers et des écueils dans le détroit de Sicile, leur donnant son nom. Immortelle, son destin était depuis d’hurler en un rugissement de lion, mais surtout de détruire tous les navires qui étaient à la portée de son antre du détroit de Messine.

Ainsi, pour se venger de Circé, elle était résolue à faire périr son amant, Ulysse. Ce dernier, oubliant les conseils de la magicienne, avait défié le monstre de ses lances. Malheureusement, sa témérité fit périr six de ses compagnons. Désirant sauvé les autres, le roi d’Ithaque avait ordonné d’éloigner le plus possible le navire de la bête. Réussie, cette manœuvre ne les avait entraînés qu’à affronter un autre danger, tout aussi périlleux, Charybde, sa voisine. Fille de Neptune et de Terra, elle avait volé les bœufs de Géryon, afin de satisfaire son appétit insatiable. En guise de punition, elle fut changée en gouffre marin par Jupiter. Devenue une terreur des mers, elle tenait compagnie à Scylla entre la Sicile et l’Italie. Toujours affamée, elle devenait un véritable tourbillon destructeur trois fois par jour, dans le but d’avaler d’immenses quantités d’eau contenant poissons, navires et équipages. Les produits non comestibles étaient tout simplement rejetés.

Ainsi, quand Ulysse avait échappé à Scylla, il avait dû faire face à Charybde. Le tourbillon, qu’elle était devenue, avait tenté d’aspirer son bateau et ses occupants, les transformant en son repas. Heureusement, encore une fois, Minerve était venue à l’aide de son rusé protégé, et les avait sauvés. Afin de reprendre leurs esprits et se reposer, le roi d’Ithaque avait accosté sur l’île où le Soleil aime s’attarder et s’oublier dans la couche de Thétis, fille de Nérée, la plus belle nymphe de la mer. Suivant les conseils de Tirésias, et sachant que toutes créatures étaient consacrées à la divinité solaire, et à Jupiter, notamment les génisses, Ulysse avait interdit aux derniers de ses compagnons de chasser quoi que ce soit. Malheureusement, tiraillés par la faim et profitant du sommeil du vrai vainqueur de Troie, ces derniers avaient désobéi, et capturé une des bêtes pour la manger. La colère d’Hélios avait alors éclaté, pendant que le souverain d’Ithaque tentait de s’enfuir avec ses hommes, pour leur sauver la vie. Prévenu par le Soleil, Jupiter avait déclenché une tempête qui fit chavirer et couler l’ultime navire de notre héros antique. N’ayant pas touché à la malheureuse génisse dévorée, Ulysse avait été le seul survivant de ce désastre, s’accrochant à un radeau de fortune. Toutefois, dans son malheur, ce dernier l’avait amené de nouveau dans le sillage de Charybde, qui s’éveilla. Sur le point d’être avalé, il avait vu sa vie épargnée par un figuier, poussant sur la falaise, auquel il s’était accroché. Quand le gouffre marin rejeta son frêle esquif au loin, il avait sauté le plus loin possible pour le récupérer et poursuivre son chemin, seul au monde, l’espoir de rentrer s’effritant un peu plus. Après neuf jours d’errance, et un énième naufrage, Ulysse avait échoué sur la plage de l’île d’Ogypie, contrée de Calypso « aux belles boucles ».

Fille d’Atlas, elle y vivait entourée de plusieurs nymphes. Quand elle y rencontra le roi d’Ithaque, elle était tombée éperdument amoureuse de lui. Le soignant, elle avait mis tous ses efforts pour le garder auprès d’elle, tâche où elle avait excellé. En effet, elle avait réussi à le maintenir en sa possession durant sept ans, désireuse de le voir l’aimer en retour, avec des sentiments aussi forts que les siens. Malheureusement, malgré l’offre de Calypso de lui donner l’immortalité et l’éternelle jeunesse, l’amour de sa patrie et de Pénélope étaient demeurés toujours le plus fort. Refusant ses présents, Ulysse avait passé toutes ses journées sur le rivage, à contempler la mer, les yeux mouillés de larmes, et l’esprit tourné vers Ithaque et son épouse. Le cœur touché par autant d’afflictions, Jupiter en fut ému. Conseillé par Minerve, il avait dépêché Mercure auprès de la nymphe pour lui ordonner de libérer son prisonnier. Après un repas d’ambroisie et de rouge nectar, le messager divin avait fait la commission, appuyant le fait que le destin d’Ulysse était de ne point mourir loin des siens, mais de revoir sa patrie. Malgré la douleur et les deux enfants, Nausithoos et Nausinoos, qu’elle avait eu avec lui, Calypso avait dû obéir au dieu des Dieux. L’ayant juré sur le Styx, elle avait même aidé Ulysse à construire un radeau, à se fournir en vin, en pain et en eau. Elle avait bien tenté de le convaincre de rester, mais en vain. Il avait continué à choisir Ithaque et Pénélope. Se résignant, elle lui avait offert un vent doux et propice, au moment de son départ. Inconsolable, la grotte de Calypso ne devait plus résonner de son chant, les nymphes la servant, n’osant plus parler. De son côté, Ulysse avait dû faire face à une nouvelle tempête, tempête éveillé par Neptune, toujours aussi rancunier. Après plusieurs jours, il s’était, par la suite, retrouvé une nouvelle fois naufragé sur l’île de Corfou, territoire des Phéaciens. Il fut retrouvé inconscient par Nausicaa.

Cette dernière était la fille d’Alcinoüs, roi de cette contrée, et d’Arété. Belle et étrange jeune fille, prenant plaisir à l’observation du monde, elle était dotée d’une personnalité très sensible. Témoin du malheur d’Ulysse, suite à la tempête, Minerve était apparue à la princesse en rêve, sous les traits d’une de ses amies. Elle lui avait alors parlé d’un projet de mariage la concernant, et lui avait conseillé d’aller laver les linges à la rivière dans le but de la préparer à sa destinée maritale. Le lendemain, après avoir demandé à son père un attelage, Nausicaa avait suivi le conseil, et s’était donc dirigée, accompagnée de ses compagnes, vers les flots avec une fiole d’huile d’olive et quelques victuailles, en plus des vêtements qu’elle souhaitait nettoyer. Ayant terminé leurs tâches, les jeunes femmes s’étaient baignées et avaient joué à la balle. Encore une fois, Minerve était intervenue, détournant cette dernière vers l’endroit où avait échoué Ulysse. Courant derrière l’objet, les joueuses l’avaient ainsi découvert. Face à un homme nu, sale et certainement affamé, les suivantes s’étaient mises à s’enfuir en criant. Seule Nausicaa était restée avec le courage insufflé par la déesse. Réveillé par les hurlements, le mari de Pénélope avait couvert avec précipitation sa nudité, et avait plaidé sa cause auprès de la princesse. Songeant à son rêve, et persuadée d’avoir devant elle son futur époux, tellement elle s’était éprise de lui dès le premier regard, la fille d’Alcinoüs lui avait alors prêté des vêtements embellis par la divinité de la Sagesse. Contre l’avis de ses compagnes, elle l’avait également invité à la suivre jusqu’au château. Afin d’éviter que le peuple médise sur son compte d’être accompagnée par un étranger sans être mariée, Nausicaa avait reçu l’aide de Minerve, transformée en jeune garçon. Recouvrant Ulysse d’un voile, elle l’avait rendu invisible à la vue des autres, et avait conseillé la princesse de faire appel à sa mère. Suivant cet avis, Nausicaa avait conduit son soupirant à Arété. Se jetant à ses genoux, et sans révéler sa véritable identité, le roi d’Ithaque lui avait alors raconté son histoire, et son plus grand souhait, rentrer en sa patrie. Touchée par sa détresse, la reine de Phéacie l’avait alors introduit à son époux. Alcinoüs lui fit ainsi bon accueil, et était allé jusqu’à lui proposer la main de sa fille. Malheureusement pour Nausicaa, Ulysse avait respectueusement refusé, ne pensant qu’à Pénélope et à Télémaque. Afin de remercier Nausicaa, il n’avait pu que lui promettre de lui adresser des vœux tous les jours de sa vie. Maigre consolation pour cette princesse qui, le cœur brisé, avait vu celui dont elle était tombée amoureuse, partir à bord du navire donné par le roi, son père.

Après plusieurs jours de voyage, Ulysse avait enfin abordé l’île d’Ithaque après vingt ans d’absence. Trouvant une contrée sujette au désordre, il s’était tout d’abord rendu chez Eumée, son discret et plus fidèle serviteur. Ce dernier lui avait alors raconté que plusieurs princes, convaincus de sa mort, s’étaient rendus maître de son royaume, dissipant tous ses biens. Tous étaient des prétendants, pressant Pénélope d’en choisir un parmi eux pour prendre sa place dans son lit et sur son trône. Désireux de voir de ses propres yeux, Ulysse s’était déguisé en mendiant, et s’était rendu jusqu’au palais. Aux portes, il avait été reconnu par son chien, Argus, toujours fidèle au poste et qui mourut de joie de le revoir de retour. S’installant sous le parvis où d’ordinaire, les pauvres recevaient soins et nourritures, ses pieds avaient été lavés par sa vieille nourrice Euryclée. Voyant la blessure qu’il s’était fait en combattant un sanglier, alors qu’il était encore prince, elle avait découvert sa véritable identité. L’introduisant près de la salle de réception, les paroles d’Eumée y avaient trouvé expression, voyant des princes festoyés à ses dépends et saccagés son domaine. Furieux, Ulysse allait se jeter sur les prétendants que la rentrée de Pénélope l’en avait empêché.

Devant tous, elle avait annoncé une compétition, dont le trophée serait sa main. En effet, la souveraine avait eu, la nuit précédente, la visite en songe de Minerve, qui lui avait soufflé un moyen de se débarrasser de tous ces princes. Face à eux, elle s’était résignée à épouser tout homme qui arriverait à tendre l’arc de son défunt mari, et à tirer une flèche qui devait passer dans le fuseau de plusieurs haches posées debout sur leur manche, exploit dont Ulysse était l’unique dépositaire. Ainsi, serait scellé son destin. Profitant du délai imparti, le roi d’Ithaque avait demandé à Eumée et à Euryclée de lui amener son fils. Ainsi, à l’abri de la maison du serviteur, Télémaque avait enfin rencontré son père, et l’ayant reconnu, s’était proposé de l’aider à retrouver tous ses droits. Le lendemain, toujours caché sous son déguisement, Ulysse avait été introduit dans la salle du défi. Témoin des échecs de chaque prétendant, il avait demandé la faveur d’essayer, faveur qui lui fut accordé. Sous les regards ahuris des princes, il avait réussi à tendre l’arc et à tirer la flèche qui avait traversé le fuseau de chaque hache. Puis, se découvrant à tous, il avait de nouveau usé de l’arme, la retournant contre ses rivaux. Ils en avaient tué quelques uns de ses flèches, alors que d’autres avaient succombé de son épée et de celle de Télémaque, ainsi que de ses plus fidèles serviteurs. Ainsi reconnu de Pénélope, Ulysse avait réussi à reprendre sa place auprès d’elle, et sur son trône. Par la suite, il avait régné paisiblement sur son royaume d’Ithaque jusqu’à sa mort.


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