Chapitre 27 Supporter
On m’a dit de supporter.
- D’autres sont à l’agonie quand tu te plains.
- Tu n’es pas mourante, ce n’est rien.
J’aurais voulu les croire. Réussir à me convaincre que ça ne fait pas si mal. Pourtant…
Ça commence toujours doucement. Si doucement que je le remarque à peine, habituée aux douleurs qui traversent mon corps.
Un point de douleur localisé dans le bas du dos. Léger. Quasiment imperceptible. Je bouge, allongée sur mon lit. Ce doit juste être parce que j’ai conservé la même position trop longtemps.
Puis elle glisse. Elle augmente progressivement. Trop lentement pour que je me décide à me lever pour prendre un médicament. Qui ne fonctionnera pas.
Elle se loge dans mes articulations. Les genoux d’abord. Puis les chevilles. Elle pulse désagréablement.
Enfin, elle grimpe le long de ma colonne vertébrale, gagne mes épaules et mes poignets. Elle pulse dans ma tête — marteau à migraine.
Coup de grâce qui déclenche larmes et gémissements : le ventre, les fesses, la poitrine.
Chaque minuscule mouvement donne un espoir vain :
- Peut-être va-t-elle disparaître ?
Non.
Elle pulse, au rythme douloureux des battements de mon cœur.
L’anxiété monte. J’hyperventile. Je serre mon oreiller contre moi, puis ma main autour de mon cou. Pitié. Je veux mourir.
Des images envahissent mon esprit : j’arrache, une à une, chaque partie douloureuse. Le sang s’écoule en ruisseaux brillants sur le sol.
Quand je parviens enfin à prendre un anti-douleur, j’attends une demi-heure. Deux heures. Quatre heures.
Non. Elle ne passera pas avant le matin.
La nausée se joint au concert. Je peux à peine bouger. Mais j’ai le cœur au bord des lèvres, même avec l’estomac vide.
C’est seulement au petit matin qu’elle atteindra un niveau supportable, laissant place à un sommeil agité, rempli de cauchemars.
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L’hypersensibilité
L’hypersensibilité est une condition qui rend le sujet plus sensible que la norme, c’est-à-dire la majorité de la population.
Elle peut être émotionnelle, physique, ou sensorielle, et se manifeste différemment selon les individus.
Dans mon cas, elle est à la fois émotionnelle et physique. Je ressens les émotions et les douleurs des autres comme si elles étaient les miennes.
Quant aux miennes, je les ressens de manière extrêmement intense.
Depuis quelques mois, je souffre de douleurs pelviennes chroniques. J’ai été diagnostiquée avec de l’adénomyose dès l’âge de 12 ans.
Pourtant, les dernières échographies ne révèlent plus rien. Mais ce que je ressens ne correspond pas à ce que les images montrent.
Il pourrait s’agir d’un cas grave d’endométriose, mais le gynécologue que j’ai consulté n’a même pas envisagé cette possibilité.
Quoi qu’il en soit, le sommeil me fuit, je survis grâce à des antidouleurs puissants, et j’ai de plus en plus l’impression d’être étrangère à mon propre corps.
Je me demande parfois s’il ne s’agit pas du syndrome de dépersonnalisation ou de déréalisation, ou d’une autre forme de rupture entre mon corps et moi.
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