Le fou

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La particularité de cette enquête tenait en ce simple constat : Carla, célèbre meneuse de revues des années 20, est retrouvée morte dans sa loge au moulin rouge. Aucune trace d’effraction, mais la certitude qu’un meurtre avait bien été commis au sein du célèbre cabaret.

  • Vous m’avez l’air perdue dans vos pensées, Brigitte.

— Un souvenir, rien de plus, très cher.

— Dîtes m’en plus, voyons. Me faire languir alors que nous venons tout juste de tuer Carla.

— Bien, je me suis souvenue du soir dernier, je revois nos danseuses sous les lumières tamisées du cabaret. Et j’entends ce fracas dans le bureau de Charles.

— Le patron avec sa longue moustache bien grasse ?

— Qui d’autre ? Ensuite, je sens cette odeur affreuse de parfum boisée, Jicky de Guerlain, une senteur d’avant-guerre qui me rappelle les veuves en larmes. Je peux m’assoir ? J’ai comme un cafard qui court le long de ma jambe. Rapprochez-vous…

Je me dirige d’un pas conquérant vers la plus belle femme au monde, bien plus belle encore que le corps froid, mutilé, gisant sur le plancher de sa loge. Je ressens la chaleur de ses mains qui ont œuvré pour parfaire sa destinée. Je peux l’écouter jusqu’au petit matin, sans un whisky à la main, car boire pourrait effacer ma mémoire. Je veux me rappeler d’elle, saisir tous les moments et son sein au creux de la main, m’envoler au firmament, la voir chambouler ma vie et pouvoir troubler la sienne.

— Il faut couvrir nos traces, Brigitte.

— Oui, j’ai cru lire chez une nouvelle autrice, très prometteuse ; Agatha Christie dans son œuvre : La mystérieuse affaire de styles. Nous devons nous trouver un alibi.

— Un alibi ? Je pense que personne ne doit savoir que vous l’avez tuée. Je prendrai le risque de m’exposer et plonger pour vous.

— Romain, il n’est pas sage de penser ainsi. Je refuse de refaire ma vie avec un autre.

Elle me caresse les cheveux avec la même délicatesse que Madame Pouvdor, celle qui a eu la charge de mon éducation, ses années durant, dans cet internat de malheur. Je me pense indigne de son affection. Brigitte, mon héroïne, ma meurtrière.

— Nous pouvons fuir à la campagne, loin de la folie Parisienne ?

— Hors de question, vous ne pouvez pas fuir, votre destinée est là. Comme vous avez pu le sous-entendre, il vous faut une excuse. Nous ne pouvons pas quitter les lieux avant la fin de notre service. Et comme à votre habitude, vous passerez toquer à la loge de Carla, vous crierez comme une louve qui a perdu son petit. Vous supplierez le Bon Dieu que tout est mascarade. Vous alerterez Charles que sa vedette a été refroidie.

J’esquisse un sourire, je revois son âme disparaitre, ses yeux s’éteindre, ce plaisir à trois.

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