Perséphone, fallait les ranger !

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Lady Déméter s’impatientait. Le plancher en chêne de son bureau portait les traces de son agacement, tant elle avait arpenté nerveusement l’espace qui séparait la fenêtre de son fauteuil. Une fois de plus, elle s’assit, saisit le téléphone et posa brutalement les talons de ses bottines à lacets près du sous-main. Sous le choc, l’encrier en argent aux armes de la compagnie manqua de se renverser et la plume d’oie trembla comme une feuille au vent d’automne. Sa jupe glissa jusqu’aux genoux dévoilant des mollets qui n’avaient pas vu le soleil depuis longtemps.

J’irais bien à la plage…

— Nom de Zeus, ce n’est pas le moment !

Elle décrocha le combiné orné d’un épi d’or et tourna la manivelle.

— Oui Madame la Présidente ?

— Le courrier est bien parti ?

— Oui Madame, ce matin par messagerie express, on m’a assuré qu’Hermès s’en chargeait lui-même.

Lady Déméter lança le téléphone sur le bureau et cette fois-ci, des gouttes violettes s’écrasèrent sur le buvard. Les pétales s’étalèrent doucement puis se mélangèrent, la fleur avait fané. Elle piétinait à nouveau devant la fenêtre quand enfin il arriva.

***

Héraclès gara sa Catheram 600 devant les marches de l’immeuble. Le moteur à vapeur crachota, laissa échapper une grande volute blanchâtre et se tut. Il ne fonctionnait pas avec du charbon, mais au moyen d'un système particulier fabriqué par la Déméter Limited, le Steamer-Core. Et bien qu’il faille le recharger régulièrement, il équipait pratiquement tous les véhicules légers du royaume ainsi que les moissonneuses et diverses autres mécaniques. Héraclès sauta par-dessus la portière de la décapotable et grimpa quatre à quatre les marches de l’escalier qu’encadraient de grandes colonnes ioniques. Il ne manquait jamais une occasion d’exhiber sa musculature puissante et son manque de maturité. Après un petit clin d’œil à l’hôtesse, il poussa la porte du bureau.

***

— Te voilà enfin !

— Désolé, j’étais un peu occupé avec un lion.

— Peu importe !

— ben, quand même…

— Écoute, je n’ai plus de nouvelles de ma fille depuis trois jours. Elle devait se rendre sur le plus grand puits de mine de la Styx corp afin de tester un nouveau modèle de Steam-Core. Il pourrait équiper les chevalements et être bien plus efficace que le charbon dans ce cas précis.

— Et tu voudrais que je récupère le Steam-Core.

— Mais non crétin ! Retrouve Perséphone, j’ai besoin d’elle, c’est elle l’ingénieure derrière tout ça. Tu peux accomplir ce travail ?

— Aucun problème, je pars tout de suite. Dit-il en se dirigeant vers la porte.

— Attends ! Tu n’oublies rien ?

— …

— L’endroit, andouille !

Je me demande si j’ai bien fait de lui confier cette tâche ?

***

Héraclès observait le va-et-vient autour du plus grand puits de mine qu’il n’avait jamais vu. En fait, c’était la première fois qu’il en voyait un. Il devait bien faire une trentaine de mètres de diamètre.

Trois énormes chevalements ne cessaient de descendre et monter des ouvriers du matériel ou du charbon.

— Hé toi, le grand costaud, tu cherches du boulot ?

L’occasion était trop belle.

— Sûr m’sieur !

— Prends la file et descends, on te filera c’qui faut au fond.

Quand son tour vint, Héraclès monta dans la benne. Il fut surpris par la vitesse à laquelle la descente s’effectua et s’accrocha à son voisin.

— Haha, alors eu’l nouveau on a la pétoche !

Le trou au-dessus de sa tête diminuait rapidement et bientôt il ne resta plus qu’un cercle gros comme l’ongle de son petit doigt. Enfin, l’ascenseur stoppa.

Il se trouvait dans une grotte aux proportions gigantesques. Alors qu’à gauche s’enfonçait un large et profond tunnel, une véritable ville se tenait sur sa droite. Héraclès n’en croyait pas ses yeux.

— Faut que j’trouve un truc à boire !

— Vous dites ?

Un petit homme se tenait près de lui, il était d’une pâleur extrême et ses yeux luisaient comme la braise. Héraclès sursauta. Décidément, cet endroit ne manquait pas de le surprendre.

— Si vous voulez boire un bon coup, il faut aller au Psychopompe. Vous venez de la surface ?

— Oui, vous aussi j’imagine.

— Non, moi je suis un mort.

— Ça n’en a pas l’air.

— C’est parce que je ne le suis pas.

— Heu…

— Tous ceux qui ne remontent plus et qui habitent Enfers, la cité là-bas, s’appellent les morts ou les mortes, c’est selon.

— Selon quoi.

— Vos orientations.

— Ha, je suis nul en géographie moi, merci j’y vais.

— À cette heure, il a une chanteuse, et faite attention au chien.

L’étrange personnage s’éloigna, laissant Héraclès à ses réflexions. Les rues succédaient aux rues sans qu’il ne trouve son chemin, jusqu’à ce que la musique parvint à ses oreilles, ainsi qu’un triple grognement qui n’augurait rien de bon. Un monstre tricéphale gardait l’entrée de la taverne. La tête du milieu ouvrit une gueule où des crocs acérés dégoulinaient de bave.

— Mot de passe fit-elle d’une voix caverneuse !

Héraclès ne l’avait pas, aussi fit-il comme à son habitude. Il banda ses muscles, saisit la tête et l’arracha d’un seul coup.

— Non, mais t’es cinglé ! dit la tête de droite, c’est juste un jeu. Putain, on se traîne que des abrutis aujourd’hui !

L’ambiance était charbonique. Sur scène l’artiste faisait son show. Elle chantait sur une musique langoureuse et dansait autour d’une barre verticale sur laquelle elle s’accrochait et tournait de différentes manières. L’effet était spectaculaire. Héraclès s’assit à une table au hasard.

— Elle est superbe hein, fit son voisin.

— Hadès ? C’est toi ? Qu’est-ce que tu fais là ?

— C’est chez moi ici. Je suis le propriétaire de la Styx corp. Tu la reconnais ? C’est Perséphone. Elle veut rester ici, ça lui plaît.

— Ha, il va y avoir un problème, alors, faudra négocier avec sa mère.

— Ouais, on sait. Au fait comment t’es entré, Cerbère n’était pas là ?

— Heu... c’est ton chien à l’entrée ? Désolé, je l’ai un peu cassé.

— C’est Héphaïstos qui va pas être content, c’est lui qui l’a forgé.

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