Il y a un mois, ou peut-être un peu plus maintenant, j'ai reçu une lettre des plus inattendue. C'était à une période de ma vie où j'avais perdu tout sens dans ce que je faisais. Ma petite amie, avec laquelle je m'étais fiancée un an auparavant, avait décidé de rompre. Je n'ai pas très bien saisi les raisons de ce revirement soudain. Tout me semblait pourtant bien se passer. Nous avions déménagé pour qu'elle puisse avoir un poste qui lui convenait le mieux. Je m'étais éloigné de ma famille pour qu'elle puisse s'épanouir. Ce qui m'avait valu plusieurs remarques deplaisantes de mes proches. Peu importait, si ma fiancée pouvait être plus heureuse. Malgré tout cela n'a servi à rien. Elle ne ressentait plus la même chose et je devais faire avec. Ce n'est pas comme si elle me laissait le choix à vraiment dire. Ce n'est pas comme si je pouvais l'obliger à avoir de nouveaux des sentiments pour moi.
C'est donc le cœur brisé que je suis retourné vivre chez mes parents. J'avais mis toutes mes économies dans ce déménagement. J'avais perdu près de dix kilos en l'espace de quelques semaines et broyais du noir. J'attendais de répartir en mission tout en me demandant si cette vie valait vraiment quelque chose. Qu'avais-je réalisais de tout cette existence qui était la mienne ? J'ai servi mon pays, certes. Je me suis battu pour la liberté, le droit et la dignité. Mais ai-je vraiment aidé les autres? Que laisserais- je derrière moi si je mourrais sur le champ de bataille ? Telles étaient les questions qui m'animaient durant ces jours de repos mornes lorsque je reçus une missive. Un fait étrange puisque je n'avais dit à personne que j'étais revenu vivre chez mes parents. Était-ce mon ancienne petite amie qui m'écrivait pour une raison quelconque ?
Je regardais longuement l'enveloppe blanche posée sur la table. Un doux parfum fruité émane du paquet sur lequel mon nom et l'adresse de mes parents est indiqué. L'écriture est fine et légèrement penchée. Plus je fixais le papier et moins j'avais l'impression que cela pouvait être Sarah. Même l'odeur du parfum ne me disait rien. À moins qu'elle l'est changée au moment même où elle a décidé de mettre fin à notre relation. C'était une femme qui m'ecrivait, j'en avais la conviction. Mais si ce n'était pas Sarah, alors de qui pouvait-il bien sagir ? Une ancienne petite amie ? Décidément ce message m'intriguait. J'ouvrais l'enveloppe, l'esprit en ébullition. Le message se comportait de deux papiers à carreaux sur lesquels de belles lettres écrites à la plume s'enchaînaient. Je regardais directement la signature. La lettre était au nom d'une certaine Louna. Ce nom ne me disait rien. Ma mémoire ne se mit aucunement en marche à l'évocation de ce nom. J'avais beau me le répéter intérieurement, aucune lumière ne s'allumait. La curiosité grandit alors en moi, dévorant brusquement toutes mes autres pensées. Je devais savoir pourquoi cette Louna m'écrivait. Je commençais donc à lire les informations que me donnaient cette femme, à première vue, plutôt jeune. J'ignorais alors encore que cette lettre allait me bouleverser, bouleverser toute mon existence.

" Bonjour Quentin,

Tu n'imagine même pas le nombre de fois où j'ai dû récrire cette lettre pour en être parfaitement satisfaite. Ni même les recherches que j'ai dû entreprendre pour te retrouver. J'espère que tes parents te remettrons ce courrier puisque je n'ai pas réussi à découvrir grand chose à vrai dire. Peut-être es tu marié et as-tu changé de nom ? Ce doit être probablement le cas, tu as toujours eu beaucoup de succès auprès des filles. De mémoire, tu parlais facilement et habillement avec tout le monde. Je te dis ça, mais tu dois probablement m'avoir oublié. Peu importe. Ne te sens pas du tout gêné de m'avoir effacé de ta mémoire. N'importe qui l'aurait fait. Je n'avais pas une grande importance pour toi. Enfin, ce que je veux dire c'est que tu ne m'as jamais aimé. Pour moi, en revanche, tu as beaucoup compté. J'espère que tu es rentré dans l'armée, comme tu le voulais. Que tu es heureux dans ta vie d'aujourd'hui. Mes mots me paraissent tellement ridicules... Je ne sais même pas pourquoi je t'écris à vrai dire. Enfin si. Mais je doute que ce soit d'une grande importance pour toi. C'est plutôt pour moi que cela en a. Je voulais te remercier. Te dire combien ta présence m'avais aidé à l'époque. Combien ta désinvolture avait été salvatrice. Je voulais te dire merci d'avoir changé mon destin. De m'avoir permis de grandir, de m'épanouir. De m'avoir montré que rien n'est insurmontable."

Le mot était signé Louna, ta voisine de table et de nom. J'avais beau me creuser les méninges tout me semblait flou. Cette fille qui avait passé du temps à me chercher, qui me remerciait et qui était censé être ma voisine de table et de nom, ne me disait rien. D'ailleurs, cette phrase ne voulait rien dire. J'étais frustrée que la lettre s'arrête là. Je voulais savoir qui était cette fille et ce qu'elle avait vécu pour me remercier. Elle ne pouvait pas me laisser ainsi, dans le flou. Elle devait m'en dire davantage. Pourquoi est-ce que je me sentais aussi concerné par ce qu'elle me disait alors même que j'ignorais son identité ? Pourquoi ses mots faisaient écho en moi ? Qu'avais-je bien pu faire pour que cette Louna en arrive à m'écrire des années plus tard ? Parce que pour moi, il était évident que cette histoire datait de ma jeunesse. C'était une intuition que j'avais tout au fond de moi et pourtant j'étais bien incapable de remettre un visage sur son nom. Ni même de me remémorer un moment que j'aurai pu passer avec cette Louna. Bon sang, quel mystère. Et puis, pourquoi m'écrit-elle aujourd'hui précisément ? Généralement, les gens écrivent ce genre de lettres sur lorsqu'ils se savent condamnés. Se pourrait- il que cette jeune femme soit mourante ? Étrangement cette idée me glaça le cœur.