18.

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D'après ses calculs, le pick-up serait restitué aux alentours de 19 heures, ce qui compte tenu des conditions climatiques ne s'avérerait pas être une mauvaise affaire.

Une légère part de Rick appréhendait néanmoins la réaction de McPherson. Il trouvait bizarre que la standardiste n'ait rien eu à ajouter après avoir transmis l'information. Pas de question, pas de doute de la part du chef. Uniquement cette voix de robot : "l'information a bien été transmise". McPherson semblait donc avoir accepté la nouvelle comme un ivrogne accepte un litre de vin gratuit. En quelques semaines, il en avait pourtant entendu à son sujet. Il savait que c'était un type autoritaire et un brin timbré sur la discipline – personne n'était dupe. Mais la discipline étant quelque chose à laquelle Rick aimait se raccrocher, il avait fait abstraction des rumeurs et s'était concentré sur ce point commun, sur cette discipline qui lui ferait obtenir une promotion. La journée avait bien commencé pour y parvenir, mais il doutait de plus en plus que cela aboutisse positivement. Dans l'idéal, il aurait dû rentrer au plus tard à midi (du moins ç'aurait été la limite acceptable pour le patron) et terminer sa journée sur la calibreuse. Au lieu de ça il avait fait envoyer un télex minable et s'était presque plu à se branler les couilles avec tous les autres bûcherons. Il avait même fait une sieste ! Pour sûr que ça irait mal. Pour sûr que le patron allait poser un tas de questions malaisantes.

Tout cela le fit réfléchir quelques instants avant de conclure qu'il n'en avait rien à foutre. Depuis Archie, il existait des tonnes de choses pour lesquelles il n'en avait rien à foutre. Et ce trouduc de McPherson était loin de l'effrayer. Pas de promotion, tant pis, il irait voir ailleurs.

Rick ressentait déjà l'envie d'uriner avant de partir. Après une demi-heure de route à faible allure, ça n'avait fait qu'empirer. Il rangea le pick-up sur le bas-côté qui fut le fossé. Ce dernier était rempli de boue, de branchages et de pierres éboulées. Il activa les plein phares. Le faisceau éclairait un petit chemin pentu plongeant vers les bois. Malgré le peu de chance de se faire repérer, il préféra gravir le sentier de quelques mètres histoire de s'abriter de la voie. Il s'arrêta à mi-chemin entre le véhicule et la crête et commença enfin à se soulager. Alors que l'urine coulait à flot, il repensa à Patty. Le sentiment de libération sûrement.

Tandis qu'il arrosait la terre gorgée d'eau, il laissa son regard vagabonder aux alentours et plus particulièrement sur les hauteurs. La lune était apparue à travers les nuages. Rick l'observa brièvement tout en poursuivant sa petite vidange. Puis son oeil fut attiré par une curieuse forme triangulaire. En forçant davantage sur ses yeux, il remarqua que la masse avait un ton cuivré, pour ne pas dire carmin. Intrigué, il rangea son membre et gravit les quelques mètres qui le séparaient de la curieuse forme. Il s'écarta du rayon des phares pour mieux l'apprécier. Cela ressemblait à une valise du genre vieille malle en cuir de contrebandier du XIXe siècle. Elle était presque entièrement enterrée hormis une arrête qui trônait comme une pyramide. Les dernières pluies étaient probablement la cause du déterrement, mais le pourquoi du comment cet objet se trouvait ici n'agitait pas encore l'esprit de Rick. En revanche, sa curiosité quant au contenu demandait réparation.

Il redescendit à la voiture récupérer une lampe torche ainsi que la pelle dont Freddy et Hank s'étaient servis pour déblayer les roues. Il commença à piocher autour de la malle. À cet instant, Rick Paterson agissait sans penser et sans imaginer ce qu'il allait découvrir. Ce n'était qu'une simple curiosité à satisfaire.

Il creusa jusqu'à atteindre le verrou. D'un coup sec la pelle le brisa, délivrant ainsi à la fois le contenu mais aussi l'imagination de Rick. Une part de lui espérait les lingots d'or et les bijoux, l'autre s'attendait à voir apparaître un tas de vieux fringues puants. Incapable d'attendre plus longtemps, il souleva le couvercle terreux et eut la brève sensation qu'un voile noir s'abattait devant lui. C'était l'un des derniers souvenirs de la mère de Denise avant que ça ne pète dans son cerveau. Elle ne faisait rien de précis à ce moment-là. Du moins, elle n'avait pas été perturbée par une émotion augmentant sa pression sanguine. Ça avait juste lâché comme ça, entre le moment où elle avait posé ses clés sur sa table et l'ouverture des rideaux du salon. Une sorte de bandeau noir devant les yeux, puis une douleur sans nom. Rick, lui, sentit une douce chaleur irradier son corps et un sentiment bien loin d'une douleur dans sa tête. La salive lui manqua, paradoxe absolu au milieu de cette humidité. Des dollars ! des centaines, des milliers, voire peut-être même des centaines de milliers de dollars en liasse se tenaient sagement rangés par tas.

Il se frotta le visage, se pinça pour s'assurer d'exister. Et il existait, tout comme existait la certitude que cette malle ne passerait pas une minute de plus dans cette montagne.

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