29.

4 minutes de lecture

Longtemps Denise s’était demandée si Rick ne la trompait pas. Elle avait même un moment toléré l’idée. Elle s’était dit que dans l’ignorance, s’il se montrait discret, elle serait capable de jouer la comédie. Surtout, elle avait pris ça comme un coup d’avance. Une garantie quant à une éventuelle déviance venant d’elle.

Puis le temps avait passé. Elle n’avait jamais soupçonné Rick d’adultère et elle n’avait jamais été voir ailleurs. De ce fait, au moment ou Patty Bells était entrée dans sa vie (et dans sa maison), on pouvait clairement affirmer que Denise n’était pas préparée à le découvrir. Elle n’avait aucune idée de la réaction à avoir. Certes, les choses s’étaient mal passées, mais la tromperie n’avait pas été au coeur de l’embrouille. C’était une affaire de personne. Ou plutôt de personnalité. Cette garce lui était apparue comme le diable. Et d’ailleurs, elle avait combattu comme le diable. Denise n’avait pas supporté sa manière de parler, de bouger. Elle n’avait pas réussi à assimiler son petit visage d’ange autrement que comme celui du malin se feignant de beauté. Surtout, et ce fut le déclencheur de sa folie, Patty Bells avait fait allusion à son fils.

Assise sur son lit, emmitouflée dans une couverture, l’infidélité de Rick commençait à agiter ses pensées.

— Francis, je peux te poser une question ?

Il se tenait devant la fenêtre, de dos, guettant le retour du maître des lieux. La chambre était plongée dans l’obscurité. Seul un lampadaire public situé sur le trottoir d’en face éclairait la pièce.

— Bien sûr.

— Est-ce que tu les avais déjà vus ensemble ? Je veux dire… Rick et elle.

Francis se rappela les nombreuses fois où Patty était entrée au magasin avec des hommes. Mais ce fut chaque fois de jeunes, très jeunes hommes, au moins aussi jeunes qu’elle. Quand Rick venait, il s’en souvenait, car c’était rare et toujours pour des cigarettes ou de la bière.

— Non, répondit-il sincèrement.

Elle tourna la tête vers la table de chevet. Un cadre affichait la petite famille lorsqu’elle était au nombre de trois.

— C’est curieux, reprit-elle, je croyais que je m’en ficherais d’être cocue. Je pensais vivre ça comme toutes ces femmes qui acceptent tout parce qu’elles sont aux bottes de leur bonhomme. Je me disais même que j’aurais moins de remord si je devais le tromper. En réalité, ça fait mal. Et je n’arrive pas spécialement à localiser où.

Il tourna la tête et vit qu’elle se passait la main du ventre à la poitrine.

— C’est une forme de trahison. Personne n’apprécie.

Elle acquiesça doucement et retourna la photo. Comme pour ne pas croiser le regard de l’homme qu’elle prévoyait d’assassiner. Puis elle se leva et rejoignit Francis. Elle entoura ses bras autour de son torse et posa sa tête sur son dos. Son coeur battait extrêmement vite. Elle pensa que c’était pour ce qu’ils s’apprêtaient à commettre, mais elle se trompait.

— J’ai peur, murmura-t-elle.

Francis mourrait d’envie de se retourner, de croiser son regard et d’y livrer tout l’amour qui écoulait du sien. Indubitablement, il l’embrasserait et voudrait faire l’amour sur le lit conjugal des Paterson. Ce n’était pas le moment. Et puis, il n’était pas certain que Denise était dans cet état d’esprit.

— Moi aussi j’ai peur. Mais ça va aller. On est deux. On est tous les deux.

Il ne le vit pas mais Denise sourit. Ces quelques mots l’avaient brièvement rassurée.

— Tu penses que ça va marcher ? demanda-t-elle.

— Il faut que ça marche. Si ça marche pas…

La lumière des phares de Rick l’empêcha d’achever sa phrase.

— Chut. Le voilà. Retourne t’assoir sur le lit.

Denise sentit un frisson la parcourir et elle eut envie de se glisser toute entière sous la couette.

— T’es sûr ? C’est bien son fourgon ?

— Il vient de se garer devant la maison. Assieds-toi, je le surveille.

Une portière claqua. Francis reconnut l’allure de Rick, ses pas à la fois si nonchalants et assurés. Il semblait manipuler quelque chose à l’arrière de son tas de bout.

— On fait comme on a dit. Je me mets derrière la porte et dès qu’il entre je… Enfin tu sais.

Puis il saisit le pied de chaise cassé dans la bagarre avec Patty. Il avait encore du sang sur les doigts. Denise sentit sa poitrine se contracter. Mais quelle vaste connerie sommes-nous en train d’accomplir ? se répétait-elle en boucle.

— Merde, chuchota Francis. Je le vois plus. Je crois qu’il est entré.

Tétanisée, Denise ne dit rien.

Francis alla se placer près de la porte, entre le butoir de sol et une commode dont certains sous-vêtements dépassaient des tiroirs.

Denise ferma les yeux, alternant des images de Rick, d’Archie et d’elle, du temps où tout allait bien. Du temps où ça allait mal. Puis elle se força à imaginer Patty. Elle voulait que cette dernière prenne le dessus pour se donner du courage.

Mais le courage se faisait la malle.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire BriceB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0