1. Il ne portait pas de pull (1/3)

2 minutes de lecture

(Pour l'ambiance musicale : https://youtu.be/o6vptqMYk3g)

*

   Il pleuvait sur Paris. Il pleuvait sans discontinuer depuis la veille. Partout, l'on entendait des flaques se disloquer sous les pneus des voitures, des gouttes ricocher sur les trottoirs et ruisseler le long des chéneaux. La ville se diluait sous les épanchements du ciel. Depuis le porche du hall principal, Thaïs observait les volutes de fumée de sa cigarette s'échapper vers la grille. La pluie qui les fauchait net dans leur course lui arracha un soupir : d'aussi loin que remontaient ses souvenirs, elle avait toujours fait ses rentrées sous la flotte. Quelqu'un Là-Haut devait croire que renoncer aux promesses de l'été n'était pas assez déprimant comme ça.

   L'heure tournait. La jeune femme prit une dernière taffe, écrasa son mégot dans le cendrier le plus proche et consulta son nouvel emploi du temps, assemblé tel un patchwork depuis les tableaux d'affichage, près des amphis. Littérature ; une heure et demie, troisième étage.

   Thaïs grimpa les escaliers, traversa le couloir jusqu'à la salle de cours, choisit une place centrale, à deux rangs du fond, et attendit. Plongée dans ses réflexions, elle n'accorda pas un regard à ses comparses, pas plus qu'elle ne prêta attention à leurs discussions. La lettre de motivation qu'elle devait pondre en rentrant la taraudait. Ses parents l'avaient assurée de leur soutien pour le loyer, mais la jeune femme était fière et tenait à son indépendance, il lui fallait donc un job. Seulement voilà, quelle motivation pouvait-on bien avancer quand on postulait à un boulot alimentaire ? Manipuler des pièces sorties de je ne sais où, moi j'adore ! s'imaginait-elle affirmer à un recruteur, ses boucles châtain rebondissant en désordre tandis qu'elle hochait la tête. J'ai toujours eu envie de jouer du tiroir-caisse, en plus ! Mouais, pas terrible.

   Un petit homme maigre à l'air pincé pénétra dans la pièce à son tour – avec cinq minutes de retard, nota la jeune femme –, et le silence tomba sur l'assemblée. Sans attendre, l'enseignant déclina son identité, sa fonction, les grandes lignes de son CV, puis fit circuler une feuille en demandant aux étudiants d'y inscrire leur nom en vue du contrôle des absences : quiconque sauterait trois séances sans se justifier se verrait recalé. Thaïs arqua un sourcil, perplexe : cette règle lui paraissait un brin scolaire pour la fac. En quittant le lycée, elle avait cru en avoir fini avec le maternage.

   Son attention déclina pendant la présentation du programme, pour mieux se reporter sur l'autre sujet passionnant du moment : le rangement de son appartement. Elle n'en avait récupéré les clefs que la veille et, la valse des cartons n'ayant pris fin que tard dans la soirée, seul son lit avait été paré. Thaïs brûlait d'aménager son premier chez-elle. Elle le voulait adulte, représentatif du nouveau chapitre de sa vie qui s'ouvrait. Alors exit les posters, les photos de vacances avec les potes, les cartes postales des cousins, les...

   Ses pensées et l'enseignant s'interrompirent : quelques mètres derrière elle, un toc toc venait de retentir contre une porte que l'étudiante n'avait pas encore remarquée. Toute la salle pivota d'un même mouvement vers le panneau qui timidement s'entrouvrait. De l'autre côté se tenait un jeune homme un peu tassé sur lui-même. Il examinait la salle avec hésitation.

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