4. Il n'est pas certain que je survive à Justine (2/3)

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   Ou peut-être que si, d'une certaine manière, dans la mesure où Thaïs avait cru percevoir dans le ton sur lequel il avait livré sa réponse un mélange d'amertume et d'agacement.

   Cela la chagrinait un peu. Son instinct lui soufflait que la mayonnaise ne prendrait véritablement qu'avec eux cette année et l'idée d'une alchimie partielle au sein de leur trio lui gâchait son plaisir. Elle n'entretenait pas de relations exclusives en amitié. Elle avait des amis, tout un groupe en fait, mais personne à l'intérieur de celui-ci ne jouissait d'un statut particulier. Il n'y avait pas de « meilleur », pas de confident attitré, pas de personnalité miroir dans laquelle se refléter. Que ferait-elle, coincée entre deux potes qui ne se parlaient pas ? Il leur fallait peut-être un coup de pouce. Une mise en contexte différente, hors de l'enceinte de la fac, pour se voir autrement.

   — Ça vous dit de venir prendre un café chez moi ? lança-t-elle comme ils se dirigeaient vers la sortie.

   Sourou demanda l'heure et dans quel quartier elle vivait avant de répondre. Il réfléchit un instant, puis accepta en précisant qu'il ne pourrait rester qu'une petite heure. Edwige, elle, refusa poliment : des discussions entamées pendant le déjeuner attendaient une conclusion qu'elle ne souhaitait pas repousser. Ils prirent donc le métro tous ensemble, mais Edwige les quitta trois stations plus loin pour attraper sa correspondance. Personne n'avait desserré les dents. La rencontre des karmas devrait attendre, visiblement. Les portes du wagon venaient de se refermer lorsque Thaïs se rappela qu'elle n'avait rien à offrir à la maison. Elle se mit à rire.

   — Mes placards sont vides, expliqua la jeune femme devant le regard interrogateur de Sourou. J'avais complètement oublié que je devais faire des courses. Ça t'ennuie si on fait un crochet ?

   — Non, j'en profiterai pour faire les miennes.

   — Bien, comme ça je verrai comment on s'y prend.

   — Premier plongeon dans le grand bain ?

   — Oui, M'sieur.

   — Tes parents vivent loin ?

   — Pas vraiment, ça me prendrait une heure porte à porte de rentrer.

   — Pourquoi t'as choisi de t'emmerder avec un boulot et un loyer, alors ?

   — Je ne voulais plus être une petite fille. Mes parents croient un peu trop fort à leur mission, ils mâcheraient ma viande à ma place si c'était socialement acceptable.

   Sourou s'amusa de la formule, mais ne commenta pas.

   — De toute façon, reprit Thaïs, il faudra bien que je me frotte à la vraie vie un jour ou l'autre, non ?

   — Edwige te conseillerait sûrement l'autre.

   Le trajet touchait à sa fin. Thaïs lui fit signe qu'ils allaient descendre et le guida au-dehors.

   — Ça ne passe pas avec elle, hein ? relança-t-elle une fois à l'air libre.

   — J'ai du mal avec l'oisiveté comme plan de carrière, ouais.

   — Parce que tu fais partie des ambitieux hyperactifs ou par jalousie ?

   — Peut-être bien par jalousie, concéda le jeune homme avec un sourire amusé. A priori, mes cartes sont beaucoup moins bien distribuées que les siennes, c'est pour ça que je trouve courageux de s'embarquer volontairement dans des galères qui pourraient attendre encore quelques années au lieu de choisir la facilité. Enfin, courageux... ou fou. C'est toi qui vois.

   — Mon père a opté pour « inutile ». Perso, je dirais « nécessaire ».

   — À ce point ?

   — J'étouffais, chez moi.

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